"Pendant près de quinze ans, j’ai vécu sous un soleil ardent. Un soleil dont la luminosité est telle qu’elle parvient à nous aveugler. Un soleil tenace et permanent qui atténue la couleur du linge et celle de la peau. Un soleil aux allures fières qui brille sans répit sur des terres simultanément arides et humides. Un soleil dont je suis devenue accro et qui me manquera le jour de l’éloignement."
"Formes nébuleuses aux courbes pleines et souples,
Mousse légère éloignée par-dessus nos souffles.
Têtes en l’air, happant le dénivelé céleste,
L’immensité du bleu flirtant avec le reste.
Élargissement poétique du visible, impalpable,
Le voyage dès ce jour et déjà mémorable."
C'est le besoin de fouler de nouvelles terres, de nouveaux lieux. Que mon regard puisse se frotter à du neuf même si l'impression de déjà-vu submerge le tout. Le désir d'apprécier le quotidien des autres sans être confrontée au mien. Le plaisir de s'émerveiller devant trois fois rien et pouvoir me convaincre sans cesse que la beauté réside dans tout ce qui nous est donné à vivre et à partager avec les autres.
La pluie s'en est allée. Les enfants s'en donnent à coeur joie dans un jacuzzi situé à l'arrière du bâtiment. Le jardin est garni de nacelles. Les coffres contiennent des jeux de société et une paire de jumelles que Juliette subtilise pour observer les oiseaux sur la galerie extérieure. Jean-François gratte sa guitare. Et moi, j'écris. Seul le train de marchandises aux 98 wagons (nous les avons comptés) suit inlassablement sa voie et son sens unique. Il rompt ainsi le silence tranquille d'un village où les habitants continuent de dormir les dimanches aussi. Nos a priori se sont tous envolés. Mot d'ordre du voyageur: ne jamais comparer ce que l'on découvre avec ce que l'on connait déjà. Toujours se laisser surprendre.
Adolescence rime avec inconscience. Seul moment dans une vie où l’on peut se permettre de tout abandonner sans souci de séquelles importantes. Pas besoin de trop s’inquiéter si du jour au lendemain, on arrête de se lever, de se laver, de manger, d’aller à l’école, de dormir ou que sais-je encore. On est mineur et irresponsable. Quelqu’un s’occupera bien de nous et si pas, on s’en fout, on en mourra, c’est sûr, point final ! Le coup de foudre c’est comme la varicelle, vaut mieux le contracter tant qu’on est jeune sinon adulte, ça crée des complications.
L'amertume envahit Marine, persuadée que chacun lutte en secret contre l'envie de s'aimer furtivement. Aucun des deux n'est en retard au rendez-vous. Pendant plus d'une heure, ils se regardent en n'échangeant que des sourires et si peu de mots. Ils s'auto-flagellent de plaisir feint, paraissant tous les deux satisfaits d'être venus puiser en l'autre le réconfort nécessaire pour flatter leur propre égo. Une drogue douce et inoffensive. Ils se plaisent et luttent ensemble contre l'évidence.
La chaleur des tropiques donne des ailes à ces messieurs venus d'un autre hémisphère et qui, malgré leur âge, leur bedon, leur laideur et la qualité de leur épouse légitime, restent pour les amazones locales des cibles et des partis bien plus qu'intéressants. Cupidon a bien du boulot dans cette partie du monde et tout particulièrement pendant le moi d’août communément appelé sur place "le mois du blanc".