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4/5 (sur 1 notes)

Nationalité : France
Biographie :

Estelle Deléage est ingénieure agronome et docteure en sociologie.

Elle mène ses travaux sur l’agriculture durable au sein du Laboratoire d’analyse socio-anthropologique du risque (Lasar) de l’Université de Caen.

Elle est maître de conférences en sociologie dans cette université et enseigne la sociologie à l’École supérieure des ingénieurs et techniciens pour l’agriculture (Esitpa) de Rouen/Val de Reuil.

Elle est corédactrice en chef de la revue "Écologie & Politique". Elle a notamment publié "Paysans. De la parcelle à la planète" (Syllepse, 2004) et "Agricultures à l’épreuve de la modernisation" (Quae, 2013).

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Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
C'est dans ce contexte d'extension du modèle agricole productiviste qui repose sur la division du travail et le développement de la société de consommation que de très nombreux paysans et agriculteurs inventent un autre rapport au temps, à l'espace, à la terre, aux autres et au monde.

Au Nord comme au Sud, ils mettent en œuvre une agriculture écologique qui tient compte des caractéristiques des agro-écosystèmes en valorisant les savoir-faire des paysans et des agriculteurs qui les ont façonnés durant des millénaires.

Cette agriculture écologique repose par conséquent sur des interactions savantes entre nature, technique et société dans une perspective de préservation sur le long terme des écosystèmes et des populations dans toute leur diversité. (...)

Il s'agit de construire une agriculture qui pense les rapports homme/nature dans une perspective dialectique et qui repose sur une diversité de MODES de production pour renoncer définitivement à l'unidimensionnalité du MODELE productiviste dominant.

Ces modes de production s'inscrivent dans une temporalité qui participe à une forme de décélération puisqu'il s'agit de respecter les cycles de la nature et, par conséquent, de renoncer à une accélération permanente des processus de production.
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la pauvreté doit être analysée comme une construction sociale, c’est-à-dire qu’elle doit être envisagée en termes de non-satisfaction des besoins vitaux (s’alimenter en tout premier lieu) mais également du point de vue du manque de liens sociaux ou de ressources culturelles
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Poser la question de la fin des paysans me semblait d'autant plus important que l'agriculture, produit de la transformation de la nature, se trouve de manière paradigmatique à la jonction de préoccupations d'ordre technique, économique, social, politique, écologique, c'est-à-dire permet de s'interroger plus globalement sur l'histoire et le devenir des sociétés humaines.
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La nouvelle classe dominante comprend aujourd'hui les grands propriétaires fonciers des exploitations latifundiaires d'Amérique latine, les agriculteurs-entrepreneurs dans certains pays d'Europe et d'Amérique du Nord, les entreprises multinationales ou les fonds d'investissement dans le contexte de développement du land grabbing, certains Etats - souvent associés à des entreprises privées qui assurent l'organisation de la production - dans de nombreux pays du Sud, et partout sur la planète les chefs d'entreprise de l'agro-industrie d'amont (semences, engrais, pesticides, machines agricoles, etc.) et d'aval (industrie agro-alimentaire) ainsi que tout le secteur bancaire.

La classe dominée réunit tous les paysans et les agriculteurs qui n'ont plus que leur force de travail à vendre en étant partiellement ou totalement dépossédés de tout moyen de production : paysans sans terre, paysans et agriculteurs marginalisés par le processus de développement, agriculteurs "modernes" endettés. Ainsi, lorsqu'un agriculteur "moderne" est endetté jusqu'à la fin de sa vie, c'est bien la banque, le Crédit Agricole en France, ou l'intégrateur pour lequel il travaille, qui détient, in fine, son capital.

(...) L'opposition frontale entre deux classes, l'une propriétaire des moyens de production, l'autre n'ayant que sa force de travail, est en ce sens toujours très pertinente pour décrire les rapports de domination économique à l'œuvre dans le monde agricole,
même si cette bipolarisation n'oppose bien sûr plus la bourgeoisie au prolétariat tels que les définissaient Karl Marx et Friedrich Engels.
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Réfléchir à la fin des paysans, c'est finalement tenter de répondre aux questions suivantes :

pourquoi, en ce début de XXIe siècle, selon les catégories statistiques de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l'agriculture et l'alimentation), la population active agricole mondiale ne représente plus que 39,9% du total alors qu'elle s'élevait à 67,1% en 1950 et encore à 48,9% en 1990 ?

