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Citation de araucaria


Ma tante fit ce que suggérait l'évêque et dit :
- Pour les domestiques, soyez sans inquiétude. Ils connaissent l'existence du coffre caché derrière le tableau, mais, même si l'envie les en prenait, ils ne pourraient pas l'ouvrir. Et puis ils sont de toute confiance. Quant à la question morale que je vous ai posée, qu'en pensez-vous, Monseigneur? Est-ce que je dois vendre ces bijoux?
Ainsi pris à partie, l'évêque troublé, fit quelques pas sur le tapis du salon. Puis il ouvrit les bras en croix et s'exclama :
- On ne m'avait jamais posé pareille question, madame, et je ne sais comment répondre. Mais je vous dirai une chose que je tire de ma pauvre expérience. Ces joyaux ont pour vous une grande valeur sentimentale, ce qui leur donne une importance qui ne tient pas seulement à leur prix. Par exemple, ces pendants d'oreilles qui passent de génération en génération, eh bien, vous ne pouvez pas les vendre, parce qu'ils sont maintenant à vous, mais uniquement comme si vous les aviez en dépôt pour en prendre soin et les transmettre demain à votre fille et, de la sorte, poursuivre la chaîne. Et d'autres objets font partie de votre vie spirituelle : rien de moins que la naissance d'un enfant, par exemple. Et puis il y a la valeur économique des objets eux-mêmes. Voyez-vous ma fille, dans la région d'où je viens, on trouve parfois des pierres précieuses. Des rubis, des améthystes, des opales. Très peu, c'est vrai. Mais si un paysan, dans son labeur exténuant, découvre une de ces pierres, il lève les yeux vers le ciel et rend grâce à la Sainte Patronne de Quahuicha, car avec ce cadeau de la Mère de Dieu il pourra payer ses dettes et vivre un temps, lui et sa famille, à l'abri de la faim. Et puis il y a aussi ceux qui taillent ces pierres, et ceux qui les sertissent en les travaillant si joliment. Ces parures représentent beaucoup pour bien des gens; on ne peut s'en défaire comme ça, pour un simple scrupule de conscience. Moi, madame, je n'ai encore rien vu de l'Espagne, pas même Barcelone, occupé comme je l'ai été depuis mon arrivée. Ici aussi, il y a sûrement de la pauvreté. Mais je tiens pour certain que le plus pauvre de ce pays est riche comparé à un pauvre de ma terre. Croyez-moi, madame, gardez ce que Dieu vous a donné, et ne pensez plus à ces bêtises.
(La baleine)
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