Quelle aube aux ombres bleues,
Et turquoise et cet éclat de bouleau !
Sonnailles sur le plan d'eau,
La lune se met à tournoyer.
Lune, lune ---- canard goitreux,
Plonge, comme dans un courant, au profond du poème !
Sur une ligne de saules barbus,
Je me penche en mes visions bleues.
(...) Sur les vers de ma page une ombre courbe
S'allonge comme dans un pré...
Bonsoir, nuit, claie des crépuscules,
Froideur des mains et lilas bleu !
(extrait de Soir de Nikolaï Kliouev)
Dans des temps anciens, un homme qui marchait à la lisière de notre pays vit un grand marais que les bêtes ne traversaient pas, que les oiseaux ne survolaient pas.
Ça l’intéressa, cet homme, de connaître le pays qui se trouvait au-delà du marais, de savoir quelles bêtes, quels oiseaux y vivaient. Il prit son élan et sauta par-dessus le marais.
Et là, sur l’autre rive du grand marais, l’homme vit des lièvres sellés et aussitôt, de petits êtres immortels surgirent de sous terre et les enfourchèrent. Ces petits êtres racontèrent à notre homme :
-Un carnassier est venu chez nous, une zibeline qui a attrapé l’un des nôtres et lui a tranché la gorge. Toi, tu es chasseur, n’est-ce pas ? Débarrasse-nous de cette zibeline.
L’homme se mit en chasse, tua la zibeline et l’apporta aux créatures immortelles qui s’en réjouirent grandement :
-Nous voulons te remercier de ce que tu as fait pour nous -nous allons t’apporter de l’eau vivante. Retourne chez toi et attends-nous.
Le chasseur retourna dans sa vallée et raconta à tous que bientôt viendraient chez lui des créatures immortelles qui lui apporteraient à boire de l’eau vivante. Tous ceux qui en boiraient deviendraient immortels…
« Les immortels et l’eau vivante » - Conte evenk.
LE MOUSTIQUE ET LA LIBELLULE
[Комар и стрекоза]
Quand s’achèvent les rigueurs de l’hiver, le moustique
s’éveille bien avant la libellule. La neige fond au soleil et le
moustique revit. Le voilà plein de vigueur, tout guilleret,
sans personne pour l’embêter.
L’herbe a poussé, le soleil est de plus en plus chaud :
la libellule en est toute ragaillardie.
Mais c’est que le moustique a pris la meilleure place :
tout en haut d’un brin d’herbe, il chante et se réjouit.
Elle voudrait bien, elle aussi, se percher au sommet d’une
grande herbe. Et les voici qui se chamaillent : à qui donc
le haut des brins d’herbe ?
Le moustique siffle :
–C’est moi le maître, je suis né le premier.
La libellule grince :
–Eh non, c’est moi : tu es minuscule, toi, et moi, je suis
quelqu’un d’important…
Le moustique s’en estime offensé. Ils s’en vont trouver le
juge – le taon – pour savoir qui des deux a raison.
Le taon les écoute, les entend, et rend son verdict :
–Cessez de crier, partagez le jour en deux ; que la libel-
lule règne quand le soleil sera haut, et le moustique
le soir, quand le soleil sera bas.
(...)
Je ranimerai le désert de cette vie
Avec le rire radieux de l'enfant
Et j'étancherai la soif des âmes au
Vin chantant de la coupe de mon coeur
(extrait de Le poète de Nikolaï Kliouev)