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Critiques de Ernest Feydeau (3)
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Fanny

Beaucoup de mots, peu d'action, mais une intense perversité mêlée de sombre romantisme se dégage en ce roman !

Fanny est à la fois victime et responsable d'un démon obsessionnel.

Condamnée et liée à un époux étouffant et méprisant, elle noue un indissoluble amour envers son amant, qu'elle perçoit comme l'unique porte de sortie à l'indifférence de son mari.

Jusqu'ici, le portait est classique.



Ce qui l'est moins est son amant, Roger, dont les choses les plus naturelles révoltent cet esprit tourmenté, en détresse permanente.

La simple vue du mari qu'il connaît pourtant bien suffit à l'abattre des jours entiers ; de banales correspondances échangées entre Fanny et son mari absent en voyage d'affaires troublent profondément Roger.

« Tu savais que j'étais mariée ! Fut la raison suprême qu'elle opposa logiquement » Mais aucune logique n'anime Roger, qui ne se plait qu'à jeter les meilleurs poisons corrosifs composés de culpabilité, de remords, regrets, chantage, larmes, compulsivité… Une soif d'acides qui attire autant Roger, qui s'autodétruit, que Fanny qui aime être rongée et qui l'encourage même parfois sans le vouloir.



Ces quelques extraits vous donneront une idée de l'égo de Roger :

« J'étais heureux ! Combien je les méprisais tous ceux qui n'étaient pas moi, parce qu'elle ne les aimait pas !

De loin en haut, je regardais le monde, détaché de tout, je planais sur tout, indifféremment, mais plein d'orgueil »



Parfois résolument diabolique :

« Je savais bien, en agissant ainsi, que sa maison, jusqu'alors paisible, allait devenir un enfer, et j'y comptais ! Pendant quelques jours, par lassitude, elle suivit docilement mes conseils, et alors elle se trouva placée entre ses deux maîtres comme le fer amolli par la chaleur, entre l'enclume et le marteau »



Jouissant de son désespoir :

« Oh ! Cet embrassement fut long, étroit, désespéré ! Energiquement, il (ce désespoir ?) maria nos âmes et nous sentîmes alors tous les deux ce qu'il y a de pitié dans le mutisme des étreintes, de consolations dans les soupirs, de combien la sympathie se dégage du mélange des larmes »



Terriblement malsain :

« Le souvenir de mon rival, présent entre nous, ajoutait une âpreté désespérante à ses baisers comme une douceur infinie à mes caresses, et, en ce moment du moins où, sans parler, nous échangions tant de sensations et tant d'idées bien compréhensibles, Fanny était enfin, dans ma pensée, absolument et pour jamais indissolublement attachée à moi que détachée de lui. »



Que de faiblesses pourtant derrière ce diable. Barbey d'Aurevilly qui avait commenté l'oeuvre a bien saisi l'un de ses traits : « le malheureux qui raconte son histoire semble croire qu'elle n'est pas finie. Il traîne la chaîne qu'il a rompue comme s'il espérait encore de la rattacher (…) Ce héros n'est qu'un enfant, et sa maîtresse, qui lui plane incessamment ce soufflet sur la face « vous êtes un enfant » lui dit la vérité. Il n'est pas autre chose. Et il ne grandirait jamais ! Ce n'est point un enfant, parce qu'il a dix ans de moins qu'elle, mais parce qu'il n'a ni de force de volonté, ni principe, de manière à lui de concevoir la vie, ni rien, enfin de ce qui constitue en bien ou en mal la vie morale d'un homme. Pauvre petit nerveux, bien élevé de ce temps, qui aime les belles choses agréables, et sa maîtresse par-dessus le marché , parce qu'elle est une de ces belles choses-là ; mais enfant toujours, et enfant gâté, révolté ou docile, apaisé ou furieux, et qui ne devient pas plus homme sous l'étreinte de la Peine, parce qu'il n'a ni une conviction, ni une idée sur laquelle il s'appuie pour lui résister ! »

Il ne comprendra qu'à la fin, par un flash de lucidité, ce qu'une femme mariée, même blasée, reste attachée à conserver l'honneur de son mari et qu'ainsi la possession exclusive par l'amant est impossible, qu'il ne peut y avoir qu'un partage habile et impropre à satisfaire une obsession perverse.



