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Citations de Eduardo Halfon (63)


(C'etait Lutvic qui, dans un commentaire, m'avait envoye un souhait, un vieux dicton des Balkans. J'ai trouve sa version judeo-espagnole dans ce livre. Je m'empresse donc de le lui rendre.)

Bérénice était venue de Buenos Aires avec ses parents pour rendre visite au Nono. C’est ainsi que nous appelions le mari d’une des sœurs de ma grand-mère, Nono, un vieux à la chevelure blanche et aux gestes lents et tendres. Je me souviens de quatre choses le concernant. Un : c’était un inconditionnel des westerns. Deux : bivas, kreskas, engrandeskas, komo un peshiko en aguas freskas – vis, grandis et forcis comme un poisson en eau claire –, amén, disait-il en ladino, sa langue maternelle (il était né à Salonique, en Grèce), dès que quelqu’un éternuait.
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Tu as tout bu, ma chérie ? demanda-t-il.
La mère de Bérénice s’essuya les lèvres, prit un air affligé et répondit que oui, presque tout, qu’elle n’avait laissé que le marc humide.
Au fond de ta tasse, dit-il, repose un soixantième du café.
Comment ça, un soixantième ? s’étonna-t-elle.
L’oncle Salomon plissa un peu ses yeux et son front, et lui répondit que, selon les discussions rabbiniques du Talmud, le feu représente un soixantième de l’enfer, le miel un soixantième de la manne, le shabbat un soixantième du monde à venir, le sommeil un soixantième de la mort et les rêves un soixantième de la prophétie.
J’ai compris, dit-elle.
Au ton de sa voix, j’eus l’impression que la mère de Bérénice n’était pas habituée ou n’appréciait pas cette manière de parler de l’oncle Salomon, à la fois paradoxale et parabolique.
Pose la soucoupe sur ta tasse, lui dit-il, mais à l’envers.
La salle à manger s’était remplie d’enfants et d’adultes. Nous étions debout pour la plupart, tout près de l’oncle Salomon.
Bien, dit-il. Maintenant soulève la tasse et la soucoupe et tout doucement, avec précaution, fais tourner le tout trois fois, vers ta gauche. C’est-à-dire, dans le sens contraire des aiguilles d’une montre.
Il y eut un silence. La mère de Bérénice, comptant à voix haute avec un sourire nerveux, fit tourner trois fois la tasse, tandis que depuis son lit d’appoint de l’étage supérieur, le Nono manifestait lui aussi sa présence.
Très bien, dit l’oncle Salomon. Maintenant, toujours avec précaution, et toujours en tenant la tasse dans ta main droite, pose ta main gauche sur la soucoupe. Comme ça, oui. Et là, d’un seul mouvement rapide, je veux que tu retournes le tout, vers le bas.
Comment ça, tout retourner vers le bas ? La tasse et la soucoupe, ensemble?
C’est ça, oui, ensemble. Pour que la tasse se retrouve à l’envers, sur la soucoupe. Sans rien renverser, tu comprends ?
Oui, oui, dit-elle et, après avoir soupiré, elle parvint à retourner la tasse et sa soucoupe sans que rien ne tombe.
Quelqu’un applaudit.
Voilà, c’est terminé, ma chérie, tu peux poser tout ça sur la table, chuchota l’oncle Salomon, calmement, en sortant un paquet blanc de la poche intérieure de sa veste en daim. Et à présent une cigarette, dit-il, le temps d’attendre que le marc sèche et se dépose, et qu’il nous apprenne quelque chose.
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Certains pleuraient et d'autres récitaient le kaddish.
[...]
Qu'est-ce que tu veux faire d'autre quand tu sais que le lendemain on va te fusiller, hein ? Rien. Ou tu te mets à pleurer ou tu te mets à réciter le kaddish.


