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Critiques de Duncan Fegredo (15)
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Kid Eternity

Une âme en errance

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Ce tome content une histoire complète, indépendante de toute autre qui ne nécessite aucune connaissance préalable du personnage. Il regroupe les 3 épisodes double initialement parus en 1991, écrits par Grant Morrison, et peints par Duncan Fegredo.



Sur une scène noire, avec un éclairage violet, Jerry Sullivan, un humoriste, fait son entrée et pose sa canette à terre. Il retrousse les manches de sa veste et s'approche du micro. Il déclare qu'il pense à la mort. Dans les urgences d'un hôpital, des brancardiers poussent une civière sur laquelle repose un individu qui vient d'avoir un grave accident de la route : Jerry Sullivan. Il a été repêché dans la Est River, et il présente des fractures au crâne, un pouls faible et irrégulier, des hémorragies internes. Quelque part dans un appartement de New York à une soirée, Jerry a décidé de faire une partie de Scrabble avec Denise. Il pose un E au-dessus d'un T. Ailleurs, Bob Goodfellow conduit en chantant, et en buvant du whisky. À l'hôpital, l'agent d'accueil est en train de faire un mot croisé derrière son comptoir. Il cherche un mot qui se termine par Y et dont la définition est un bonsaï dérangé qui veut vivre pour toujours. Jerry a posé deux lettres de plus : E et un R, sous le T. Dans son appartement, une femme arrose son bonsaï. À la soirée, les yuppies parlent culture contemporaine et gains financiers. Jerry a remarqué une jeune femme qui lui a tapé dans l'oeil : Val Hoffman. Elle lui lance un regard coquin. À Las Vegas, Bob Goodfellow joue avec une pièce qu'il lance en l'air d'une pichenette et qu'il rattrape : il se sent chanceux. Il rentre dans un casino.



Dans son appartement, la dame au bonsaï entend toquer, elle va ouvrir pensant que c'est son ami Richard : pas de chance. L'agent d'accueil a trouvé le mot correspondant à la définition. Dans la soirée, Jerry a également complété ce mot : Éternité. Tout d'un coup, juste sous le tableau de Pablo Picasso, sur la table où était posé le plateau de Scrabble se trouve Kid Eternity. Avec lui sont apparus un templier et un gangster des années 1930. Il se tourne vers eux en les prévenant que le Shichiriron les a suivis. Gordon, le responsable de la soirée, se tourne vers le kid pour lui demander ce qu'il fait là mais sa gorge est transpercée par derrière par une griffe. En fait ce sont ses propres vêtements qui sont en train de le tuer. Carmina Burana continue de retentir dans la stéréo. le personnage dans la peinture de Picasso s'anime et sort du cadre. Il s'en prend à Michelle et la lacère : elle fait un bruit comme Marie-Antoinette. Jerry a fini par réagir et il pousse tout le monde vers la porte pour sortir de l'appartement. Mais il se retourne comme Orphée et il ne parvient pas à détacher son regard du Kid. Il ressent comme un éclair dans son esprit, comme du bruit blanc. Son nez saigne. Il a un goût de métal dans la bouche. Il parvient à se retourner et à courir dans les escaliers. Ils descendent. D'autres ont préféré prendre l'ascenseur : les lumières s'éteignent dans la cabine, et ses parois deviennent brûlantes.



En 1989, Grant Morrison s'impose dans le monde des comics avec une histoire de Batman à nulle autre pareille : Batman : L'asile d'Arkham avec Dave McKean. Non seulement, il a réussi une histoire provocante et complexe, mais en plus la narration en peintures ne ressemble à rien d'existant auparavant, ou peu s'en faut. Les lecteurs sont donc à l'affut de tout produit qui y ressemble de près ou de loin. Cette histoire répond à ces critères : narration visuelle en peintures, événements brutaux, personnages dérangés. le lecteur est assailli de ressentis : ce comédien seul sur scène peut-être sans autre spectateur que le lecteur, parlant de mort, cette entrée fracassante aux urgences, l'accident de voiture, un prêtre au casino, une femme qui arrose son bonsaï, et pourquoi pas une partie de Scrabble tant qu'on y est ? L'approche visuelle évoque à la fois des éléments de Dave McKean en moins radical, une touche de Bill Sienkiewicz période Elektra: Assassin (Elektra - Intégrale, 1986/1987) avec Frank Miller, et enfin Paul Johnson par exemple dans ‎Mercy: Shake the World (1993) de JM DeMatteis. Couleurs expressionnistes, silhouettes aux contours imprécis ou tranchés, tâches de couleur pour le sang, les traînées des phares de voiture, mélange de peinture et de traits encrés, effets visuels (par exemple pour les néons des casinos), cases en biais, nombre de cases différent à chaque page, cadrages inhabituels, etc. C'est original et prenant. C'est déstabilisant et éprouvant à la longue.



Chaque épisode est découpé en deux chants (Canto) comme si le scénario avait été écrit pour une parution en fascicule mensuel habituel. Arrivé à la fin des deux premiers chants, le lecteur est épuisé, n'a pas compris grand-chose et en a pris plein les yeux. Il se rend compte que le scénariste s'est complètement approprié le personnage créé par Otto Binder & Sheldon Moldoff en 1942, ne conservant que le principe d'un jeune homme (et plus un enfant) qui peut appeler des personnages historiques dans le temps présent, et de Monsieur Gardien (Mister Keeper) une sorte de chaperon qu'il faut aller rechercher dans les enfers. L'artiste s'inspire vaguement de l'apparence de Morrison pour le kid. Mais bon, les situations sont imprévisibles, dérangeantes et dégageant un malaise empreint de poésie, et puis l'intrigue progresse de manière perceptible. Il ne reste plus qu'à faire confiance aux auteurs et à se laisser porter en s'accrochant. le lecteur profite du voyage avec des images saisissantes : Kid Eternity allongé sur le dos sur une table et réajustant ses lunettes rondes, la silhouette d'un tableau de Picasso prenant vie, Jerry continuant son numéro sur scène, un prédicateur sous une pluie de billets verts, un navire marchand explosé par une torpille, un escalier vers les Paradis, l'inconcevable silhouette du tribunal qui juge les âmes des défunts, des araignées ayant élu domicile dans la chevelure en choucroute d'une serveuse, une catabase spectaculaire et inventive, la vision de la cité de Dis, etc. Cela semble sans fin : le scénariste aligne les idées à un rythme effréné, et l'artiste se lâche de plus en plus pour des visuels plus entreprenants, plus téméraires.



Duncan Fegredo est tout feu, tout flamme tout du long. Il adapte son découpage de pages à chaque séquence, et parfois à chaque page : découpage traditionnel en cases alignées en ligne, illustration en pleine page, disposition en drapeau avec une case de la hauteur de la page sur la partie gauche et des cases comme accrochées sur ce mat, cases en trapèze pour rendre compte de la vivacité d'un mouvement ou d'une surprise venant bouleverser un individu, planche avec uniquement des cases de la largeur de la page, ou uniquement des cases de la hauteur de la page, cases en insert sur un dessin en pleine page, cases en spirale, etc. Il utilise la peinture pour composer des camaïeux expressionnistes en fond de case, mais aussi pour les textures, les effets spéciaux, le décalage entre des éléments matériels et des éléments surnaturels, etc. Il faut un peu de recul au lecteur pour prendre conscience de ce que l'illustrateur apporte au scénario, comment il donne à voir des concepts ébouriffants, de vraies visions qui ne devaient qu'être qu'évoquées dans le script. de son côté, le scénariste semble animé par une succession intarissable de visions et de concepts, nourris par les gros titres des faits divers et par des références culturelles parfois ésotériques, telles celles aux Séphiroth et aux Qliphoth de la Kabbale. Il invente les Shichiriron, ces êtres aux trousses de Kid Eternity.



