Eric Pelletier

Elle assène: La police savait tout de la dangerosité de cet individu et de sa radicalité'.

Ce qu'elle raconte fait froid dans le dos, en effet. Elle évoque une scène remontant juin 2010. Son fils de 15 ans aurait été séquestré un soir, de 17 heures à minuit, au domicile de Mohamed Merah, rue du Sergent-Vigné. Celui-ci l'aurait obligé à regarder des vidéos de propagande islamiste insoutenables . Sur l'écran défilaient des exécutions de femmes qui recevaient une balle dans la tête. On y voyait aussi des hommes égorgés. L'adolescent a appelé Sa mère qui est venue le chercher. Aïcha a porté plainte, ce qui a provoqué la fureur de Merah.

Contrairement à ce qu'indiquaient de hauts responsalbles policiers lorsque a éclaté la polé- mique sur de possibles failles de l’antiterrorisme, ce n'est donc pas la commission qui a obligé les services de renseignement à mettre un termne à cette surveillance audio, mais bien la DCRI elle-même. En tout cas, le résultat est là : à la fin du mois d'avril 2011, les écoutes sont arrêtées, conformément à I'esprit de la loi.

Son avocat, M Chriscian Etelin, qui inlassablement le défend avec la même énergie, estime que ce moment a été déterminant pour le jeune délinquant. Je l'ai vu partir dans le ressentiment et dans une trajectoire de haine. Ce basculement est intervenu au moment où il n'a pas réussi à faire aménager sa peine, se souvient le pénaliste. Il a très mal supporté les vingt et un mois d'incarcération qui ont suivi. Lorsqu'il était en prison, je garde de lui le souvenir d'un garçon timide, pas arrogant, plutôt en retrait. Il se trouvait avec des détenus musulmans qui faisaient la prière. Il a alors lu le Coran. Mais je ne crois pas qu'il ait été converti à un islam radical. L...] Pour moi, insiste son défenseur, Mohamed Merah est un pur produit de la France qui renvoie à I'échec de l'intégration et de la lalcité. Il a agi seul, selon des motivations qui lui sont propres.

Le jeune garçon est alors examiné par un psychologue qui livrera une analyse prémonitoire: Mohamed n'envisage pas la répercussion de ses actes sur la personne qu'il a agressée puisqu'il se place lui-même en position de victime. Victime, forcément, de sa famille, des éducateurs, des flics, de la société... De fait, il devient un petit caid de cité. Il vaut mieux être injuste que faible. Frapper plutôt qu'êre frappé. II le confiera à un de ses éducateurs: Quand on se marave (ou plutôt qui se fait maraver, qui se fait battre selon l'argot forain'), il se fait tout le temps avoir. Il se fait insulter. Celui qui sait se battre, il a le respect.