Pourquoi 868 millions d'habitants n'ont pas accès à un apport nutritionnel énergétique suffisant pendant que 500 millions de personnes souffrent d'obésité ?

Pourquoi les trois quarts des pauvres sont des ruraux et la majorité de ceux et celles qui souffrent de la faim, des paysans vivant dans les pays en développement, en Afrique en particulier ?

Pourquoi et comment en sommes-nous arrivés à cette situation alors qu'une agriculture écologique pourrait largement couvrir les besoins vitaux de l'ensemble des habitants de la planète ?
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Cette société de consommation fonctionne, perdure et s'étend spatialement (vers les pays du Sud aujourd'hui) grâce à l'obsolescence programmée - ou planifiée - en particulier des denrées alimentaires.

(...) Bernard London, courtier en immobilier new-yorkais (...) publie en 1932 un court texte dans lequel il propose d' "en finir avec la crise (de 1929) grâce à l'obsolescence planifiée". Cette dernière a donc été pensée comme un moyen - salvateur pour London, en particulier en temps de crise - d'entretenir la consommation en organisant l'usure des produits.

Cette obsolescence programmée (usure créée artificiellement) accompagne deux autres formes d'obsolescence : l'obsolescence technique (usure des machines liée au progrès technique) et l'obsolescence psychologique ou symbolique (déclassement lié à la publicité et à la mode).
Elle s'est diffusée dans et par le développement de la société de consommation à travers différentes phases, la plus ancienne étant liée à l'apparition du jetable, la plus récente à celle de l'obsolescence alimentaire.

(...) Très précisément, l'obsolescence alimentaire est née avec l'extension de la date de péremption dans le domaine de l'alimentation. (...)

Si les destructions massives de denrées alimentaires ont existé avant le développement de la société de consommation, elles ont toujours été conjoncturelles et sont donc très éloignées de la logique structurelle de destruction massive des produits alimentaires, liée à l'agriculture productiviste qui organise la surproduction permanente (tout en maintenant une inégale répartition de la production à l'échelle de la planète) (...)

Plus encore, l'agriculture productiviste constitue en elle-même une obsolescence programmée car tout le système est organisé pour que les agriculteurs rachètent en permanence des semences (c'est le principe même des organismes génétiquement modifiés ou des semences hybrides), des engrais de synthèse (parce que leur efficacité est éphémère), du matériel agricole, etc.
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Dans la logique technoscientifique, la science entretient une relation instrumentale et non plus contemplative au réel ; la technique qui était jusque-là totalement séparée de la science, devient alors la médiation nécessaire à la réalisation de la connaissance du monde, d'où l'association des deux termes dans celui de technoscience.

Mise en œuvre sur près de cent cinquante ans dans les pays qui ont connu la première révolution industrielle et ayant, de ce fait, en partie trouvé une "réponse" - certes toute provisoire - au moins en terme d'emploi pendant la période des Trente Glorieuses, cette modernisation se réalise à marche forcée depuis une trentaine d'années sur le reste de la planète.

Elle se caractérise aujourd'hui par le développement d'un capitalisme transnational et donc globalisé (...) Le capitalisme transnational trouve aujourd'hui son expression la plus achevée avec l'apparition, relativement récente, d'une agriculture dite de firme. (...)
De manière schématique, l'agriculture de firme la plus représentative de l'extension du capitalisme est celle qui pratique le land grabbing (accaparement de terres) : "Les acquisitions ou concessions massives de terres sont les pièces maîtresses, dans le domaine agro-alimentaire et foncier, de la généralisation d'une logique économique néolibérale (...)"