Cette lueur de raison à la fin amène le doute et accroît la souffrance sans le changer, le héros restant borné, têtu. Il semble atteint d'une maladie incurable et n'a d'autre solution que de s'exiler comme si il voulait expier inconsciemment ses fautes.



Beaucoup d'intimité et d'ardeur ressortent de ce roman par cette plume aussi poétique que précise et souvent capricieuse. La violence des passions est suffisamment subtile pour ne pas nous écoeurer, cela attire même notre curiosité car il ne s'agit en aucune façon d'une grossière maltraitance comme peut l'être une maltraitante physique par un amant alcoolique. Ce sont les plus belles noirceurs de l'âme recouvrant d'un voile opaque l'idéal amoureux qui n'est jamais atteint, et le lecteur se penche vers cet abîme, comme s'il y avait des secrets à lui révéler.
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Un début à l'opéra

« L'Opéra de Paris ne ressemble pas aux autres scènes lyriques - le juger d'après les théâtres de l'Allemagne et de la Russie serait une faute ; pis que cela : une aberration. Vous êtes ici, cher monsieur, dans le joli pays des intrigues et des médisances. Tout le monde y espionne charitablement ses voisins. Nul n'y croit aux sentiments désintéressés. »



Barberine s'apprête à jouer son premier rôle principal en tant que danseuse au sein du plus prestigieux opéra de Paris. 

La spéculation s'affole avant le succès, son impresario mise absolument tout sur la jeune fille de 17 ans, sa mère est dévorée d'ambition : « la veille du jour où ma fille va conquérir le droit d'aspirer à tout… » 

Le public, toujours suspicieux et médisant dès qu'une figure inconnue se présente, doit être harangué et entraîné par des « claqueurs » payés pour applaudir et exalter le beau monde. 

Mais tout semble ruiné à la première scène, l'indéniable talent de Barbarine ne suffit pas à lui-seul car une cabale s'est formée en un point de l'Opéra : un directeur d'un opéra concurrent, irrité de n'avoir pu dérober à temps la jeune étoile de la danse, la fustige de concert avec des amis. Une glaciale et morne indifférence accueille la première scène. 

Il reste cependant la loge infernale où une dizaine « lions », de jeunes rentiers influents, y sont entassés et demeurent pour l'instant impassibles, attendant encore avant d'émettre un jugement : « Les lions fourniraient l'appoint qui manquerait au parti vainqueur pour achever son triomphe. » 

Décision prise, l'un d'eux, M. le vicomte Arthur de Saint-Bertrand se faufile dans les coulisses et monnaye son aide contre une visite de la danseuse.

La cabale est renversée, la représentation est un triomphe et son succès parait déjà garanti. 



Le butin peut donc être observé de plus près par M. de Saint-Bertrand mais plusieurs obstacles l'obligent à une certaine délicatesse ou discrétion :



• Il doit rester muet auprès des autres lions de la loge infernale, le privilège qu'il a, l'avance qu'il a prise ne doit être sue de personne au risque de faire courir des bruits de médisance qui saboteraient la liaison.



• L'impresario est un homme d'une cinquantaine d'années, assez fou pour espérer se marier avec la jeune fille en mélangeant maladroitement un amour paternel, un amour d'avidité et un amour sincère. Ce mariage avec Barberine n'a aucune chance d'aboutir mais il n'en reste pas moins rudement jaloux. Sa confiance sera acquise par le rôle apparent de protecteur et d'ange-gardien du vicomte. 



• le passé du vicomte doit être dissimulé ou demeurer flou : tout est faux, le nom et les signes extérieurs de richesse. Il n'a pas de rentes, multiplie les dettes et rogne le capital d'une comtesse polonaise de 40 ans.



• La mère rêve d'un riche mariage d'impératrice pour sa fille.



L'allure et l'attitude du faux vicomte rassure et endort un temps l'ambitieuse mère mais tôt ou tard la fortune devra se prouver et être à la hauteur des attentes qu'il a crées. 

Toutes les économies du vicomte sont jouées au jeu, il espère multiplier sa fortune mais perd, emprunte, perd encore… Et doit une colossale somme de 100.000 Francs.

Le vicomte n'aura donc jamais suffisamment d'argent pour prétendre au mariage et sera en plus contraint de quitter Paris après sa banqueroute pour dettes de jeu. 



