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Citation de Cannetille


Certaines d’entre elles sont bien de petites délinquantes, comme Jacqueline, fille de ferme, qui a volé quelques centaines de francs pour aller rejoindre son amant, ou Marcelle, employée de maison qui a subtilisé des vêtements de sa patronne. Issues de familles moins pauvres, ou si elles avaient paru plus convenables, elles auraient été rendues à leurs parents après avoir été grondées. D’autres mineures se sont prostituées – ce qui n’est pas, à l’époque comme aujourd’hui, un délit pénal. Pour cela, il suffit parfois d’avoir accepté les cadeaux d’un amant ou d’un soldat américain, ou d’avoir partagé son hôtel. Beaucoup ont été coffrées pour vagabondage : une notion floue dépénalisée en 1935 qui, concernant les mineurs, permet à la justice de sanctionner les fugues par un placement en institution jusqu’à la majorité, surtout si elles sont aggravées par des suspicions de prostitution ou seulement une tendance à la « débauche » : fréquentation de bals, fêtes foraines, guinguettes, cafés, dancings, liaisons avec des garçons, avec un homme jugé louche, ou parfois, encore pire, un homme nord-africain. Un juge peut donc décider d’enfermer en institution corrective toutes ces adolescentes, qui ont très souvent fui la violence familiale, des abus sexuels ou la grande pauvreté. On commence à utiliser la notion fourre-tout de « prédélinquance. » Selon leur attitude, on peut les y laisser jusqu’à leur majorité, les remettre à leurs parents ou les placer chez des employeurs, le plus souvent comme bonnes à tout faire, « domestiques de peine » ou gardes d’enfant avec interdiction de quitter leur emploi. Avant les vingt et un ans, la majorité, il n’y a pas de limite à la mainmise du juge. La décision est même parfois prise à la demande des parents mécontents de la conduite de leur progéniture, au titre de ce qu’on appelait « la correction paternelle ». Ce sont donc dès le départ avant tout leur moralité, leur comportement, leur milieu d’origine jugé déficient ou dangereux, qui valent à ces mauvaises filles d’être à l’ombre, pas les délits qu’elles ont ou n’ont pas commis, ni les articles du Code pénal. À Fresnes comme ailleurs, certaines sont ainsi enfermées depuis plus de dix années et, avant ça, derrière les murs depuis l’enfance, élevées dans des couvents, des « refuges ».
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