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Citation de JeanneFrance


Réac and roll
13 janvier 2018
La foule entonne en chœur, avec un enthousiasme que je tente de partager, les paroles dont je ne connais pas le moindre mot. Sur la scène, un petit bonhomme se tenant bien droit évoque le charme entêtant de l’Algérie française, l’héroïsme vain des soldats de Diên Biên Phu, ou la vie recluse derrière le rideau de fer. C’est la litanie de toutes les batailles perdues, de tous les exils douloureux, de toutes les tyrannies glorieuses. Toute l’histoire du XXe siècle défile, vue du côté des vaincus. Les paroles se font souvenirs ou slogans ; la foule les murmure ou les scande dans la ferveur ou la fureur ; c’est à la fois un concert et un meeting. J’ai l’impression d’assister à un spectacle inversé de Jean Ferrat. Les mélodies et les paroles sont plus sommaires, moins abouties, moins littéraires, mais il y a ce même mélange de poésie et de politique, de lyrisme et d’engagement, de passion pour la langue et les femmes, la politique et l’histoire, qui m’a toujours ému chez le compagnon de route des communistes, et qui est à mes yeux la quintessence de l’esprit français, quelle que soit l’idéologie qui le sous-tend, et qui fait que j’ai autant de plaisir à lire La Semaine sainte d’Aragon que Les Deux Étendards de Rebatet.
C’est ainsi que je découvre le petit monde de Jean-Pax Méfret. Mon amie Anne Méaux m’a « démarché ». Elle n’hésite jamais à mettre la main à la pâte pour son vieux complice de quarante ans. Elle m’a décrit alors la faconde avec laquelle le chanteur déroule son nom original aux journalistes suspicieux qui l’interrogent : « Jean comme tout le monde ; Pax comme personne ; Méfret comme mon père. » À l’entracte, je croise de nombreux amis dont j’ignorais la vieille passion secrète : Gérard Longuet, Alain Madelin ou encore mon collègue du Figaro Magazine, Jean-Christophe Buisson. Éric Brunet me conte avec sa gouaille coutumière son adolescence rebelle de « résistant », traité de « facho » et ostracisé par ses copains de lycée parce qu’il refusait d’encenser le communisme et de se coucher devant le sectarisme de la gauche.
Je me rends compte que ma jeunesse fut bien plus conformiste, lisant Balzac, Hugo et Zola, entonnant les chansons de Maxime Le Forestier et de Léo Ferré, assez indifférent au fond au sort des peuples soumis au joug de l’Union soviétique.
Le public a profité de l’entracte pour envahir les escaliers majestueux du Casino de Paris. Différentes générations se croisent dans une atmosphère bon enfant. Je suis au cœur de ce que les médias appellent, avec une emphase imbécile et sectaire : « l’extrême droite ». Cette extrême droite qui fut autant à Londres qu’à Vichy, et dans les maquis bien avant que les communistes n’y vinssent. Cette extrême droite qui a eu le malheur de défendre l’intégrité de la République qui comprenait alors trois départements d’Algérie, comme jadis on défendait l’Alsace-Lorraine. Cette extrême droite que le général de Gaulle n’a jamais hésité à rameuter après l’avoir combattue, que ce soit en 1947 au sein du RPF ou en mai 1968. Cette extrême droite qui s’est beaucoup trompée et a essuyé moult défaites, mais qui a eu raison aussi avant tout le monde lorsqu’elle alertait sur le danger allemand (dès la fin du XIXe siècle et dans l’entre-deux-guerres) et le danger migratoire et islamique dès les années 1970. Cette extrême droite, qui n’est que l’outil tactique utilisé par la gauche pour distinguer entre le bien et le mal, diviser ses adversaires et se maintenir au pouvoir alors qu’elle est minoritaire dans le pays.
Une extrême droite imaginaire qui n’est en vérité qu’une droite patriotique en quête d’ordre et d’un légitime conservatisme, où je me sens bien.
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