Dans le Canto II, le lecteur découvre que Grant Morrison connaît très bien ce personnage puisqu'il en reprend les origines avec son oncle et le bateau coulé, à la lettre. Puis au cours des canto III & IV, il commence à comprendre comment les pièces du puzzle s'assemblent. Les deux derniers canto expliquant clairement ce qu'il vient de se passer, dans une intrigue logique qui aboutit à un dénouement clair. Les éléments les plus hétéroclites trouvent parfaitement leur place : la partie de Scrabble, Pablo Picasso, le sous-marin en 1942, les légendes urbaines devenant réalité, la recherche d'une carte des enfers, les maîtres de l'Ordre et les seigneurs du Chaos, et même les chaosphères. La dimension ésotérique du récit, elle-même, fait sens avec la découverte des réels responsables des événements, et leur motivation parfaitement intelligible et compréhensible. En filigrane, le lecteur peut également saisir une métaphore sur les traumatismes subis par Kid Eternity dans son enfance, et voir dans les éléments surnaturels du récit, l'expression de son syndrome de stress post traumatique, par exemple Monsieur Gardien en doudou, le comportement de son oncle comme celui d'un prédateur, et Jerry comme un individu normal devenant une sorte d'ancre pour le kid. le lecteur est récompensé au-delà de ses espérances : son investissement dans une lecture très sensorielles aboutit à un récit bien construit et poignant.



Une autre histoire peinte par l'auteur d'Arkham Asylum : une pépite oubliée ? Au début, le lecteur ressent la force visuelle des situations, tout en se disant que le scénariste a écrit au fil de l'eau avec comme seul inspiration la volonté de créer des séquences surprenantes et bizarres, et que l'artiste aurait peut-être dû opter pour une narration sage et descriptive afin de compenser. Très rapidement la force des compositions transporte le lecteur ailleurs dans des montagnes russes émotionnelles, sollicitant à plein ses sens. Petit à petit, l'intrigue devient intelligible, tout en conservant son impact émotionnel, et son sens du péril. Étant moins accessible que Arkham Asylum et sans Batman, il est compréhensible que ce récit n'ait pas marqué les esprits de la même manière, pour autant c'est du Grant Morrison en pleine forme, avec un bon artiste qui ne ménage pas sa peine. Après cette aventure qui l'a ramené au temps présent, Kid Eternity a eu droit à une série mensuelle de 16 épisodes écrites par Ann Nocenti et dessinée par Sean Phillips : Kid Eternity Book One (épisodes 1 à 9, initialement parus en 1993/1994).
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Girl

Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Il regroupe les 3 épisodes de la minisérie, initialement parus en 1996, écrits par Peter Milligan, dessinés et encrés par Duncan Fegredo, avec une mise en couleurs réalisée par Nathan Erving.



Simone Cundy a 15 ans et elle vit dans la ville industrielle et ouvrière de Ballston. Elle est en train de se rendre dans une usine désaffectée avec un foulard couvrant le bas de son visage, un bidon d'essence dans une main, et une brique dans l'autre. Elle lance la brique dans une fenêtre et pénètre ainsi dans le grand hall de l'usine. Elle débouche le bidon et verse de l'essence un peu partout. Elle prend son briquet et allume un chiffon imbibé qu'elle laisse tomber à terre. Quelques jours auparavant, elle sortait de son immeuble comme d'habitude et prenait l'ascenseur, squatté par quatre jeunes, des potes, comme d'habitude, en train de cloper, deux d'entre eux jouant à savoir s'ils trouvaient plus de préservatifs usagés, ou plus de seringues usagées. Ce jour-là, l'avantage était aux seringues au nombre de 4, contre 2 préservatifs. Simone est une adolescente un peu cynique qui croit dans la sainte trinité : sa tête, son cœur et son hymen, tous les trois intacts, et elle compte bien qu'ils le restent. Elle n'aime ni les mecs, ni les filles, ni les popstars, ni les romans, ni la loterie. Sa mère a trouvé sa lettre de suicide dans sa chambre et elle en parle à son époux Steve Cundy. Celui-ci est plus affecté par le déroulement du match de football à la télé et par l'interruption inévitable car il doit aller aux toilettes. Il n'écoute pas se femme qui se demande si elle doit s'inquiéter pour leur fille, et il râle parce qu'il n'y a plus de papier aux toilettes. Elle lui tend la lettre de Simone pour qu'il la lise, et il s'en sert pour s'essuyer sans comprendre de quoi il s’agit.



Dans les égouts, deux agents inspectent les canalisations. John Paul Smith, le plus jeune, retrouve la note de suicide dans les excréments car elle bloquait une canalisation. Il remarque qu'elle date de quatre jours. Simone gît dans son cercueil, exposé dans le salon de l'appartement, alors que les proches sont rassemblés pour un dernier adieu, tout en mangeant ce qu'a préparé la mère de famille. Parmi les personnes présentes se trouvent les frères et la sœur de Simone : Debbs (enceinte), Jason et Barry. Debbs remet un peu de rouge sur les lèvres du cadavre. John Paul Smith passer la porte pour présenter ses condoléances à la famille. Debbs reconnaît en lui le copain de la défunte et l'oblige à embrasser le cadavre sur les lèvres. Les parents se sont déjà désintéressés du corps de leur fille, et ils suivent attentivement le tirage des numéros du loto à la télé. Le chien de la famille vient lui aussi dire adieu à Simone, et il urine sur le cadavre. Ce dernier explose en libérant des gaz, projetant du sang sur tous les invités. De plus en plus horrifié, John Paul Smith décide d'emmener le cadavre éventré loin de cet asile de fou. Simone est tirée de sa rêverie par John Paul Smith et son collègue qui ont fini leur inspection des émissaires et qui reviennent se changer. Ils indiquent à Simone qu'elle ne peut pas rester là.



Milligan & Fegredo avaient déjà collaboré en 1993 pour un récit hors norme : Enigma et le lecteur se demande bien ce que peut donner cette collaboration subséquente entre deux créateurs à la personnalité aussi forte. Visiblement, le scénariste est dans un période où il est très en forme, avec un responsable éditorial qui lui a complètement lâché la bride. Le lecteur découvre donc une série de situations et d'actes transgressifs : du chien qui urine sur le cadavre (ah ben si quand même), au père qui en retourne une à la mère dans un acte violence domestique caractérisé, en passant par un viol dans une décharge, une défenestration peut-être criminelle, une relation sexuelle consentante sous le porche d'un immeuble, un enfantement dans un appartement dans des conditions sanitaires déplorables, etc. Il ne manque que l'usage de stupéfiants et la prostitution, mais c'est déjà chargé comme ça. Le lecteur suit donc cette demoiselle vivant dans un milieu de prolétaires un brin caricaturaux, se sentant en décalage car il est évident que son quotient d'intelligence est déjà supérieur à la somme de celui de ses parents et de ses frères et sœur réunis. Sa situation se complique encore quand elle rencontre une autre adolescente qui pourrait être sa sœur jumelle, à ceci près qu'elle est blonde.



Le lecteur suit donc les tribulations de Simone Cundy, dans un quotidien très glauque au premier degré, mais avec une touche caricaturale qui déplace le récit du mélodrame tire-larme, plutôt vers la farce grinçante, même si la séquence d'ouverture laisse sous-entendre que tout pourrait se terminer avec une immolation par leur feu (pas très réjouissant comme mort). Il en va de même pour la narration visuelle. L'artiste a entamé sa phase de mutation qui va le mener vers une apparence de dessin intégrant un petit degré d'abstraction pour devenir plus expressionniste, ce qui conduira Mike Mignola à l'embaucher le temps d'histoires mémorables d'Hellboy : Hellboy, Tome 10 : La Grande Battue et Hellboy, tome 16 : Le Cirque de minuit. Pour la présente histoire, il réalise des dessins avec un bon degré de détails. Ainsi le lecteur peut se projeter dans le hall abritant la grande machine d'imprimerie, dans l'ascenseur surpeuplé et défraîchi de la HLM, dans le salon un peu étroit et décoré avec un mauvais goût appuyé des Cundy, dans la décharge à ciel ouvert, dans la boîte de nuit, ou encore dans le funérarium, le poste de police, et les rues de Ballston. L'artiste détoure soigneusement les contours des formes, avec un trait irrégulier apportant du relief et de la texture à chaque élément, donnant une sensation d'usure et parfois de saleté à certaines zones.



