J'espérais vraiment qu'Arnaud revienne sur sa décision. Il avait toujours eu cette tendance à choisir la mauvaise voie. Il n'avait pas d'intuition, ou alors, il se moquait de ce qu'elle lui soufflait. Il n'en faisait qu'à sa tête, ignorait volontairement ce qui l'ennuyait.
Page 22.
Le jour où j'avais perdu ma jumelle, j'avais aussi perdu tout ce qui faisait de moi une personne à part entière. Je n'étais plus que la moitié d'une entité.
Page 14.
Elle est trop excitée, la tête pleine de projets, avec une soif inépuisable de nouvelles expériences. Elle est pressée de démarrer sa nouvelle aventure, et tant que sa famille se trouve dans les environs, le changement ne sera pas complet.
Ils avaient traversé des épreuves, partagé des joies et des peines, ils avaient formé leur propre entité, leur "famille". Pourrais-je en faire partie un jour ? En avais-je seulement envie ? Dépendre d'autres personnes, et risquer de les perdre, comme j'avais perdu ma jumelle. Cela valait-il la peine de recommencer ? Question naïve, en réalité, puisque j'avais déjà commencé à espérer.
Page 63.
Mes parents accueillirent la nouvelle de ma prochaine sortie au Joker avec une joie frénétique complètement ridicule. Quel genre de parents avais-je donc ? Je me le demandais. Ils ne s'inquiétaient même pas de savoir qui conduirait, qui serait présent, si la boîte avait vraiment le droit d'accueillir des mineurs.
Page 101.
Plutôt petite, plutôt menue, habillée simplement mais avec un goût épuré, cette femme d’une quarantaine d’années est dotée d’un visage avenant. Elle tend la main, et Lisa la lui serre avec chaleur. Lorsqu’elles se sont rencontrées à l’entretien d’embauche, le courant était tout de suite passé.
Son expression se modifia, et l'espace d'un instant, je vis qu'elle n'interprétait pas mon détachement comme de la simple antipathie à son encontre mais comme un rejet total et sans appel de sa personne. Un rejet violent dont elle ne comprenait pas le sens. Comment lui en vouloir ? D'ailleurs, quelle raison pertinente avais-je de me comporter ainsi avec elle ? Elle ne m'avait rien fait. Elle ne méritait pas d'être traitée ainsi.
Cependant, je ne pouvais pas agir ainsi. Je ne pouvais pas entamer ne serait-ce que la moindre relation avec elle. La considérer comme une amie, ou même comme une camarade de classe. Il me fallait continuer à l'ignorer, sans quoi, la chute serait encore plus brutale. Pour tous les deux. Et aussi pour les deux imbéciles qui avaient décidé de négliger mes mises en garde.
J'espérais vraiment qu'Arnaud revienne sur sa décision. Il avait toujours eu cette tendance à choisir la mauvaise voie. Il n'avait pas d'intuition, ou alors, il se moquait de ce qu'elle lui soufflait. Il n'en faisait qu'à sa tête, ignorait volontairement ce qui l'ennuyait. Pour cela, je lui garderai toujours une profonde rancune. S'il n'avait pas été aussi idiot, s'il avait pensé davantage, peut-être... Oui peut-être... Pour autant, Arnaud était aussi une part de "notre famille" maintenant. J'avais beau lui en vouloir, je ne me sentais pas capable de lui souhaiter le moindre mal, ni même de m'éloigner de lui. Sa présence était désormais indispensable. Nous formions un trio solide, une "famille" soudée. Sauf que nous étions déjà brisés de l'intérieur.
C'était ainsi. Il fallait composer avec.
Personnellement, j'avais trouvé l'idée ridicule. Déménager ? Tourner la page ? Démarrer une nouvelle vie ? Mes parents ne manquaient pas d'imagination.
C'était une erreur, forcément. Ils ne me connaissaient pas. Je n'avais pas besoin de démarrer quoi que ce fût, de partir ailleurs, ou même de rencontrer de nouvelles personnes. Qu'est-ce que cela m'aurait apporté, franchement ? Depuis déjà cinq ans, je me débattais, seule, avec un quotidien terne et ennuyeux. En quoi un simple déménagement m'aurait-il transformé la vie ? Je n'avais aucune intention de changer. J'étais déjà cassée, brisée. Je ne voulais pas me relever. Seulement attendre, patiemment, de rejoindre ma sœur jumelle, disparue dans un accident de voiture à l'aube de nos treize ans.
- Certains événements se reproduisent inévitablement.
- Honnêtement, je ne vois pas de quoi tu parles. La situation est différente, nous ne sommes pas en train de rejouer une pièce maintes fois répétée. Et même si c'était le cas, les acteurs ont changé.
Page 98.