-Qui commande donc ici monsieur ?
Alexandre haussa les épaules.
-Certes vous, Charles, et ne craignez point que je l'oublie puisqu'à chaque occasion vous n'hésitez pas à montrer que vous êtes le maître.
-Que signifient des paroles ?
-Que vous prenez parfois des décisions pour asseoir votre autorité à tout prix et parfois en dépit de toute sagesse. Qu'est-ce qu'un jour de retard sur l'ouvrage titanesque qui s'étale devant nous ? Qu'importe quinze esclaves en moins si les soixante-quinze restants travaillent le cœur en paix ?
Le jeune homme s'attendait à une explosion de colère de son frère, mais contre toute attente celui-ci demeura pensif. Il finit par s'asseoir sur le rondin de bois servant de siège. Charles avait le regard perdu sur la zone déboisée qui ressemblait à un étang où miroitait le feuillage des arbres.
-Je dois avouer que vous avez raison, reprit-il. Mais rien n'avance comme je l'avais envisagé et cela me rend irascible.
Alexandre remarqua de nouveau les cernes qui marquaient le visage de son frère.
-Ce pays nous enseigne la patience, Charles. Les choses se feront avec leur temps, il ne sert à rien de vouloir braver le temps et les intempéries.