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Citation de Simonbothorel


Quelques citations/extraits du roman Cul-de-sac (The Dead Heart) de Douglas Kennedy (Editions Gallimard, 1998, trad. par Catherine Cheval) :

• « Darwin by night. De la viande saoule, en short kaki, slalomant d’un trottoir à l’autre. Un quatuor d’amos pieds nus, vautrés dans le caniveau, se repassant une bouteille de Bundaberg — le fia local. De loin en loin, une belle de nuit — short ras la moule, cheveux platine et lèvres gercées — à l’affût du client dans l’ombre d’un hôtel à douze dollars la chambre. Et par-ci, par-là, une mineure en rupture de ban, qui avait dû s’envoyer une demi-douzaine de rhum-Coca de trop et qui dégueulait tripes et boyaux, pliée en deux au-dessus d’une poubelle. » p. 22.

• « Ma cartouche de Camel duty free traînait sur le lit. J’ai ouvert un paquet, je me suis allumé une clope avec mon Zippo et j’ai inhalé à fond. Bingo ! Le pied instantané ! Pourquoi passer sa vie à courir après le bonheur, alors que les rares instants où l’on touche la félicité absolue sont par essence aussi éphémères qu’imprévisibles : une douche à la fin de la journée caniculaire, une taffe qui vous semble si bonne que vous avez l’impression que la béatitude, c’est ça. L’espace d’une seconde ou deux, du moins… Mon flirt avec la béatitude n’a pas été très poussé. Il a pris fin à la seconde où mes yeux sont tombés sur la carte d’Australie étalée sur mon lit. Cette foutue carte… Elle m’avait eu au charme. Je m’étais laissé séduire par ses belles promesses. Je l’avais suivie jusqu’ici. A Darwin. Acheter cette carte avait été une erreur monumentale. » p. 25-26.

• « Si j’étais vraiment le mec indépendant que je imaginais, n’était-ce pas l’occasion rêvée de laisser tomber la plume et d’ouvrir mes ailes ? » p. 29.

• « La conduite de nuit en rase campagne, je l’avais abondamment pratiquée, dans mon Maine natal, mais là… rien à voir. Et ce n’était pas un vain mot ! Pas de lune, pas de lampadaires, pas de phares de bagnoles venant en sens inverse. Pas même la plus petite lueur d’étoile dans ce putain de ciel complètement bouché. Le noir absolu. Et pourtant, toutes les deux ou trois bornes, le pinceau de mes phares en faisait surgir deux points phosphorescents, à quelques dizaines de mètres devant mon pare-chocs — une paire de prunelles, qui semblaient flotter dans l’opacité du néant. Chaque fois, je sentais mes mains se crisper davantage sur le volant. Quelque chose était là, à l’affût. Et la proie, c’était moi. » p. 41.

• « Le silence s’est fait. Un silence de crypte. Le genre de silence qui vous ferait croire qu’il n’y a plus que vous sur terre. Ça m’a foutu les jetons, ce silence à perte d’ouïe, style espaces infinis. Je n’avais pas vu le poteau frontière, mais j’y étais, au Pays de Nulle Part… » p. 43.

• « J’étais au centre d’un univers voué au rouge. Un rouge arrive, stérile, couleur de sang séché. A perte de vue, de la latérite et une brousse maigre, poudrée de rouge. Le tout occupait un plateau d’une taille qui défiait l’imagination. Je me suis éloigné du combi et, planté au milieu de la route, j’ai contemplé les quatre horizons. Au nord, rien. Et rien non plus au sud, à l’est ou à l’ouest… Pas la moindre bicoque, pas un poteau téléphonique, pas l’ombre d’un panneau, qu’il soit routier ou plubicitaire. N’était le ruban de bitume que j’avais sous les pieds, j’aurais pu être le premier homme à m’aventurer dans cette contrée. Un désert sans limites, sous un ciel d’un bleu implacable. L’infini, hypnotique à force de monotonie. Dans quel siècle je suis, là ? A quelle ère géologique ? Paléozoïque, année zéro, à vue de nez. A l’aube du premier matin du monde? Genèse, chapitre 1, verset 1. » p. 45-46.