Fegredo représente les personnages de manière plutôt honnête, c’est-à-dire sans les caricaturer, sans forcer la dose pour le surpoids du père, ou les expressions manquant d'intelligence de la mère. Il ne transforme pas les personnages en des gravures de mode, ou des canons de beauté. Il représente des individus normaux, avec différentes morphologies, e des expressions de visage naturelles et variées. Il porte une attention particulière aux tenues vestimentaires de telle sorte qu'elles soient en cohérence avec l'âge de l'individu, sa position sociale, son métier ou son occupation. Ainsi, Simone ne porte pas les mêmes vêtements dans la rue, que pour sortir en boîte ou pour se rendre à son lycée. Au fur et à mesure, le lecteur se rend compte de la qualité du jeu des acteurs, avec une direction naturaliste, et une capacité épatante à rendre compte d'un état d'esprit, d'une émotion nuancée. Il voit bien le désœuvrement blasé des jeunes dans l'ascenseur, la réflexion limitée de la mère avec la lettre de suicide dans la main, la gêne de John Paul Smith lors de la veillée funéraire grotesque, la tentative de séduction de Simone avec Marley et la gêne de celui-ci, la malice de Polly, le calme de l'inspecteur de police, etc. Même s'il n'y prête pas attention de manière consciente, le lecteur finit par se rendre compte de la facilité avec laquelle l'artiste parvient à lui rendre plausible toutes les situations, même les plus inattendues, comme quand Simone imagine l'inspecteur tout nu assis sur les toilettes pour faire en sorte qu'il ne l'impressionne pas.



Il n'est pas possible de résister longtemps à l'entrain outrageux de cette farce sociale. Les auteurs racontent avec une verve certaine la révolte d'une adolescente contre les individus de son milieu trop étriqué, contre un environnement social débilitant lui promettant un avenir de prolétaire bas du front. Simone Cundy se rebelle et est prête à commettre des actes violents. En fait non, elle souhaite juste trouver une échappatoire à un quotidien désespérant. Au départ, Milligan donne l'impression de reprendre le chemin parcouru par Grant Morrison dans Kill Your Boyfriend (1995) avec Philip Bond. Mais en fait, Simon Cyndy ne se met pas à trucider toutes les personnes qui passent à sa portée. Elle a bien du mal à savoir ce qu'elle ressent lors de diverses catastrophes (la défenestration, le bébé mort-né), et elle ne commet que deux actes violents, en réponse à une agression préalable. En plus le lecteur en vient rapidement à se demander si elle constitue une narratrice vraiment fiable. En effet, cette histoire de sœur jumelle blonde est trop belle pour être vraie, et le comportement de Simone à la suite de cette découverte s'avère assez étrange. À l'évidence, le scénariste joue autant avec son personnage qu'avec le lecteur. Ce dernier n'a donc d'autre choix que de se laisser trimballer par l'intrigue, oscillant entre répulsion devant le sort de cette pauvre demoiselle, et amusement à ses tribulations du fait de la survenance d'événements un peu gros, mais pas impossibles.



Les auteurs imaginent un récit pour évoquer le mal-être de l'adolescence. Ils mêlent le mélodrame ordinaire à la farce, avec un dosage parfait. La narration visuelle est très convaincante, avec de légères exagérations discrètes, et un parfum de quotidien dans une ville industrielle appauvrie, plus vrai que nature. L'intrigue s'avère fournie, sans être complexe, avec un scénariste facétieux et sarcastique, pour une histoire savoureuse.
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Kid Eternity

Le premier contact que l'on a avec cet album est graphique, on découvre le travail de Fegredo, on est complètement éblouit.
Lien : http://www.sceneario.com/bd_..
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Kid Eternity

Une plongée dans le chaos et l’esprit des hommes, dans l’enfer de leur âme, qui ne plaira pas à tous mais ne laissera pas indifférent.
Lien : http://bulles-et-onomatopees..
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Enigma

Ce tome contient une histoire complète et indépendante de toute autre. Il comprend les 8 épisodes de la minisérie, initialement parus en 1993, écrits par Peter Milligan, dessinés et encrés par Duncan Fegredo, et mis en couleurs par Sherilyn van Valkenburgh. La présente édition comprend une introduction de Grant Morrison (écrite en 1995) louant le caractère novateur du récit.



La scène introductive de 2 pages évoque et montre un meurtre vieux de 25 ans, une femme tuant son mari aux bords d'une ferme, dans un coin de l'Arizona typique où les enfants ont des relations sexuelles avec leurs parents, et finissent par tuer quelqu'un (dixit le narrateur). De nos jours, Michael Smith est un réparateur téléphonique et intervient dans la demeure de Victor Lamont, une vedette de la télé.



Le soir dans une ruelle, des policiers retrouvent un cadavre d'une personne dont le cerveau a été mangé par le Brain Eater, il y a un lézard mort et conservé à proximité. C'est mardi, Michael passe une soirée avec ses copains, puis rentre chez lui pour une partie de jambes en l'air avec sa copine (comme tous les mardis). Non loin de là, le superhéros Enigma est la proie de l'ennui. Michael Smith va finir par se retrouver nez à nez avec un supercriminel (The Head), puis avec Enigma, puis avec le créateur du comics d'Enigma datant des années 1970.



Peter Milligan est un scénariste de comics au mode d'écriture très particulier qui a laissé une empreinte indélébile dans l'univers des X-Men avec X-Statix. Il a également écrit de nombreuses histoires pour Vertigo et d'autres éditeurs, comme The Best of Milligan & McCarthy, Shade the Changing Man ou Greek Street. Lorsque "Enigma" est publié pour la première fois, de nombreux critiques crient au génie, et certains lecteurs crient au brouet abscons.



Contrairement à ce que peut laisser croire le résumé, ce récit n'est pas une histoire de superhéros. Pour commencer Duncan Fegredo réalise des dessins sans rapport avec l'esthétique superhéros des comics Marvel ou DC. L'encrage est lourd, les visages sont couturés de traits qui viennent les obscurcir. Les traits délimitant les contours donnent parfois une impression d'imprécision ; ils ne se rejoignent pas toujours bien, se croisant ou se chevauchant, sans bien fermer le contour, manquant de netteté. Cette première impression parfois désagréable est renforcée sur quelques pages par une mise en couleurs trop sombre que la reprographie ne parvient à restituer (il faut alors approcher la page d'une source de lumière vive pour essayer de distinguer des formes).



D'un autre côté, Fegredo crée des visuels très personnels, comprenant un niveau suffisant de détails, avec des individus dotés d'une forte personnalité, sans être caricaturaux. Chaque lieu est spécifique grâce à un ou deux détails bien choisis. Les dessins rendent compte des nuances du scénario quelles que soient les bizarreries prévues. Fegredo est aussi à l'aise pour représenter des meurtres ignominieux (les exécutions perpétrées par la Ligue des Intérieurs), des corps déformés de l'intérieur au point d'en devenir monstrueux, un apiculteur enfumant une ruche, un individu soliloquant au milieu de lézards, une boîte gay, un couple homosexuel tendrement enlacé après l'amour, etc.



