Evelyne Chotteau

Léger, capricieux, il brasille en nos cœurs,
De la rue au bureau et dans les cours d’école
L’amour couve ou flambe, fièvre et vives ardeurs,
Quand au soir il s’éteint, son absence désole

Bruissements. Frôlements. Grattements. Quelque chose rôde au-dehors, quelque chose qui approche. Crissements. Herbe foulée. Sol piétiné. Le renard se plaque au sol comme s'il voulait s'y enfoncer et y disparaître. Cailloux roulés. Branches brisées. Anisha fait comme lui.
Plus un bruit à présent, mais le sentiment d'une vigilance maligne aux aguets les enveloppe d'épouvante. Ils essaient de respirer lentement, de calmer les battements désordonnés de leur cœur. Il ne faudrait pas que ce chant de vie attire ce qui chasse, avide de chair et de sang. Cela dure. Longtemps. La sueur mouille le dos d'Anisha, malgré la fraîcheur de l'air. Le renard tremble toujours.

Nous avions déjà tout

Nous avions déjà tout, la terre a cultiver
L'enfant à élever, la source où s'abreuver
Nous avions déjà tout, des fraises sur nos tables
Un feu pour nos hivers, des chansons et des fables.

Hélas ! Nous voulions plus, repousser nos frontières
L'autre ville là-bas, ses trésors, ses bannières
Hélas ! Nous voulions plus, leur imposer nos Dieux
Gagner pour la gloire, se venger pour le feu.

Tellement de désirs font couler tant de larmes
Quand on laisse l'outil pour se saisir d'une arme
Ce combat-là est saint, celui-là nécessaire...

Tellement de désirs, richesses ou pouvoir...
Notre monde se meurt or sans paix pas d'espoir
Comment forger les clés d'un avenir sans guerre ?

Un banc

Sous la crinière verte d'un saule
Un banc couturé de graffitis s'est assis
Caressé par d'audacieuses herbes folles
En silence il fait de la poésie

Quel soulagement, quel bonheur de poser enfin sa lettre de démission sur le bureau de son patron ! Amménager des ronds-points et refaire des enrobés... terminé ! Désormais, ce serait à des légumes, des fruits, des poulets, des lapins, bref à de la vie, qu'il consacrerait son temps et son énergie. Ses pensées furent interrompues par un mouvement incongru dans le verger. Une silhouette venait de se dissimuler derrière le tronc d'un vieux pommier. Que faisait cet intrus ici ?

"... essayer de rétablir l'équilibre entre hommes et femmes, participer à l'événement d'une société où chacun trouvera sa place, à égalité, sans qu'une moitié de l'humanité cherche à dominer l'autre où la justice ne sera pas un vain mot."

Tu sais voir en chacun ce qu'il a de meilleur et ce regard élève le cœur de tous ceux qui le côtoient. Quand tu es dans un groupe, rares sont les disputes, les tensions... tu es une source d'équilibre, de force aussi...

Tu as été notre moteur, notre force, le lien qui nous a unis et nous a permis de réussir.

Le jour s’est oublié je suis déjà levée
Je trouve trop amer le goût fort du café
Une pluie enragée déverse ses colères
Du côté des carreaux ouvert sur les ténèbres

La Duthelière, bonne idée. Le lac au milieu de la forêt, avec ses berges escarpées et son fond si vaseux qu’un corps bien lesté y disparaîtrait à jamais. Vers le Bois-Vert, c’était pas mal aussi. Un peu plus de chemin à faire, mais des à-pics vertigineux en bordure de route que même les chasseurs évitaient.

Lyane rit. Elle prend avec précautions une première gorgée de son infusion encore très chaude. Au-delà de la treille, elle admire le ciel de la nuit d’été. Elle avait oublié, sous les lumières perpétuelles de la ville, à quel point les étoiles peuvent être belles.

À la lueur douce des flammes, Lhéna vit son visage se durcir. Ses yeux brillèrent d’un éclat fiévreux. Sten ne dit rien.
— Chaque homme est en quête d’un trésor, déclara doucement Olan.
— La mère de la mère de ma mère, et ainsi en remontant jusqu’au temps des Mères, se sont transmis l’histoire de ce trésor. Je sais qu’il existe. Peu m’importe ce que pensent les autres, je le trouverai, affirma Médric d’une voix sourde.
— Admettons, concéda Lhéna. Quel rapport avec nos problèmes ? Un trésor ne nous aiderait guère.

Attirés par le carnage, trois énormes saurals émergèrent près du cadavre de leur congénère. L’homme, encore conscient, puisa dans son épouvante la force d’essayer de s’extraire des mâchoires inertes. Peine perdue. Une autre gueule, bien vivante celle-là, se referma sur sa tête et l’arracha dans un horrible craquement.
Le chasseur cracha, siffla son molosse et partit sans se retourner.

Lhéna le servit et leva sur lui un regard de défi.
— Vous allez me dénoncer ? ironisa-t-elle, sur la défensive.
Il haussa les épaules sans répondre, une lueur amusée dans les yeux. La jeune femme se détendit et s’assit sur l’extrémité d’un des bancs de bois qui encadraient la table. Elle savoura la boisson brûlante et tonique. La fatigue, que la tension nerveuse l’avait jusqu’alors empêchée de ressentir, l’accabla subitement. Elle se secoua. Elle fouilla dans les affaires de Daelle et en retira un pain de légumes enveloppé dans un tissu, un sac de pommes et des œufs durs. Des pommes et des œufs durs ! Daelle avait pioché au petit bonheur la chance dans les réserves familiales.

— Pour que les paris montent et que le bon peuple s’enthousiasme, il faut que chaque jour apporte sa prise. Mais même si nous parvenons à nous échapper de la forêt, les vénérables Patriarches ne perdront pas d’argent, au contraire. Il y aura des gens pour parier sur nous, ou sur les différents chasseurs de primes qui se mettront alors sur les rangs…

Elle se coucha l’esprit agité. Pour la première fois depuis des années, elle désirait de toutes ses forces autre chose que ce qu’on lui destinait. Elle n’osait pas encore se le représenter clairement, mais elle savait au moins une chose : elle refusait de retomber sous le joug d’un homme.

La vengeance te dévore, la justice te rend fort.

Zémad aurait sauté de joie, si ce comportement avait été compatible avec la dignité de garde du Bâkâ. Dès demain, il allait participer à sa première patrouille importante, et sous les ordres de Rajen en personne. Bien sûr, il savait que sa qualité de monteur avait pesé lourd dans la balance, mais cela ne ternissait pas sa joie. S’il faisait ses preuves pendant cette expédition, il serait intégré dans la garde d’élite, son rêve de toujours, le but qu’il s’était fixé voilà des années.

— Ceci n’est pas une fin, mais un commencement. À toi d’écrire à présent ta propre histoire.
Le jeune homme où la jeune fille saluait alors, la main sur le cœur, et répondait:
— Quand le soleil se lèvera, je serai sur le chemin.

Mais sa vue s’habituant peu à peu, elle distingua bien vite les curieux animaux qui en étaient la source : de petits marsupiaux dont le pelage luminescent brillait dans le noir. Leurs yeux immenses faisaient des tâches plus intenses de la même couleur, s’éteignant et se rallumant au rythme de leurs activités. Brahim claqua des doigts. Tout s’assombrit d’un coup. Les animaux n’avaient pas disparu, on pouvait encore distinguer leurs silhouettes, non, ils s’étaient juste éteints. Au bout d’un temps, ils se rallumèrent l’un après l’autre.