Le plus déconcertant est l'impassibilité totale du vicomte : toutes les pertes résultant de ses folles prises de risques sont acceptées flegmatiquement, on ne retrouve absolument pas cette impulsivité au jeu courante aux joueurs, le vicomte conserve une parfaite maîtrise de lui-même et son sens de l'observation va même le sauver.



Il remarque, en une soirée costumée, l'agitation d'une personne qui se faufile de pièce en pièce, change de costume et qui est poursuivi par un major qui prend un malin plaisir à faire agoniser sa proie. Ce lâche, ayant trompé la femme du major, fait tout pour retarder et éviter un duel. 

Le major, pris d'une amusante envie d'humilier l'homme costumé, fait semblant de le prendre pour une jolie dame et commence à lui faire la cour comme il se doit… La victime se prête une voix féminine, répond aux avances… Avant de se faire démasquer.



Par un échange de regards, le vicomte conclut tacitement un pacte avec la victime et renverse un plat chaud sur le major de façon à le recouvrir entièrement… La diversion opère, le major se jette sur le vicomte puis est évacué pour sa brutalité. 

Le lendemain, c'est le vicomte qui est provoqué en duel. 



Le major ne s'attendait pas à un vrai duel et ne voulait lui infliger que de légères égratignures en deux trois coup d'épée. Au fond, il n'avait aucune haine envers lui, ce n'était qu'un duel de petite virilité et très largement puéril.

Mais le vicomte, qui a le choix des armes, stupéfait tout le monde en choisissant le pistolet, que l'on ne réserve qu'aux graves et profonds duels de haine. 



Le major est tué d'une balle en pleine tête, là encore, le vicomte est d'une glaciale impassibilité et n'a pas même un peu de joie quand il touche de l'homme qu'il a sauvé de quoi régler largement ses dettes de jeu, il réfléchit déjà au coup suivant. 



De retour à l'assaut de la jeune fille, un des obstacles tombe : la mère de Barberine est gravement malade, souffrante, alitée et décède par l'incompétence de 3 médecins aux diagnostics contradictoires.

Le vicomte se montra tout le long plus patient, doux et bienveillant que les médecins avec la mère et lui régla même ses funérailles… Il en est doublement satisfait : il a prouvé la sincérité et l'honnêteté de ses sentiments auprès de la fille, et il n'a plus à prouver sa fortune auprès de la mère, il profitera bassement de la candeur de Barberine. 



Mais les réelles intentions du vicomte sont percées par l'impresario, le tuteur de Barberine. 

Par une touchante maladresse, il s'empresse d'avertir Barberine du passé frauduleux du vicomte mais avec tant d'affectation qu'il lui déclare tout, son amour pour elle, l'envie de se marier… Barberine n'en croit pas un seul mot, qu'il s'agit là de rumeurs infondées des bas-fonds parisiens et que son tuteur se complait à y croire par jalousie. Elle le rejette et l'abaisse à un simple rôle paternel. 



Le vicomte a tout gagné, l'impresario reconnait sa défaite et s'exile à l'étranger : « Je suis un vieux fou ! Quelle apparence y avait-il qu'elle pût me préférer à ce jeune homme ! » (...)



Les débuts de cette jeune danseuse restée pure au milieu de cette atmosphère de basse corruption, contient des détails amusants et bien photographiés, notamment des coulisses de l'opéra ou des tables de jeu qui sont peints avec exactitude, de façon vive et âpre avec élégance et détachement.



L'intrigue principale avec le faux vicomte de Saint-Bertrand laisse songeur. Il y a des ressemblances avec d'autres jeunes ambitieux de romans voulant rayonner à Paris, Lucien de Rubempré notamment. Mais il est entièrement déshumanisé par l'auteur, et cela volontairement, dans le but peut-être de le rendre plus effrayant et saisissant à nos yeux. On ne ressent pas ses émotions, ni son désir immodéré de fortune, ni même la frustration de ses désillusions, il poursuit froidement son but en prenant des risques sans pour autant paraître impulsif. Il ne connaît ni la peur de perdre, ni la crainte de remords ou de culpabilité. Il est patient, diplomate, régulier et obtient ce qu'il voulait sans se déshonorer, il domine les honnêtes gens et la fin récompense ses efforts et ne le châtie nullement… Un récit léger et séduisant avec cette fin immorale assez étonnante.
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Souvenirs d'une cocodette : Ecrits par elle..



Une très agréable lecture sur les mœurs libertines d'une autre époque.....

lu en 2010.
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