S'il faut un temps d'adaptation pour que le lecteur se fasse à l'esthétique particulière des images, leur capacité d'évocation s'adapte à toutes les situations improbables et saugrenues imaginées par le scénariste. Effectivement Peter Milligan est déchaîné et refuse de s'imposer des limites ou des tabous. Avec un peu de recul, il a imaginé une intrigue en bonne et due forme, articulée autour de plusieurs mystères. Qui est Enigma (son identité secrète) et d'où vient-il ? Quel lien le rattache aux 3 numéros du comics des années 1970 ? Qui sont ces individus dotés de superpouvoirs qui commettent des crimes odieux ? Pourquoi des lézards ? Quel rapport avec le meurtre évoqué dans l'introduction ? En quoi la sexualité de Michael Smith est-elle si importante ?



Milligan fournit une explication cohérente à toutes ces questions et bien d'autres encore, dans un récit à la logique interne solide. Rapidement, le lecteur constate aussi que le récit n'est pas à prendre qu'au premier degré. Il est évident que ces lézards sont le symbole de quelque chose. L'un des supercriminels s'appelle La Vérité et énonce des vérités cachées à ses victimes. Enigma (le superhéros) est la copie conforme d'un superhéros obscur ayant existé le temps de 3 épisodes, et Michael Smith rencontre Titus Bird, l'auteur dudit comics. Ce dernier personnage introduit une mise en abyme efficace, puisqu'il commente ses qualités de scénariste sur les épisodes d'Enigma, introduisant un parallèle avec les propres qualités du comics Enigma de Peter Milligan (et donc par le biais de Titus Bird, Milligan commente ses propres qualités, c'est plus clair en lisant le comics).



Milligan ne se limite pas à un exercice de style (la mise en abyme), ses personnages prononcent des jugements et des critiques sur leur propre vie. L'auteur place dans l'esprit de ses personnages (des petites cellules de texte) des propos sur la manière de tromper leur ennui (réciter le dictionnaire à l'envers), sur leur rapport au père ou à la mère, sur leur vie bien rangée, sur leur responsabilité par rapport à leurs écrits (les meurtres commis au nom des épisodes d'Enigma écrits par Titus Bird), etc. Il y a une composante existentialiste dans ce comics.



Dans certaines séquences, le lecteur ne peut pas s'empêcher de se faire la réflexion que Milligan est peut-être un peu trop malin. Pour commencer, il n'hésite pas à se lancer des fleurs par le biais des observations de Titus Bird qui observe à quel point il était en avance sur son temps et particulièrement pertinent (= l'auteur d'Enigma est quelqu'un d'éclairé et de perspicace, l'auteur d'Enigma c'est également Milligan, la mise en abyme vous vous souvenez ?).



Milligan continue à faire le malin avec les cellules de texte de la première page de l'épisode 5, où le narrateur indique qu'il est un personnage du récit que le lecteur verra apparaitre à la fin du récit. Le clin d'œil est assez appuyé. Il l'est plus encore quand ce narrateur finit par apparaître dans l'intrigue comme un individu à l'élocution nettement supérieure à celles de ces pairs, donc plus intelligent que ceux qui l'entourent. Milligan étant aussi un narrateur cette observation s'applique également à lui, plus intelligent que la majeure partie de ses interlocuteurs, c’est-à-dire ses lecteurs (qui bien sûr n'ont pas de raison de se sentir insultés par de tels propos, de toute façon ils ne sont pas assez intelligents pour comprendre).



Le lecteur ressort de ce récit essoré. Le nombre de thèmes abordés de manière intelligente et personnelle par Peter Milligan est épatant. Le ton qu'il emploie oscille entre la narration inspirée et éblouissante, et une forme de cynisme mêlé de suffisance dans lequel l'autodérision n'est pas assez présente. Les dessins de Duncan Fegredo demandent un temps d'adaptation au lecteur, pour révéler leur pertinence, et leur intelligence graphique. Soit le lecteur est épuisé par ce récit qui semble partir dans trop de directions sans vraiment aboutir quelque part, avec une conclusion qui semble absoudre Enigma de tous les crimes qu'il a commis ou dont il est responsable, 3 étoiles (même si cette histoire complète est moins éreintante que la série "Shade the changing man"). Soit le lecteur accepte ce voyage en apparence chaotique, reflétant la vision de la vie de son créateur, 5 étoiles pour des fulgurances existentielles et une intrigue refusant le conformisme et reposant sur une structure rigoureuse.
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Enigma

Voilà un livre très étrange.

S'il est indiscutablement une histoire de super-héros, il serait pourtant très réducteur de le limiter à cela.

D'abord pour la narration très originale de Peter Milligan, ensuite pour le graphisme toruré de Duncan Fegredo.

Peter Milligan y reconte une histoire complètement folle, confrontant Michael Smith, un homme terne et quasi obsessionnel lorsqu'il s'agit de se conformer à sa petit routine de vie, et Enigma, un super-héros mystérieux qui combat des entités aussi dangereuses que surprenante.

Le problème est qu'Enigma, qui semble surgir de nulle part, est en fait un personne d'une bande dessinée obscure des années 70... une série annulée après 3 épisodes et dont presque personne ne se souvient. C'était pourtant la série préférée de Michael Smith. Et les méchants que combat Enigma sont des recréations des personnages originaux dela série.

Existe-t-il un lien entre Engima et Michael Smith ?

Il y a quelque chose de fou-furieux dans ce livre. Un jusqu'au-boutisme complet qui peut désarçonner mais qui rassure sur la capacité d'auteurs qui vont au bout de leurs idées au lieu de rester dans une approche consensuelle. Enigma ne cherche pas à séduire. Il propose une intrigue qui, derrière une folie constante, reste très cohérente dans son déroulement, brassant des thèmes divers et rarement abordés sous l'angle choisi par les auteurs. Il y est question d'identité, de sens, de la nature même de la réalité. Nous somme définitivemement plus prochde de Sandman que de Batman. Et c'est plutôt réussi.
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Kid Eternity

Le résultat est à la fois puissant et usant, formidablement rythmé et découpé, mais parfois beaucoup trop bavard. Mais l’intérêt ne faiblit jamais vraiment, car aux pinceaux, Duncan Fegredo développe un univers pictural ébouriffant d’inventivité et de maestria, dans un style un peu daté aujourd’hui, mais qui ferait pâlir d’envie n’importe quel dessinateur.
Lien : http://www.bodoi.info/kid-et..
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Kid Eternity



Il y a deux types de lecteurs de comics, ceux qui aiment Grant Morrison, et ceux qui ne l'aiment pas. Pareillement, il y a deux types de comics de Morisson, ceux que tout le monde pourra aimer, et ceux que seuls les aficionados de l'auteur pourront apprécier à sa juste valeur. Kid Eternity est certainement à placer dans la seconde catégorie !





Car ce que certains qualifieront de chef d’œuvre, d'autres ne pourront l'apparenter qu'à une espèce de casse-tête morbide. Mais tous reconnaîtront sans doute qu'il s'agit en tout cas d'un "extrême exercice de style intellectuel graphiquement audacieux". car cette « œuvre atypique » qu'est Kid Eternity ne laissera personne, et je dis bien personne, indifférent.



Ce comics est une œuvre hors-normes qui ne s'encombrent aucunement de perdre le lecteur dans ses méandres narratives et semble vouloir se libérer de toute contrainte de compréhension, préférant livrer un récit à « vivre » plutôt qu'à « comprendre ».





Mainte fois reconnu pour son talent et son influence sur le monde du comics, Grant Morrison est également connu pour ses récits complexes et inabordables, presque abscons, et ce même pour les plus tenaces. Et ce Kid Eternity est en effet loin d'être à la portée du premier venu ! Pourtant, le profane, soit non connaisseur du travail de l'auteur, soit habituellement hermétique à son style, pourrait néanmoins saisir, grâce à ce Kid Eternity, à la fois concis et condensé, l'occasion d'en apprendre plus sur les thèmes majeurs de Morrison.





Mais encore faudra-t-il faire preuve de courage et de concentration, accepter d'être plongé dés les premières pages dans un récit fourre-tout et onirique, où tout est possible.Et qu'il se rassure ce lecteur terre à terre, car passé cette amorce vertigineuse dans l'esprit torturé du créateur, de nombreuses pistes d'ordre et de compréhension sont à saisir, et c'est ce que nous allons tenter de trouver aujourd'hui.







