Eugène Brieux

Scène première
- le régisseur -
- Mesdames et messieurs,
L'auteur et le directeur ont l'honneur de vous prévenir que cette pièce a pour sujet l'étude de la syphilis dans ses rapports avec le mariage.
Elle ne contient aucun sujet de scandale, aucun spectacle répugnant, aucun mot obscène, et elle peut être entendue par tout le monde, si l'on croit que les femmes n'ont pas absolument besoin d'être sottes ou ignorantes pour être vertueuses.
Rideau ...

Non, je ne crois pas aux dieux au nom de qui l'on tue ...

Le cabinet de M° Martigny, avocat.
A gauche, une bibliothèque. Une petite table devant.
Au milieu et un peu à droite, perpendiculaire à la rampe, un grand bureau plat couvert de papiers, dossiers, codes, etc...Fauteuils, chaises.
Au lever de rideau, la scène est vide. Le président Martigny, 85 ans, entre par la droite et se dirige vers la petite bibliothèque de gauche où il prend un volume, qu'il consulte sur la petite table.
C'est un petit vieillard alerte et soigné.
Entre Mme Martigny, 55 ans, allure de grande bourgeoise.....
(lever de rideau de la pièce extraite de "La Petite Illustration" n° 79 parue en octobre 1922)

- Je n'ai jamais eu de maladie honteuse, moi !
- Ce n'est pas cela que je vous demande. Je vous demande si vous ne vous êtes jamais exposé à en avoir une. Vous vous y êtes exposé ! ...
Alors ce n'est pas de la vertu que vous avez eue, monsieur ... c'est de la chance.
Et c'est une des choses qui m'irritent le plus, ce terme de "maladie honteuse" que vous venez d'employer.
Comme toutes les autres maladies, celle-là est une de nos misères et il n'y a jamais de honte à être malheureux ...

Le cabinet du docteur. Décor posé en angle.
A droite, un grand vitrail, représentant un sujet religieux et tenant presque tout le panneau.
Devant, sur des colonnes, des bronzes et des marbres.
Parallèlement, un très long et très large bureau Louis XIV chargé de papiers et de statuettes.
Entre le bureau et le vitrail, le fauteuil du docteur.
De l'autre côté, un second fauteuil, presque face à la rampe - un tabouret.
A gauche, premier plan, porte d'entrée qui, ouverte, laisse voir une galerie ornée de tapisseries, de statues et de tableaux.
Plus loin, une grande vitrine bibliothèque.
Au-dessus, trois toiles représentant Wallace, Dupuytren et Ricord.
Des bustes de médecins célèbres.
Une petite table et deux chaises.
Au fond, une petite porte.
Le cabinet, somptueux, est littéralement encombré d'objets d'art ...

Un salon Louis XV. A droite, une grande baie vitrée de petits carreaux, et aveuglée par une grande tenture placée dans la pièce voisine.
Un piano. Portes au fond et à droite. Table.
Le salon est en désordre. Un des carreaux de la baie a été enlevé et remplacé par un écran mobile. Octobre.
Scène première
Mme Guéret, quarante cinq ans,est en toilette d'après-midi. C'est une personne sèche et distinguée.
Mr Guéret, cinquante ans, en redingote.
Au lever du rideau, Mme Guéret est assise. Mr Guéret est debout à côté d'elle.
(lever de rideau de "la femme seule" pièce parue dans "la petite illustration" en février 1913)

A monsieur le professeur A. Fournier, membre de l'Académie de Médecine
Monsieur,
Je vous demande la permission de vous dédier cette pièce.
La plupart des idées qu'elle cherche à vulgariser sont les vôtres.
Je pense, avec vous, que la syphilis perdra considérablement de sa gravité lorsqu'on osera parler ouvertement d'un mal qui n'est ni une honte, ni un châtiment et lorsque ceux qui en sont atteints, sachant quels malheurs ils peuvent propager, connaîtront mieux leurs devoirs envers les autres et envers eux-mêmes.
Croyez, Monsieur, à ma respectueuse sympathie.
Brieux.

Un salon modeste, mais où se sent la présence d'un artiste musicien, buste de Beethoven. Des couronnes. Une harpe. Un piano à queue.
Pendant que le rideau se lève, on entend une voix de femme achevant de chanter un grand air d'opéra. Le final est souligné par de puissants accords de piano.
Le rideau levé, on voit Mr Lavolette au piano et Mme Barol debout à côté de lui, un cahier de musique à la main.
Mme Barol est jeune, jolie et coquette. Tous deux sont très excités.....
(lever de rideau de la pièce extraite de "La Petite Illustration" n° 169 parue en octobre 1926)

Un salon de grand style, mais austère et vieillot, dans un château de Bourgogne.
- Henriette, 32 ans. Elle est loin d'être laide, mais il semble qu'elle s'applique à le paraître. Les cheveux sont collés au front, elle est vêtue avec une extrême simplicité.
- Appolonie, 62 ans, vêtue à la mode d'antan. Elle est grincheuse et familière.
Toutes deux sont debout. Appolonie porte une pile de coussins dans ses bras et se dirige vers la porte de droite....
(lever de rideau de la pièce extraite de "La Petite Illustration" n° 11 parue en février 1920)

Un salon très modeste en province - Février - Table au milieu, chaises autour - Piano - Cheminée, premier plan, à droite - Fenêtre, premier plan, à gauche - Lampes - Gutenberg en bronze - Housses sur les meubles - Portes, au fond, à droite et à gauche -
Madame Dupont travaille un moment, seule, en silence.
Courthezon entre, des papiers à la main.....
(lever de rideau de "Folle entreprise", comédie en quatre actes de Brieux de l'Académie-Française)