(...) Ce land grabbing constitue un accaparement de terres par les pays du Golfe (Qatar, Arabie Saoudite, etc.), les Etats-Unis, certains pays européens ou asiatiques comme le Japon ou la Chine dans des pays en développement (du continent africain principalement) ou émergents (Argentine, Brésil, Indonésie).

Cet accaparement est le fait des Etats eux-mêmes, des entreprises multinationales, des fonds d'investissement voire plus marginalement de particuliers ...
Précisément, l'extension du land grabbing remonte à 2007-2008, années des émeutes de la faim dans de nombreux pays du Sud.
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Cette extension de la modernisation de l'agriculture - souvent par un transfert technologique des pays du Nord vers ceux du Sud - prend aujourd'hui des formes diverses du fait de l'héritage différencié des contextes politiques, culturels et agraires dans chaque région du globe.
Cette hétérogénéité masque néanmoins une tendance de fond, celle du triomphe d'un modèle unique de production qui repose sur l'idéologie du progrès technique, la division du travail et la spécialisation (...) dans un contexte de libéralisation des échanges agricoles dans le cadre de l'inclusion de l'agriculture dans les négociations de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC).

Ce modèle unique se déploie aujourd'hui grâce à la diffusion de la logique industrielle à l'ensemble des cultures du monde, qui repose d'une part sur le développement du capitalisme et d'autre part sur celui de la technoscience (...)
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Second type de domination (note : après les classes dominante et dominée analysées par l'auteur, domination économique),
une domination d'ordre politique qui s'apparente à l'idéal-type de la domination légale-rationnelle weberienne et s'incarne par conséquent dans une conception gestionnaire et déshumanisée du politique.

Historiquement, cette forme de domination s'est aussi bien manifestée dans l'entreprise capitaliste que dans la bureaucratie d'Etat qui, comme l'écrivait Max Weber, s'alimentent réciproquement : "S'il est une idée hautement ridicule, c'est bien celle de nos littérateurs persuadés que le travail intellectuel dans un bureau privé se distingue en quoi que ce soit de celui qui s'effectue dans un bureau d'Etat. (...) Aujourd'hui, capitalisme et bureaucratie se sont rencontrés et sont devenus inséparables."

Dans nos sociétés contemporaines et en ce début de XXIe siècle, elle se réalise dans ce que Béatrice Hibou nomme la "bureaucratie néolibérale".
Dans l'agriculture, elle correspond à l'extension des forces impersonnelles du marché sous l'injonction de l'OMC, couplée à un déploiement de politiques publiques (la PAC et le Farm Bill - la politique agricole américaine -, par exemple) qui, de réformes en réformes, ne font que perpétuer le modèle agricole productiviste dans un lacis de procédures et de règlements dont l'objectif est justement de masquer la reproduction de ce modèle.

Au-delà, c'est tout l'environnement institutionnel du développement agricole, qui impose un schéma diffusionniste (de l'agronome vers le paysan) et très normatif du point de vue de la hiérarchie des savoirs, les dernières "inventions" de la recherche agronomique, recherche de plus en plus commandée par les logiques de profit.

(...) L'éviction de toute une partie de la population agricole constitue l'aboutissement de ce double processus de domination. Elle se caractérise pour l'essentiel par des phénomènes de pauvreté, de souffrance au travail, de relégation, qui conduisent trop souvent, et in fine, au suicide.
La pauvreté concerne de très nombreux paysans et agriculteurs du monde.
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La révolution verte* correspond à l'extension, à partir des années 1960, de la modernisation de l'agriculture dans les pays du Sud. Cette dernière s'est principalement appuyée sur l'introduction de variétés de plantes sélectionnées pour leur capacité à donner de hauts rendements à l'hectare grâce à l'utilisation croissante des engrais, des pesticides (désignés comme des produits phytosanitaires par leurs promoteurs ...) et de l'irrigation.

* (Note de l'auteur) La révolution verte a souvent permis aux pays où elle a été mise en œuvre d'atteindre l'autosuffisance alimentaire mais elle a créé une nouvelle dépendance en particulier vis-à-vis des intrants manufacturés.
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