L'Histoire







« - Mais je suis mort !

- Je sais. C'est là qu'on commence à se marrer. »









Pour comprendre Kid Eternity, il faut remonter aux années 40, alors que le protagoniste était un héros de comics classique apparu sous la plume d'Otto Binder et le pinceau de Sheldon Moldoff dans le numéros 25 de « Hit Comics », un périodique de bande-dessinée américaine :





« Nous sommes en 1942 et la guerre mondiale fait rage, un jeune garçon est torpillé avec son grand-père alors qu'il sont à bord d'un navire marchand, attaqués par un U-Boat. C'est alors morts qu'ils se retrouvent sur un magnifique pont semblant mener au paradis. Mais sur le point de passer la grille céleste, le jeune garçon apprend qu'il est décédé 75 ans trop tôt et qu'il n'a donc pas sa place aux cieux. N'ayant pas d'autre solution, l'ordre suprême des choses renvoie l'enfant sur terre.





L'enfant devient alors une entité bloquée entre la vie et la mort, chargé d'une mission et imprégné de super-pouvoirs. En effet, il sera dorénavant capable d'invoquer n'importe quelle figure historique ou littéraire afin que celle-ci lui prête main forte, simplement en prononçant le mot « Eternité » car « La justice jamais ne disparaîtra. Elle existera de toute éternité. » Kid Eternity, puisque ce sera désormais son nom, sera accompagner de M. Gardien, l'être divin ayant commis l'erreur au paradis, et leur principale mission sera d'installer des « sphères du Chaos » aux quatre coins de la planète, un dispositif permettant le maintien de l'ordre sur le monde.





Mais cette mission ne se fera pas sans mal puisque des êtres démoniaques, les Schichiriron, n'auront de cesse de le traquer lui et « Gar » (le diminutif de M. Gardien). C'est ainsi qu'un jour, Kid et son compagnon seront tout deux arrêtés et envoyés en enfer, sans possibilité de retour... »





Nous sommes 30 ans plus tard lorsque le récit de Morrison commence :

« Jerry Sullivan, un humoriste pessimiste et timide mène une existence où son quotidien se résume essentiellement à broyer du noir et à rire tant bien que mal de la mort. Un soir, suite à un accident de voiture sur un pont glissant, il se retrouve à moitié conscient dans un bloc opératoire où des visions cauchemardesques vont se mêler aux dialogues peu rassurants des urgentistes. Dans son délire de patient entre la vie et la mort, il rencontrera un certain Kid Eternity, un super-héros étant parvenu à s'échapper de l'enfer pour se réfugier dans l'esprit affaiblit de Jerry.





Jerry, bien qu'il s'était fait depuis longtemps à l'idée de la mort, va en apprendre bien plus sur elle qu'il ne l'aurait jamais souhaité. En effet, Kid lui explique qu'il a besoin de lui afin de retourner aux enfers et y délivrer son meilleur ami, M. Gardien. Va alors suivre une véritable catabase, une descente aux enfers, dans un au-delà torturé et cruel, où les deux hommes tenteront de découvrir la vérité dans tous ces concepts complexes et farfelus dans lesquels ils sont embarqués.





Kid découvre alors au plus profond des enfers qu'il a été trompé depuis tout ce temps. M. Gardien lui aurait en effet menti et les « sphères du Chaos » ne seraient pas un dispositif censé sauver le monde mais bien une arme élaborée par des êtres surpuissants enfermés en enfer il y a bien longtemps et bien décidés à en sortir prochainement.





C'est alors une véritable course existentielle contre la montre que vont subir les deux héros, surtout qu'un tueur sanguinaire (une réincarnation de Jack l'éventreur invoquée il y a bien longtemps par Kid Eternity qui ne put jamais être rappelée par le jeune garçon enfermé en enfer, qui ère depuis 30 ans sur terre à la recherche de victimes) à pris l'incarnation physique de Jerry comme cible… »









L'auteur









Aujourd'hui vénéré par les lecteurs de comics pour être un auteur audacieux et surprenant dont le travail ne déçoit que très rarement, Grant Morrison est avant tout un excellent créateur d'histoires. Connaisseurs presque encyclopédique (s'en est même inquiétant sous certains aspects) de l'univers lié à la firme « DC Comics » et son penchant mature « Vertigo » (celle pour qui il travaillera le plus souvent), le scénariste n'a de cesse depuis des années de jouer avec l'imagination et la mémoire du lecteur, laissant bien souvent les deux en parfait désordre après son passage, en témoignent par exemple ses runs acclamés et exaltés sur Animal Man ou Batman.





C'est à la sortie des années 80, alors que le comics subit une véritable révolution grâce à des auteurs innovant (et souvent britanniques) comme Alan Moore, Neil Gaiman ou encore Frank Miller, que Grant Morrison commence à s'emparer de vieux concepts bien souvent oubliés de la nouvelle génération, et ce afin de les moderniser et de les réinventer. Il le fera avec succès sur Animal Man et la Doom Patrol et décidera un jour de pousser le bouchon encore plus loin avec un jeune héros du nom de Kid Eternity…











Le scénario







« ON AIDAIT AUSSI LES GENS DE TEMPS EN TEMPS, POUR SE MARRER. »









Kid Eternity, avant d'être cette œuvre atypique de Grant Morrison, c'est un comics des années 40 dans tout ses clichés et ses attributs. Un personnage enfantin, des pouvoirs simplistes et presque sans limites, et surtout, un univers qui se plie littéralement aux besoins du scénario.





Prenons en exemple un scénario original d'un exemplaire du Kid Eternity des années 40 :

« Un jour, Kid Eternity croise le chemin de la première fusée martienne. L'Empereur martien a en effet décidé d'envahir la Terre. Mais la menace n'est pas prise aux sérieux par les autorités. Faisant appel au père Junipero Serra, Kid découvre la grotte ou se cachent les martiens. Ceux-ci construisent de petites fusées qui répandent une étrange moisissure verte sur Junction City. Tous les moyens conventionnels sont utilisés pour la détruire, mais rien n'entrave son inexorable progression, pas même un bombardement aérien. L'empereur martien donne alors huit heures aux terriens pour se rendre. Kid Eternity appelle Louis Pasteur afin d'examiner la moisissure, mais ce dernier ne trouve rien. Capturé par les martiens, Kid est ramené à la grotte. Ayant découvert que la moisissure est faite d'électrons, il invoque Steinmetz qui détruit la machine infernale. Privé d'énergie, le vaisseau martien plonge dans l'océan. » (Hit Comics 50 – Janvier 1948)





Mais cette simplicité fera la renommée du personnage et il deviendra très vite célèbre. Très vite mais très brièvement. C'est ainsi que dés 1946, il obtiendra son propre titre mais pour quelques numéros seulement. Il tombera alors dans l'oubli jusque dans les années 70 où la boîte DC Comics en racheta les droits à Quality Comics, son éditeur originel. Le jeune héros sera utilisé avec parcimonie par ses nouveaux papas mais ne parviendra jamais à s'imposer réellement. Il disparaît à nouveau, oublié de tous… ou presque.





Nous sommes dans les années 80 et le fameux « Brit Pack » fait son apparition dans le monde du comics moderne. Ce groupe d'auteurs britannique va littéralement s'emparer des créations américaines et, dans leur élan révolutionnaire et innovant, leur tordre tendrement le cou jusqu'à les réinventer totalement, mais toujours en respectant leur histoire, qu'ils connaissent parfaitement, en premiers fans qu'ils sont.





