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Citation de michelekastner


- Lorsqu'une société connaît simultanément deux codes de justice, les hommes invoqueront toujours l'autorité de l'un contre l'autre. Prenez l'exemple de celui qui pense bien agir en faisant citer devant le tribunal de police la putain avec qui il a eu commerce... s'attendant tout ensemble à voir la loi appliquée et à y faire lui-même exception. Il sera débouté, peut-être même mis en accusation pour sa fréquentation de la fille ; alors il s'en prendra en même temps à la loi et à la fille. La loi ne peut pas satisfaire son sens immédiat de ce qui est juste, alors il se fera justice à lui-même et la fille finira étranglée. Autrefois, il aurait vidé sa querelle à coups de poing, à chaud... c'était la loi des placers. La putain en serait peut-être morte, ou peut-être pas, en tout cas l'acte de l'homme ne dépendait que de lui. Tandis que maintenant... Maintenant il lui semble que son droit même d'exiger justice a été remis en cause, et c'est cela qui le fait agir. Il est doublement en colère, et sa rage trouve un double exutoire. J'en vois des exemples tous les jours. (...)
- oui, mais si je suis votre raisonnement... Vous ne voulez pourtant pas suggérer qu'il faudrait donner la préférence à la loi des placers ?
- La loi des placers est philistine et vile, répondit posément le gouverneur de la prison. Nous ne sommes pas des sauvages. Nous sommes des hommes policés. Je n'accuse pas un défaut de la loi ; je voudrais seulement appeler votre attention sur ce qui arrive lorsque le sauvage et le policé se rencontrent. Il y a quatre mois, les prisonniers confiés à ma garde étaient des ivrognes et des petits voleurs. Aujourd'hui, j'ai affaire à des ivrognes et à de petits voleurs qui s'indignent et se croient des droits et font la morale, comme s'ils avaient été condamnés à tort. Et ils sont en colère.
- Mais... j'y reviens... si on va jusqu'au bout, insista Nilssen. Une fois la putain étranglée et la fureur du prospecteur apaisée, le monde policé reprend ses droits et la loi condamne le coupable. L'homme est justement puni, n'est-ce pas... au bout du compte ?
- Pas si ses pareils se rallient à lui pour défendre la loi des placers, répondit Shepard. On n'est jamais si fortement attaché à une loi que lorsqu'elle est bafouée, monsieur Nilssen, et rien n'égale la cruauté d'une meute d'hommes en colère. Voilà seize ans que je suis geôlier.
- Oui, concéda Nilssen en se mettant plus à son aise. Je vois ce que vous voulez dire. C'est l'indéfini qui est dangereux, la zone crépusculaire entre le vieux monde et le nouveau. (...)
- Monsieur Shepard, reprit soudain Nilssen, tandis que le geôlier s'apprêtait à le quitter. Ce que vous disiez tout à l'heure... A propos du sauvage et du policé, du vieux monde et du nouveau...
- Oui, fit Shepard, impassible.
- Je serais curieux de savoir comment ces considérations s'appliquent à ce qui nous intéresse... la succession, le retour gagnant, la veuve Wells.
Shepard mit un bon moment à répondre. Lorsqu'il parla enfin, ce fut pou=r dire :
- Un retour gagnant est une chance de faire peau neuve, monsieur Nilssen, de devenir un tout autre homme. Qu'on trouve ici une pépite et on peut s'acheter une existence. Ce sont là des possibilités que le monde policé ne fournit pas.
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