L’homme crée des outils pour transformer la matière. Aussi son intelligence est-elle adaptée au monde des corps solides ; ses plus grands succès, elle les obtient sur le plan mécanique. Mais autant la vie se trouve protégée sous la conduite de l’instinct, autant elle est menacée par l’intelligence . Si rien ne s’oppose à elle, elle peut devenir une menace pour l’existence de l’individu et de la société. Elle ne s’incline que devant les faits, c’est-à-dire les perceptions. Quand la « nature » a voulu parer aux dangers de l’intelligence, elle a dû créer des faits, des perceptions fictifs. Ceux-ci agissent comme des hallucinations, c’est-à-dire qu’ils se représentent à la pensée comme des faits réels et peuvent influencer l’action. Ainsi s’explique qu’avec l’intelligence surgisse la superstition. « Seuls les êtres intelligents sont superstitieux. » La « fonction fabulatrice » a été nécessaire à la vie. Elle se nourrit d’un reste d’instinct qui nimbe l’intelligence d’une sorte d’« aura ». L’instinct ne peut intervenir directement pour protéger la vie. L’intelligence, réagissant seulement aux images de la perception, c’est l’instinct qui crée des perceptions imaginaires . Celles-ci peuvent se manifester d’abord comme la conscience imprécise d’une « présence efficace » (le numen des Romains), puis sous une forme d’« esprits », et seulement très tard de dieux. La mythologie est un produit tardif et le chemin qui mène au polythéisme marque un progrès de la civilisation. L’imagination, créatrice de fictions et de mythes, a tendance à fabriquer des esprits et des dieux.
Avant toute chose, au plus profond des choses, le mystère est pour Balzac la forme de la vie. Le mystère est la vie, la vie est mystère.
Quand les Français ou les Allemands entreprennent un effort sincère pour se comprendre du point de vue psychologique, la tentative est souvent balayée par l'émergence d'une profonde et apparemment insoluble incompréhension. La raison en est claire : chaque groupe - consciemment ou non - évalue la civilisation étrangère selon son propre système de valeurs.