"Il s'agit d'un genre grinçant où s’épanouissent des héros plus durs, guère ralentis par les états d’âme qui ont toujours balisé les actions des personnages Marvel sur le modèle de Spider-Man. Les super-héros y sont confrontés aux réalités de la vie et aux problèmes de société (chômage, violence, criminalité, armes à feu, drogue…)" ("Super héros! La puissance des masques" par Jean-MarcLainé)





Grant Morrison hérite donc de Kid Eternity et va livrer au monde un récit révolutionnaire, apogée d'une décennie d'exercices narratifs et artistiques issus de l'héritage d'Alan Moore et de son amour de la déconstruction des héros aux récits naïfs du golden age et du silver age. Mais à l'inverse des récits de Moore, qui resteront encore longtemps les références du genre (avec Swamp Thing et Miracle Man en tête), ou l'auteur accompagnait progressivement le lecteur depuis la naïveté originelle jusqu'au monde des adultes sans illusions, Morrison décide lui d'être plus direct et de choisir plutôt ce qu'on pourrait appeler "la douche froide".





Direct et percutant, Kid Eternity , sous la plume de Morrison, semble se révéler plus complexe qu'il ne l'était dans les années 40, comme si les récits naïfs et manichéens du golden age dissimulaient en réalité un message tortueux sur la mort et l'au-delà, sur la dichotomie des grands mythes de l'Humanité.





Dés le début du récit, le lecteur oscille entre plusieurs temporalités et niveaux de réalité, sans doute égaré dans ces histoires imbriquées les unes dans les autres. Et c'est pile au moment où il se résigne à abandonner toute espoir de compréhension que le lecteur se voit happé par le héros (dans toute sa splendeur), Kid Eternity nous livrant quelques clés permettant de rester finalement encore un peu. Et le lecteur de sombrer alors dans l'histoire avec Jerry, le protagoniste, mener par le bout du nez jusqu'en enfer !





Morrison livre alors au lecteur un enfer personnalisé, où chacun des deux personnages, étranges et torturés, vit cette épreuve différemment, l'au-delà diabolique s'adaptant à chaque visiteur. Une fois les motifs de Kid exposés, le lecteur saisit enfin l'histoire qui va se dérouler devant ses yeux, il a enfin trouvé une bouée de sauvetage lui permettant de tourner les pages avec bien plus de confiance qu'avant.





Cet enfer reflète d’ailleurs parfaitement les intentions de Grant Morrison. A la fois lieu de perdition et de souvenirs d'enfance, cette partie de l'histoire est le symbole même du désir de l'auteur d'user d'une histoire de héros pour enfants sortis de nulle part pour la transformer en une épopée pour adultes, les souvenirs naïfs et manichéens se transformant sous les yeux du lecteur en de profondes réflexions existentielles.





Car Kid a profondément changé ! Depuis sa première apparition en 1942 jusqu'à sa réapparition aux yeux du lecteur des années 80, le héros aura passé trente ans en enfer, métaphore de l'oubli dont il fit preuve par l'ensemble des lecteurs de comics et de sa disparition totale des étales des comics-shops. Bien sûr il a conservé son pouvoir farfelu, celui de pouvoir invoquer en prononçant le mot « éternité » des personnages de l'histoire ou de la fiction qui combattent dés lors à sa place ses excentriques ennemis, bien sûr M. Gardien, l'éternel sidekick du très jeune héros, est lui aussi toujours présent, mais c'est à peu près tout. Le monde a bien changé en trente ans…





Et pour cause, Kid Eternity, en tant que projet de ramener un passé lumineux issu du golden age n'est qu'un prétexte. Une feuille blanche que Morrison va littéralement retourner, triturer, gratter et chiffonner dans tous les sens en la personne de l'auteur créatif et expressionniste qu'il est. Il profite de ce jeune garçon que les années 40 ont liées naïvement aux concepts de mort et de paradis pour nous livrer sa propre version de la Divine Comédie, voire des grands récits de Catabase des auteurs antiques que sont Homère ou Virgile.





Kid Eternity se révèle alors n'être plus uniquement qu'une œuvre surréaliste de plus d'un auteur ambitieux mais une méta-fiction digne des poèmes grecs, œuvrant à la fois au souvenir des héros d'un autre temps et à l'amélioration des actes des hommes de son temps. Un hommage aux grands écrivains ayant abordés ce thème, ayant osés bien témérairement conter un récit de descente aux enfers.





A travers ce cheminement existentiel qu'est la descente aux enfers, Morrison mélange les grandes idées religieuses et mythologiques avec plusieurs thèmes philosophiques, mais pioche également dans la métaphysique. Il recouvre le tout de nombreuses références littéraires et musicales, thèmes qu'il apprécie tout particulièrement et sur lesquels il ne se lasse jamais d'en apprendre plus au lecteur, souvent sous la forme d'un clin d’œil intelligent à propos d'une œuvre d'art que l'on pensait connaître mais qu'il nous fait voir sous un nouvel angle.





Le tout devient alors non plus un comics sur un super-héros oublié mais bien une véritable réflexion sous acide qui traite de l'existence de chaque être humain, de ses projets, de ses failles et de sa destinée, qu'elle soit provoquée ou non. Bref, Kid Eternity est une œuvre sur l'accomplissement personnel, comme toutes les catabases avant elle, Jerry Sullivan devenant, le temps d'un comics, l'Ulysse ou l'Orphée de notre époque contemporaine.





Mais Kid Eternity, c'est également un comics bourré d'idées étranges, bien souvent entremêlées les unes aux autres, sans trop se soucier d'une cohérence intrinsèque ou d'une intention didactique. Le lecteur, le récit et les protagonistes se retrouvant au même moment perdus au milieu de nulle part, sans aucune indication claire de l'endroit où aller ou de la marche à suivre. Le lecteur aura dés lors le loisir de se perdre et d'apprécier l’œuvre de manière plus superficielle tant elle regorge de trouvailles plus folles les unes que les autres, avec le même amusement que les enfants qui lisaient ce même Kid Eternity dans les années 40. Cette part enfantine à laquelle fait appel son héros, Morrison l'a très bien cernée. Mais passé cette couche externe ou il lui rend hommage par ces idées naïves et non organisées (comme pourrait l'être le coffre à jouet d'un enfant), l'auteur fait le choix de la traité plus en profondeur.





En effet, le comics, de manière plus meta-textuel, est une réponse à cette vieille idée tenace que les comics sont pour les enfants (ou les grands enfants, au mieux) et se présente alors comme un comics de super-héros très adulte de par ses thèmes et ses visuels. Voguant davantage dans la catégorie d'horreur psyché, voire d'horreur métaphysique, Morrison réorganise les souvenirs d'enfance et les clichés du comics de super-héros juvéniles afin de prouver que, et les comics et les super-héros, sont un moyen intelligent de rechercher une vérité plus large sur le sens de la vie et le concept de bien et de mal, d'ordre et de chaos. L'auteur présentant dés lors le comics non plus comme un divertissement superficiel et puéril mais bien comme un support de réflexion et d'éducation aux questions qui sont bien souvent éludées par les institutions « compétentes ». Il n'est d'ailleurs pas là impensable d'imaginer un reflet avec son parcours personnel…





La narration éclatée, les répétitions de mêmes scènes, ainsi que les transitions travaillées entre les protagonistes sont générées par une vraie réflexion et un réel talent d'écriture, s'écartant encore une fois de l'aspect facile et simplement farfelu des comics du passé tout en y faisant référence. Kid Eternity n'est plus un comics où une narration linéaire et des dialogues d'exposition viennent appuyés une imagerie aseptisée et sensationnelle, mais bien un véritable volume littéraire où le lecteur à le droit de se laisser emporter par les mots et de déguster les dialogues, ciselés, pertinents, irrévérencieux et recouverts d'une généreuse couche d'humour noir.





Car à l'instar de ces poèmes que l'on ne comprend qu'une fois lus à haute voix, dont le sens nous apparaît davantage à travers la simple musicalité des mots, de leur couleurs et de leur rythme que par ce qu'ils signifient réellement, Kid Eternity offre au lecteur un autre moyen de parcourir une œuvre littéraire, passant davantage par une vibration sensible que par une compréhension totale, par une réception évanescente que par une analyse poussée, et arrivé finalement à la fin du récit, sans beaucoup d'informations mais avec tellement de sensations et d'émotions.





