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Eléonore Reverzy (Éditeur scientifique)
EAN : 9782745303585
255 pages
Honore Champion (01/01/2001)
4.5/5   2 notes
Résumé :
Fanny, paru en 1858, un an après Madame Bovary, devait connaître un immense succès : dix-sept éditions en une année! Dans le grand débat d'alors autour de la question du réalisme, le roman d'Ernest Feydeau, futur père du vaudevilliste, est constamment rapproché de celui de Flaubert. Sainte-Beuve déclare même sa préférence pour Fanny et son article, retentissant, suscite une polémique critique, à l'origine d'une "Affaire Feydeau". Aujourd'hui pourtant, qui connaît en... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Beaucoup de mots, peu d'action, mais une intense perversité mêlée de sombre romantisme se dégage en ce roman !
Fanny est à la fois victime et responsable d'un démon obsessionnel.
Condamnée et liée à un époux étouffant et méprisant, elle noue un indissoluble amour envers son amant, qu'elle perçoit comme l'unique porte de sortie à l'indifférence de son mari.
Jusqu'ici, le portait est classique.

Ce qui l'est moins est son amant, Roger, dont les choses les plus naturelles révoltent cet esprit tourmenté, en détresse permanente.
La simple vue du mari qu'il connaît pourtant bien suffit à l'abattre des jours entiers ; de banales correspondances échangées entre Fanny et son mari absent en voyage d'affaires troublent profondément Roger.
« Tu savais que j'étais mariée ! Fut la raison suprême qu'elle opposa logiquement » Mais aucune logique n'anime Roger, qui ne se plait qu'à jeter les meilleurs poisons corrosifs composés de culpabilité, de remords, regrets, chantage, larmes, compulsivité… Une soif d'acides qui attire autant Roger, qui s'autodétruit, que Fanny qui aime être rongée et qui l'encourage même parfois sans le vouloir.

Ces quelques extraits vous donneront une idée de l'égo de Roger :
« J'étais heureux ! Combien je les méprisais tous ceux qui n'étaient pas moi, parce qu'elle ne les aimait pas !
De loin en haut, je regardais le monde, détaché de tout, je planais sur tout, indifféremment, mais plein d'orgueil »

Parfois résolument diabolique :
« Je savais bien, en agissant ainsi, que sa maison, jusqu'alors paisible, allait devenir un enfer, et j'y comptais ! Pendant quelques jours, par lassitude, elle suivit docilement mes conseils, et alors elle se trouva placée entre ses deux maîtres comme le fer amolli par la chaleur, entre l'enclume et le marteau »

Jouissant de son désespoir :
« Oh ! Cet embrassement fut long, étroit, désespéré ! Energiquement, il (ce désespoir ?) maria nos âmes et nous sentîmes alors tous les deux ce qu'il y a de pitié dans le mutisme des étreintes, de consolations dans les soupirs, de combien la sympathie se dégage du mélange des larmes »

Terriblement malsain :
« Le souvenir de mon rival, présent entre nous, ajoutait une âpreté désespérante à ses baisers comme une douceur infinie à mes caresses, et, en ce moment du moins où, sans parler, nous échangions tant de sensations et tant d'idées bien compréhensibles, Fanny était enfin, dans ma pensée, absolument et pour jamais indissolublement attachée à moi que détachée de lui. »

Que de faiblesses pourtant derrière ce diable. Barbey d'Aurevilly qui avait commenté l'oeuvre a bien saisi l'un de ses traits : « le malheureux qui raconte son histoire semble croire qu'elle n'est pas finie. Il traîne la chaîne qu'il a rompue comme s'il espérait encore de la rattacher (…) Ce héros n'est qu'un enfant, et sa maîtresse, qui lui plane incessamment ce soufflet sur la face « vous êtes un enfant » lui dit la vérité. Il n'est pas autre chose. Et il ne grandirait jamais ! Ce n'est point un enfant, parce qu'il a dix ans de moins qu'elle, mais parce qu'il n'a ni de force de volonté, ni principe, de manière à lui de concevoir la vie, ni rien, enfin de ce qui constitue en bien ou en mal la vie morale d'un homme. Pauvre petit nerveux, bien élevé de ce temps, qui aime les belles choses agréables, et sa maîtresse par-dessus le marché , parce qu'elle est une de ces belles choses-là ; mais enfant toujours, et enfant gâté, révolté ou docile, apaisé ou furieux, et qui ne devient pas plus homme sous l'étreinte de la Peine, parce qu'il n'a ni une conviction, ni une idée sur laquelle il s'appuie pour lui résister ! »
Il ne comprendra qu'à la fin, par un flash de lucidité, ce qu'une femme mariée, même blasée, reste attachée à conserver l'honneur de son mari et qu'ainsi la possession exclusive par l'amant est impossible, qu'il ne peut y avoir qu'un partage habile et impropre à satisfaire une obsession perverse.

Cette lueur de raison à la fin amène le doute et accroît la souffrance sans le changer, le héros restant borné, têtu. Il semble atteint d'une maladie incurable et n'a d'autre solution que de s'exiler comme si il voulait expier inconsciemment ses fautes.

Beaucoup d'intimité et d'ardeur ressortent de ce roman par cette plume aussi poétique que précise et souvent capricieuse. La violence des passions est suffisamment subtile pour ne pas nous écoeurer, cela attire même notre curiosité car il ne s'agit en aucune façon d'une grossière maltraitance comme peut l'être une maltraitante physique par un amant alcoolique. Ce sont les plus belles noirceurs de l'âme recouvrant d'un voile opaque l'idéal amoureux qui n'est jamais atteint, et le lecteur se penche vers cet abîme, comme s'il y avait des secrets à lui révéler.
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