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Citation de art-bsurde


J'ai marché encore. Déambulé dans des rues étroites et poussiéreuses, de grandes avenues marchandes, côtoyant des vendeurs de figues et de dattes, des vendeurs de shawarma, des vendeurs de fallafels, longeant trop de boutiques avec des cochonneries pour trop de touristes. Au bout d'un moment je suis arrivé à des escaliers qui descendaient vers une place immense, animée, pleine de gens massés dans un coin. J'ai reconnu le Mur des Lamentations. Le Kotel, en hébreu. J'ai senti un léger vertige et me suis assis sur une marche pour observer d'en haut cet essaim qu'était la place.
J'ai allumé une cigarette. Tout en fumant, j'ai essayé de me rappeler l'histoire de ce pan de mur si solennel et si biblique, cet ultime vestige du temple des Juifs, de mes ancêtres. Il ne me revenait que la chanson de The Cure.
En me levant, fredonnant encore le thème de la flûte de Robert Smith, j'ai écrasé ma cigarette sur la marche d'argile, et je suis descendu.
J'ai aussitôt été harcelé par des Juifs orthodoxes vêtus de longs manteaux noirs, de costumes noirs, de chapeaux noirs. Des rabbins peut-être. Ils me saisissaient par le bras en me tirant à eux, ils me proposaient je ne sais quoi en hébreu ou en anglais. L'un après l'autre. Me traquant. Me cernant, comme les vautours de la chanson. Je suis passé à côté d'un type à genou qui demandait la charité. Un autre type semblait crier contre la ville entière, avec fureur et peut-être même des larmes, dans un anglais méthodiste, au fort accent sudiste. Veuve, lui criait-il. Esclave, lui criait-il. Asservie, lui criait-il. Tu gis seule parmi tant de gens, lui criait-il avec encore plus de fureur, mais en me regardant maintenant comme si j'avais été responsable ou coupable de son angoisse, alors j'ai pressé le pas entre rabbins, prédicateurs, touristes et soldats, et suis enfin arrivé au mur. J'ai vu des gens prier à voix haute, d'autres prier en silence, prier en se balançant, prier cachés sous un grand châle blanc (talith en hébreu), prier avec des petits boîtiers noirs sur le front et des lanières noires enroulées sur leur avant-bras (téfilines en hébreu). J'ai vu des gens prendre le mur en photo, des gens l'embrasser, des gens glisser des petits papiers pliés dans les crevasses et les rainures. J'ai vu les touffes d'herbe qui poussaient tout le long du mur : sèches, maigres, fanées. Il m'est venu à l'esprit, en voyant tout cela, que jamais le nom du mur n'avait été plus approprié.
Je me suis approché. J'ai tendu la main discrètement, prudemment, comme si je faisais une chose interdite, et je l'ai touché. Je voulais sentir quelque chose, peu importe quoi, un truc. Je n'ai senti que de la pierre.

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