L’œuvre ne parlera malheureusement pas aux lecteurs obtus, se refusant à se laisser bercer par la poésie d'un dessin, par la magie d'un texte et d'un univers, par l'obscurité permettant un certain recueillement, par la couleur pure de certains écrits, par le pouvoir de l'énigmatique. Ces lecteurs risquent très certainement de se retrouver complètement désemparés malgré le récit, bel et bien présent, qui s'étale à leur regard.





En conclusion, en invitant un personnage ancien dans notre monde moderne afin de mieux le réinventer et le plonger dans une histoire aux frontières de la folie, l'auteur fait le choix de trancher net et de le détacher assez nettement du style dans lequel il est né jadis, le dépouillant dés sa première apparition (sous les incroyables pinceaux de Duncan Fegredo, nous y reviendrons) de l'image lisse et angélique qu'on lui connaissait alors par une plongée en enfer hypnotique, hallucinatoire, voire épileptique ! C'est extrêmement sombre, c'est extrêmement dingue et ça transpire les angoisses de l'auteur qu'il tente pourtant de dissimuler par l'humour omniprésent.





Jerry Sullivan, à l'instar du lecteur, est littéralement trimbalé dans une quête qui ne semble au départ n'avoir ni queue ni tête, superposant des concepts plus fous les uns que les autres sans s'encombrer de cohérence. Mais c'est ainsi qu'il découvrira ce qui se cache derrière l'ordre apparent des choses bien qu'il ne pourra l'assimiler totalement, comme le lecteur encore une fois. Car ce même lecteur doit être prêt lorsqu'il ouvre l'ouvrage à ne pas tout comprendre. Pire ! Il doit l'accepter ! Comme lorsqu'il était enfant et que comprendre ce qu'était une « fusée à proton martienne » n'avait pas d'importance tant que l'histoire le passionnait, il doit aujourd'hui accepter de cheminer dans un récit parfois abscons, souvent difficile et d'attendre certains moments clés pour y voir plus clair. Comme une magnifique métaphore de l'existence que nous livrerait Morrison, où le passage de l'enfance à l'age adulte, avec ses désillusions et ses remises en questions de grands concepts, se faisait à tatillons, par petites touches, par minuscules moments de clairvoyance, sachant que même s
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Enigma

Avec son ton décalé, son humour noir et son ironie cruelle, ce récit fantastique, où le super-héroïque croise l’absurde et l’horreur, détonne toujours autant.
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Hellboy, Tome 11 : L'homme tordu

Ce tome regroupe 4 histoires courtes : il constitue donc une pause dans l'avancée globale de l'histoire, par rapport au tome précédent.



La première histoire qui donne son nom à ce recueil est la plus longue ; au départ il s'agit d'une minisérie en 3 épisodes parue à l'été 2008. Rien qu'en voyant le nom de l'illustrateur de cette histoire, j'ai su que ce tome aurait une place de choix dans ma bibliothèque : Richard Corben (L'antre de l'horreur, et Starr the Slayer en anglais). Richard Corben est en très grande forme. Les pérégrinations des personnages dans les bois des Appalaches permettent d'admirer à loisir les troncs aux formes torturées, les feuillages des différents végétaux, les clairières et les sous-bois. Cet illustrateur reste un maître des formes qui sait en reproduire l'essence et les textures afférentes grâce à des traits épurés. Il gratifie chaque personnage de trognes inoubliables, sans être caricaturales ou exagérées. À ce titre, le prêtre aveugle est une vraie réussite. Et cette fois ci, il maîtrise mieux le graphisme d'Hellboy qui est vraiment visuellement intégré au reste des dessins. N'oublions pas non plus les monstres qui sont tous un régal visuel. Merci Monsieur Corben, revenez quand vous voulez.



Pour ce qui est de l'histoire, Mike Mignola a décidé de piocher dans le folklore américain et de rendre hommage à l'écrivain Manly Wade Wellman (auteur très prolifique et inconnu en France). Hellboy se rend dans les Appalaches suite à l'avertissement d'un médium relayé par le BPRD. Comme d'habitude, il est impliqué dans des manifestations surnaturelles. Ce récit est très savoureux avec une ironie et un second degré bien dosés, et juste assez long pour ne pas être anecdotique. 5 étoiles.



Vient ensuite un épisode conçu par Mike Mignola, écrit par Joshua Dysart et illustré par Jason Shawn Alexander, réalisé en 2007 et distribué avec le jeu Hellboy édité par Konami. Le crâne de Barbe Noire possède un pauvre humain pour qu'il retrouve son corps. Hellboy et Abe Sapien doivent s'interposer dans ce processus pour éviter le pire. Joshua Dysart est également l'auteur de 2 histoires du BPRD (BPRD 1946 & BPRD 1947, en anglais), ainsi que de la série Soldat inconnu. Malheureusement la brièveté de cette histoire ne met pas vraiment en valeur ses talents. Et les dessins d'Alexander (également illustrateur de Abe Sapien) sont un peu trop esquissés et pas assez maîtrisés pour mon goût. Histoire anecdotique, 3 étoiles.



Le tome se poursuit avec un épisode de 24 pages écrit et dessiné par Mike Mignola en 2008 : "In the chapel of Moloch". Mignola revient à ses histoires courtes sur la base de (1) Hellboy est appelé pour enquêter sur un phénomène paranormal, (2) il enquête et se fait tabasser et (3) il tabasse le monstre avec une petit phrase en coin pour finir. Cette fois ci, il s'agit d'un peintre qui a des hallucinations dans une chapelle. Malheureusement cette histoire très secondaire est desservie par des illustrations un peu plus lâches que d'habitude, moins rigoureuses dans l'utilisation des à-plats de noir. 3 étoiles pour la dérision dont fait preuve Hellboy.



Et pour terminer, le lecteur aboutit à une histoire courte (8 pages) écrites par Mike Mignola et dessinée par Duncan Fegredo. Hellboy joue au poker avec des fantômes quand un furoncle sur sa main prend des proportions anormales. Il s'agit d'une histoire sympathique, même si les illustrations de Fegredo manquent curieusement de détails. 4 étoiles.



J'attribue donc une note de 5 étoiles à ce tome pour l'histoire principale, même si le reste constitue plus du remplissage que de l'indispensable.
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Hellboy, Tome 9 : L'Appel des ténèbres

Igor Bromhead n'en finit pas de causer des tracas dans le Mignolaverse : il réussit à subjuguer Hecate dans les premières pages de cette histoire. Cet acte a des conséquences inattendues dans la mesure où il prive les 3 sorcières de la terre de leur meneuse. Elles décident de faire appel à Hellboy pour prendre la place d'Hecate. Comme à son habitude, il refuse d'emprunter la voie d'une destinée satanique. Elles décident alors de l'envoyer dans le monde Baba Yaga pour que cette dernière le soumette. Elle dépêche Koshchei, un guerrier qui ne peut pas mourir pour qu'il lui ramène un des yeux d'Helboy en compensation de celui qu'il lui a crevé. Il s'en suit un affrontement dantesque. Et pendant ce temps là Gruagach en profite pour continuer de convaincre les entités féeriques terrestres de se soulever et de rétablir leur domination sur la race humaine.



Hellboy était tranquille, il était peinard en vacances chez Harry, un ancien ami de Trevor Bruttenholm quand tout ça lui tombe dessus. À l'énoncé des différents noms compris dans le résumé, vous aurez compris qu'il vaut mieux ne pas commencer par ce tome et avoir lu en particulier Le Troisième souhait, et autres histoires avant. Avec ce tome, Mike Mignola a décidé de faire avancer l'histoire d'Hellboy à grands pas et de révéler à ses lecteurs les différentes factions qui hantent l'univers d'Hellboy. Et pour être sûr de revenir à un rythme plus familier dans le monde de l'édition des comics, il a décidé de confier les dessins à un autre. Ce n'est pas la première fois qu'un autre dessinateur met en images un scénario d'Hellboy, mais Duncan Fegredo s'installe dans ce poste pour plusieurs histoires de suite.



