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Citation de Ahoi242


Pour Freud, on le sait, loin d’être un raté seulement, le lapsus est une réussite de l’inconscient. Quelque chose là, est parvenu à franchir la frontière du refoulement, à percer la censure et à se dire : processus actif et non simple échec. Rater est une forme incontestable de création, pour Beckett aussi qui connaît parfaitement la leçon freudienne : c’est avec ce ratage qu’on écrit. C’est cela qu’il découvre un jour, son « illumination » comme il dit, qu’on écrit avec son idiotie, sa bêtise, son incapacité à écrire. Bien écrire est à la portée de n’importe quel bon élève (les Belles Lettres, l’Académie). Mal écrire est autrement plus difficile. Autrement dit, on n’écrit pas contre le ratage. On écrit, on crée avec le ratage. Là encore, le ratage, n’est pas un état mais un processus, une dynamique. Le ratage beckettien est une énergie créative, un déséquilibre en acte. Il faut en effet distinguer deux choses : l’échec qui est un résultat et le ratage qui est un acte, un processus mis à l’œuvre. L’échec répété est signe de névrose. Freud nomme « compulsion de répétition » cette énergie quasi diabolique au service de la pulsion de mort qui nous pousse à reproduire inlassablement les mêmes échecs (tomber toujours amoureux du même type de partenaire qui nous détruit, retomber sans arrêt dans les mêmes ornières). Les psychanalystes savent quelle extraordinaire énergie certains sujets mettent à échouer, à s’empêcher d’avancer, de réussir, de vivre, de créer. Quelle que soit son extraordinaire vigueur, cette énergie est bien du côté de l’arrêt, de la stagnation. La dynamique du ratage, au contraire, au sens de la créativité de la crise, est tout autre chose. Il ne s’agit pas du tout d’un simple renversement dialectique. On ne voit guère pour quelle raison l’échec se renverserait en succès un beau jour, on ne sait trop par quel mécanisme simplement inversé. Le ratage (c’est ce que découvrent Artaud ou Beckett, entre autres) est un processus créateur qui nous oblige à revoir nos catégories trop simples de succès et d’échec. Comme l’échec, le succès est un arrêt, c’est une stase ; un résultat, si l’on veut. C’est pour cela qu’il est aussi décevant parfois, de réussir. Le succès n’enclenche rien et si certains s’effondrent devant le succès ou après le succès (après un examen réussi, par exemple), c’est parce que le succès, comme stase, marque un arrêt. Un but a été atteint... et après ? La dynamique est morte si l’on n’est pas capable de retrouver, avant cette stase du succès (le résultat atteint) la dynamique qui le portait et qui le dépassait.

Créativité de la crise
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