Editions La Dernière Lettre

Participer à I'historiographie féministe

À travers ce livre, nous avons voulu mettre en lumière d'autres figures, et donner à voir l'éventail de situations que recouvre la question de la justice faite aux femmes. Nous croyons au pouvoir performatif du langage, et écrire, c'est pour nous une façon d'agir contre les oppressions. Nous avons eu l'envie de rétablir d'autres visions de la justice, de dénoncer des injustices. Nous avons pour ambition, à notre échelle, de nous attaquer à cette entreprise historiographique au moyen de différentes approches : la remise en question de la manière dont sont produits les savoirs et les connaissances, la recherche incarnée qui intègre nos vécus et nos expériences, la recherche participative pour créer du pouvoir d'agir, la lutte contre les discriminations, et une réflexion critique et collective sur l'Histoire. (18)

En 1923, Germaine Berton, anarchiste, décide seule d'assassiner le royaliste et fasciste Marius Plateau. Arrêtée, elle exige d'être jugée pour son acte politique. La sentence tombe : elle est acquittée ! Pourtant l'époque est prompte à enfermer toute personne contestataire et à réprimer les idées libertaires. Mais, aux yeux du système judiciaire patriarcal, les femmes sont des exaltées, prisonnières de leurs humeurs, qui tuent par amour ou par passion, et surtout pas pour des idées. (102)

Bien que Zhèng Shì soit considérée par toustes comme une pirate coupeuse des mers, une criminelle de la pire espèce, cela n'empêche pas I'histoire d'affubler certains hommes tout aussi clandestins du nom de « corsaires ». Pour être considéré comme corsaire, il faut qu'un pouvoir reconnu soit mandataire des actions d'attaques commises par une flotte. Mais rien n'empêche certains hommes de profiter de ce statut pour commettre des actes de piraterie. N'est-ce pas le cas pour l'esclavagiste français Louis-Michel Aury ou le contrebandier britannique Hezekiah Frith pourtant considérés comme de « respectables » corsaires ? Est-ce que cette criminalisation à perpétuité est le prix à payer pour les femmes des mers ? C'est en tout cas le sort réservé à Grace O'Malley qui a oeuvré dans la Clew Bay (baie de l'actuelle Irlande) au milieu du XVIe siècle, et à d'autres. (87)

Juillet 1770. La tête coupée de Tereza de Benguela est exhibée par les colons portugais au centre du Quilombo de Quariterê, lieu de vie de dizaines d'esclaves en fuite. Les colons espèrent ainsi briser l'espoir que son personnage incarne : une femme libre menant la résistance face au système esclavagiste. (66)