À partir de là 2 possibilités. La première est que la série d'Hellboy n'avait d'intérêt à vos yeux que pour les illustrations de Mignola. Il dessine dans ce tome les couvertures des 6 chapitres, ainsi que les 5 pages du deuxième épilogue, et c'est tout. Deuxième possibilité, au fur et à mesure des tomes, vous avez pris goût au flegme d'Hellboy, à la richesse des références des contes et légendes, à la diversité et à l'originalité des monstres, etc. Et dans ce cas là, vous allez être servi.



Mais avant attachons nous au travail de Duncan Fegredo. Dans les commentaires de fin, Mignola indique qu'il ne voulait surtout pas une personne qui essaye d'imiter son style et que Fegredo a été son premier choix pour le succéder en tant que dessinateur d'Hellboy. Effectivement, on ne retrouve pas les gros à-plats de noir chers à Mignola, mais des dessins plus détaillés, avec un grand soin apporté aux décors. Que ce soit les escaliers menant à une crypte, une vue d'une villa donnant sur la mer ou l'intérieur d'une cuisine rustique, Fegredo sait faire naître de ses crayons, les détails et l'atmosphère qui plonge le lecteur dans le décor. Pour ce qui est des visages, il a adopté quelques tics picturaux de Mignola pour le rendu esquissé, plutôt que photoréaliste. Il sait très bien évoquer les manifestations surnaturelles. À mon goût, il n'y a qu'un seul aspect de l'histoire pour lequel ses illustrations sont moins convaincantes : les affrontements physiques et magiques. Pour le reste, une fois que l'on a accepté que les illustrations ne sont pas de Mignola, je trouve que Fegredo a une interprétation graphique de l'univers d'Hellboy qui est consistante, cohérente et convaincante.



Et de son coté, le scénariste Mignola se sert de ce tome pour nous servir un nouvel affrontement entre Baba Yaga (par l'intermédiaire de Koshchei) que j'ai trouvé un peu étiré et pour mettre en place ses pions pour le tome suivant. Hellboy redevient un jouet pris dans le tourbillon de forces qui le dépassent : Gruagach et le peuple des êtres féeriques, Hecate et Bromhead, Dagda, Baba Yaga, etc. Et le deuxième épilogue explique l'origine d'Hecate.



Ce tome constitue une lecture très divertissante, plus dense que les autres tomes d'Hellboy et qui voit plusieurs forces se mettre en mouvement, ce qui met l'eau à la bouche pour la suite.
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Enigma

Après avoir réédité « Human Target » du même scénariste, Urban Comics propose l’intégralité de cette mini-série en huit épisodes, initialement parus en 1993, écrits par Peter Milligan, dessinés et encrés par Duncan Fegredo et superbement mis en couleurs par Sherilyn van Valkenburgh.



Enigma invite à suivre les pas de Michael Smith, un personnage insignifiant qui mène une vie terne et sans surprises… jusqu’au jour où les héros de son enfance, issus d’un mauvais comics de super-héros annulé après trois numéros, semblent prendre vie. Tandis que la ville de Pacific City devient le théâtre d’une vague de crimes perpétrés par les personnages dont Michael lisait les aventures quand il était enfant, tout semble également lié à un meurtre vieux de vingt-cinq ans, commis dans un bled perdu de l’Arizona…



À mille lieues du récit classique de super-héros, Peter Milligan embarque le lecteur dans une histoire en apparence chaotique, qui oscille constamment entre réalité et fantastique. S’accrochant au fil rouge de cette enquête surnaturelle, le lecteur tente de ne pas se perdre dans les méandres de l’imagination fertile du personnage… et de l’auteur. Etonnamment, le voyage, aussi décousu soit-il, s’avère surtout initiatique pour le personnage principal et mène finalement à quelque chose de cohérent. En cherchant une explication à la matérialisation de ses héros d’enfance, le jeune homme va en effet comprendre qui il est vraiment. Le lecteur assiste alors avec intérêt à la transformation de ce « nobody » en quelqu’un qui fait ses propres choix et qui finit par façonner son propre monde et sa propre identité. Multipliant les thèmes et saupoudrant le tout d’une touche d’humour acide et cynique, Peter Milligan livre un récit aussi riche que déstabilisant. S’agit-il d’un voyage initiatique intelligent et d’une critique sociale profonde ou juste d’un gros bon délire d’un auteur en plein trip ? En croisant des super-vilains tels que le La Tête ou La Vérité, on serait tenté d’opter pour la deuxième option, mais en y regardant de plus près, on finit par hésiter car l’auteur s’en sert afin de pointer du doigt plusieurs défauts de notre société.



Le dessin tortueux et confus de Duncan Fregedo peut d’ailleurs également rebuter au départ, avant de réaliser que celui-ci s’adapte à merveille à l’étrangeté du scénario.



Une excellente surprise !
Lien : https://brusselsboy.wordpres..
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Hellboy, Tome 9 : L'Appel des ténèbres

Après un huitième tome qui regroupait (une fois de plus) plusieurs histoires courtes, il est à nouveau temps de livrer la suite des aventures d’Hellboy. Un Hellboy qui, depuis les événements du sixième tome, a démissionné du B.P.R.D. et vit donc des aventures en solitaire.



Après un petit tour en Afrique, on retrouve notre héros en Angleterre, dans la maison de son ami Harry Midleton. Un petit moment de repos qui ne va malheureusement pas durer longtemps car notre ami va se voir proposer le rôle de roi des sorcières et se retrouve pourchassé par la Baba Yaga au sein d’un étrange univers de légendes folkloriques russes.



Le scénario, nourri par la vengeance de Baba Yaga, est plus porté sur l’action que d’habitude. Pour une fois notre héros a besoin de plus d’une droite pour venir à bout de son adversaire. Mais bon, étant donné que celui-ci se nomme Koshchei, le non mort, c’est un peu normal. Par contre, en revenant sur de nombreux épisodes précédents tout en réutilisant de nombreux personnages tels que Baba Yaga, Ilsa Haupstein et Vladimir Giurescu, Mike Mignola ne facilite pas la compréhension de son récit. Il va en plus ajouter de nombreuses références à des mythes et au folklore russe et intégrer des personnages tels que Perun et la petite Vasilisa à son histoire, rendant l’ensemble encore plus confus. Mais heureusement, la trame principale de vengeance, rythmée par des scènes de combats, est assez facile à suivre.



Mais l’événement principal de ce neuvième tome se situe au niveau du graphisme, où notre ami Mike Mignola décide de passer le flambeau à Duncan Fegredo afin de pouvoir se concentrer sur le scénario de sa saga. Malgré un style plus lisse, plus détaillé et plus dynamique et un Hellboy légèrement plus arrondi, le britannique ne s’en sort pas trop mal. L’héritage de Mike Mignola est certes assez lourd à porter, mais l’univers graphique est assez bien respecté, notamment grâce à des ambiances soignées aux petits ognons par la colorisation irréprochable de Dave Stewart.



Notons finalement que cette histoire en six épisodes est ponctuée de deux épilogues, l’un dessiné par Mike Mignola et l’autre par Duncan Fegredo.

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Enigma

Peter Milligan, pour le scénario, Duncan Fegredo, pour le dessin, et Sherilyn van Valkenburgh, pour la couleur, nous offrent avec cet "Enigma" un superbe comics américain "à l'anglaise"...
Lien : http://psychovision.net/bd/c..
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Enigma

Un album remarquable, parfois déstabilisant, mais à lire de toute urgence, d'autant que la traduction est vraiment de qualité !
Lien : http://www.sceneario.com/bd_..
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