Des heures, des heures interminables à voir défiler le décor uniforme et les marches de géant de l'escalier perpétuel. À bord, la vie s'organisa : pendant qu'un dormait, roulé en boule à l'arrière du wagonnet, les deux autres surveillaient l'éternelle ascension, surprenant par instants la fuite soudaine de lézards dans la lueur du phare. La vitesse était ridicule, par rapport à la folle descente : Tim l'estimait environ à 60 km/heure, et les deux « de garde » étaient obligés de bavarder pour ne pas s'endormir à coup de monotonie du voyage.
Ils entonnèrent alors leur « chant d'arrivée », une sorte de canon aux harmonies et aux rythmes complexes. Tim n'osait improviser une voix et restait donc silencieux, à l'écoute du chœur insolite. La scène était marquante : un bord de mer sans une pointe de vent, la fantastique île de troncs et de branches, les ombres et les couleurs orchestrées par Luxl, la beauté du chant étrange envahissant l'air iodé. Quand le silence revint, une énorme clameur naquit de la ville flottante, accompagnée de sons de percussions de bois semblant se propager d'arbre en arbre.