E. R. Link

« C’est la nuit qu’il est beau de croire en la lumière » Edmond Rostand.

Dans l’ombre, crayonnée rapidement sur le fil de l’obscurité, une silhouette noire s’étirait longuement. Fluide. Immobile. On ne percevait que le mouvement souple d’un long manteau sombre et le trait discontinu d’un grand bâton d’ébène. Puis la forme ondula d’un geste souple et félin, dévoilant les traits de son visage.

Raciste, il avait tenté, aux débuts de son mandat, d'imposer le talégan comme langue officielle, dans le but de marginaliser les autres nationalités, présentes sur le site. Las, la domination taléganne avait été entérinée de façon relativement récente. Un trop grand brassage ethnique figurait sur l'ensemble des îles, rendant la mesure impossible à mettre en œuvre. Son cœur de patriote en lambeaux, Eugène s'était vu contraint d'accepter le touracien comme langue véhiculaire.
Frustré de devoir lui-même pratiquer un dialecte barbare à ses yeux, il se vengeait de l'infamie qu'on lui imposait en favorisant systématiquement les talégans au mépris des autres migrants. Il les forçait à croupir dans la misère avec l'espoir qu'ils finiraient par s'en retourner dans leurs pays d'origine.

Au naturel, elle était plus fraîche encore, avec sa peau diaphane parsemée de taches de rousseur, lisse, presque duveteuse. Si elle n'avait pas été aussi ivre, il imagina, l'espace d'un instant, qu'il aurait pu l'emmener avec lui cette nuit. Évidemment, enlever la fille du gouverneur au moment où il était recherché dans tout Port-Récif et où il venait de se faire la belle de prison n'était pas une idée des plus fameuses.
Elle semblait si fragile ainsi blottie contre lui. Elle avait tant risqué pour être là.
Une vague d'émotion le submergea. Il l'enlaça par la taille avant de l'embrasser à pleine bouche. Son corps tremblait sous l'effet de la boisson. Entre ses bras, elle paraissait aussi fragile qu'un oisillon tombé de son nid. Elle reprit légèrement ses esprits.

Là où son père avait galéré toute sa vie en ne collectionnant que relations toxiques ou vaines paroles, Calixte était né avec ce talent indécent qui le poussait d'instinct auprès des bonnes personnes, dans les bons endroits, au milieu des bonnes occasions, au bon moment.
Sans doute son physique avantageux et le fait que les bonnes personnes en question s'avéraient, neuf fois sur dix, être des femmes n'étaient pas étrangers à ce succès outrageusement agaçant. Joli garçon, la vingtaine fringante, toujours bien mis de sa personne et jouant habilement du verbe, il avait réussi à noyer plus d'un poisson dans l'océan de ses yeux bleus.

La vie s'échappait de son corps meurtri. Il le savait. Mais peut-être parviendrait-il encore à sauver l'arcodex. Peut-être parviendrait-il à le dissimuler. Il mourrait sans en connaître le secret.
Mais s'il ne lui servait pas, il ne servirait à personne.

Nombreux sont les trésors que tu seras amené à chercher. Un seul mérite d’être trouvé.

Un château de cristal terminait en pointe aiguë le sommet d'une montagne.

Elle avait de ravissants yeux de biche bruns et une bouche charnue dont la moue légèrement triste en faisait un indécent appel au baiser.

L'argent n'avait pas de patrie une fois placé sur ses comptes gonflés jusqu'à l’obscénité.