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Citation de Amaranth


D'un point de vue psychopathologique, les auteurs de crimes institutionnalisés "tuent dans un élan collectif, au nom des ordres donnés, avec l'assentiment de leur conscience dans une visée d'assainissement et d'épuration" (Zagury, Assouline, 2008). Selon Zagury, la capacité d'adaptation de l'humain face à une situation extraordinaire et traumatique permet à l'acteur en présence de se protéger cognitivement et moralement. Comme le rapportait un prisonnier hutu ayant participé au génocide rwandais : "j'agis au nom de mes chefs, de mes supérieurs, d'une idéologie. J'agis au nom d'un idéal conformiste, par obéissance. D'ailleurs, les autres font comme moi et, si je n'y allais pas, je ferais preuve d'un manque de courage." La soumission à l'autorité de Milgram en 1964 décrit cet état passif "d'agent" en situation d'obéissance. En plus du déni de l'intention et de l'action, largement favorisé par la diffusion de responsabilité et le contexte de l'autorité hiérarchique, l'agent utilise le mécanisme de protection de la chosification d'autrui, en le comparant par exemple à un parasite. Ces différentes techniques de défense permises par la flexibilité de la psyché permettent à l'individu de s'arranger avec son éventuelle dissonance cognitive, en s'éloignant psychologiquement de ses actes. En soi, le soldat n'est pas un tueur sanguinaire mais le rouage d'un mécanisme qu'il ne perçoit pas : il est, pour reprendre l'expression d'Arendt, le visage de la banalité du mal. L'écart de l'auteur de crime de guerre, contre l'humanité, et de génocide, avec le tueur de masse est ici prégnant, puisque contrairement au premier, le second ne se soumet pas, ne s'arrange pas avec une limite ou une organisation sociale particulière (hors délire), n'agit pas selon les idéologies d'un groupe ou les ordres d'une autorité hiérarchique en période de guerre. Ce qui crée l'effroi, c'est qu'il est profondément exo-forme et non uni-forme. Le tueur de masse est mué par une double dimension homicidaire et suicidaire, davantage basée sur des mécanismes pathologiques de frustration-agression, comme le proposent Dollard puis Berkowitz et Miller, ainsi que, selon Bandura, d'apprentissage social vicariant par imitation de modèles (parents, pairs, médias). Différemment du criminel génocidaire (auto)censurant son libre arbitre, le tueur de masse essaie en vain d'affirmer une individualité dans une situation de vulnérabilité.
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