(dans "Le boxeur polonais")
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La solennité, entre inconnus, a tout de la farce.
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Nul n'ignore que le Guatemala est un pays surréaliste.
C'est par ces mots que s'ouvre la lettre de mon grand-père publiée dans Prensa Libre, l'un des principaux journaux du pays, le 8 juin 1954, trois semaines avant le renversement d'Arbenz. p. 83
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Enfants, nous partions parfois faire une promenade sur le lac avec don Isidoro, assis tous les trois sur une grand planche de surf hawaïenne, à califourchon, les pieds dans l'eau. Une fois à bonne distance de la villa, et malgré les menaces de don Isidoro, mon frère et moi ôtions nos gilets de sauvetage orange, inconfortables, en le menaçant à notre tour de se les lancer très loin (c'est lors d'une de ces sorties, peut-être l'une de ces dernières, tandis que je mesurais le temps entre le point de départ et le point d'arrivée, que la montre au bracelet de plastique noir glissa de mon poignet trop fin, tomba à l'eau et se perdit au fond du lac).
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Mon père m’expliqua qu’en hébreu il existe un mot pour qualifier une femme qui a perdu son enfant. Peut-être parce que cette douleur est si grande et si spécifique qu’elle a besoin d’avoir son propre mot. Sh’Khol, c’est comme ça qu’on dit en hébreu, me confia-t-il.
page 105 (livre de poche)
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L'important , pour quelqu'un comme Mme Maroszek, n'était pas où l'on écrivait son histoire, mais qu'on l'écrive. Qu'on la raconte. Qu'on témoigne. Qu'on mette en mots notre vie entière.
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Et c'est qu'il n'y a rien de tel senor Halfon, que de donner la vie. Non seulement à des caféiers et à des arbres, mais à la montagne elle-même.
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«  Canción n’utilisait pas l’argot des rues , non, mais un code qui lui était propre. J’ai décapité le coq, déclarait Canción, lorsqu’il avait assassiné un militaire de haut rang. Mon amoureuse , disait- il pour parler de son arme , sa mitraillette, ou son fusil » ,……
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«  Je suis né dans une ruelle sans issue, en août 1971, mes parents vivaient dans une maison neuve au fond d’une ruelle sans issue. Je n’ai bien sûr aucun souvenir de cet endroit , mais des films muets témoignent de mes premières années là- bas. Moi, tout juste né, dans les bras de ma maman , arrivant de l’hôpital dans une VOLVO couleur de jade … »
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Le jeune officier s'appliquait à lire chaque page de mon passeport comme s'il s'agissait d'un magazine people ou d'un roman de gare. Il le soulevait. Le regardait à contre-jour. Grattait les feuilles avec l'ongle de son index. J'ai vu le moment où il allait corner une page, pour plus facilement reprendre la lecture par la suite.
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Je ne m'attendais plus à devenir père. Je suis devenu ton père par accident, Leo. Encore maintenant, alors que tu es en train de grandir dans ce ventre, j'ai du mal à m'imaginer comme père, à t'imaginer dans mes bras, le regard levé vers le ciel, portant tout l'avenir dans tes yeux. Peut-être parce que être père est une chose inimaginable.
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La littérature n'est qu'un bon tour, comme le tour d'un prestidigitateur ou d'un sorcier, qui donne corps à la réalité, et fait croire qu'il n'y en a qu'une.
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La littérature n'est qu'un bon tour, comme le tour d'un prestidigitateur ou d'un sorcier, qui donne corps à la réalité. A moins que la littérature ne nécessite de détruire une réalité pour en construite une autre, chose que, de façon très intuitive mon grand-père avait comprise, de se détruire pour se reconstruire à partir de ses propres décombres.
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Aussi minime et futile soit-elle, c'est ma façon d'honorer la mémoire d'un enfant mort.
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- Votre profession senor?
- Ingénieur, ai-je menti, fidèle à la version que je donne toujours quand je remplis un formulaire immigration. Il est beaucoup lus conseillé et sage, quelle que soit la frontière, d'être ingénieur qu’écrivain.
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[...] et il se pourrait bien que dans l'appartement du ghetto où les nazis avaient capturé mon grand-père vive à présent une actrice porno, une actrice porno sur le retour [...].
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(A propose de Knut Hamsun – Prix Nobel de Littérature) : « Je me suis demandé ce qu’il reste, par conséquent, lorsqu’un livre et son auteur cessent d’exister, quand inévitablement ils sont devenus poussière, et terre, et feuilles volantes. Je me suis posé cette question : que devons-nous faire, au bout du compte, des belles phrases écrites par une main immonde ?
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«  Il serait peut - être doux d’être alternativement victime et bourreau » .


CHARLES BAUDELAIRE ‘
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