• « Mais vu ma désastreuse prise de contact avec l’outback, j’avais besoin d’un bain de civilisation pour me sécuriser. D’un lieu où goûter des plaisirs primaires, à l’abri de ce vide immense qui vous contraint à un face-à-face de tous les instants avec vous-même. » p. 56.
« Aussitôt après, je me suis rendormi. Avec l’impression de tomber dans le coma. Une chute libre à travers un univers noir de poix, périodiquement transpercé d’éclairs de flash qui illuminaient de façon fugitive des tableaux vivants complètement surréalistes. […] Mais déjà, j’étais retourné aux ténèbres insondables de mon abîme. J’y suis resté des jours. Béatement lové au coeur de ce néant. Jusqu’à ce que j’ouvre les yeux. » p. 85. (après qu’Angie est planté une seringue sur le bras de Nick pour l’endormir)

• « Le mal du pays est le pire des tourments pour un exilé, surtout quand il s’agit d’un exil voulu. Ou qu’on se retrouve dans un monde dont on ignore les lois. Un monde où la logique ordinaire n’a pas cours. Où in se sent complètement largué. » p. 100.

• « Une vallée aride, profonde comme une entaille, cernée de falaises rouge sang, dont le schiste se délitait. Ces remparts naturels écrasaient la vallée, telles les murailles cyclopéennes d’un fort préhistorique. Du haut de ces à-pics d’une bonne centaine de mètres, on devait se dire : « Cette fois, je l’ai vu, l’endroit le plus déshérité de la planète. » Un puits sans fond, écrasé de soleil. Un gouffre sans issue. Mais, planté au centre de ce gouffre, les yeux fixés sur ces murailles sanglantes, on se sentait nargué par leur présence écrasante. Comme si des divinités chthoniennes vous susurraient : « Essaie un peu de te sortir de ce cul-de-basse-fosse, Ducon… » p. 134-135.

• « J’ai pris mon pied à fignoler le boulot — parce que ça meublait mes journées, que ça m’aidait à tuer le temps et que ça me donnait une raison valable de me tirer du lit dès l’aube. On passe sa vie à se faire accroire que le travail qu’on s’appuie a une finalité supérieure — un but qui va bien au-delà du simple besoin de s’assurer le vivre et le couvert. Mais, au fond, on ne bosse que pour combler le vide des heures — pour éviter de se confronter à l’inanité de son existence. Le boulot est un drogue comme une autre. Alors défoncez-vous, et vous n’aurez pas à méditer sur l’absurde futilité du temps que vous passez sur terre. Ou sur la situation sans issue où vous vous trouvez. Et où vous vous êtes collé vous-même, ça va sans dire… » p. 176-177.

• « Qu’est la spiritualité sinon une tentative de se détacher des contingences ordinaires, de s’élever au-dessus de notre condition d’homme ? Je me suis rapidement persuadé que déguster un verre ou deux de cabernet sauvignon n’était pas le pire moyen d’y parvenir. » p. 212.

• « J’essayais de pas trop penser à ce que ça fait de crever de soif. Parce que, de ma vie, je n’avais vu quoi que ce soit de comparable, dans la cruauté absolue, au paysage qu’on traversait maintenant. Un océan de sable. Un jour de calme plat. Pas une colline, pas un monticule, pas un arbre, pas un poil d’ombre, pas même une pousse rabougrie de spinifex. Rien n’y vivait, parce que ce bout de désert devait tuer raide tout ce qui s’aventurait dans son périmètre. L’aridité faite plaine. Couleur sang séché. Le coeur mort de l’Australie. » p. 268. (Pendant la fuite de Nick avec Krystal)
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