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Citation de Partemps


LE CORPS MORT DE LA MERE
Une figure maternelle complexe hante les textes d'Artaud. C'est ainsi qu'une essentielle
complicité se dessine entre l'image de sa mère et le corps souffrant des premiers écrits. Si le corps
symbolique est un corps mort, un corps marqué par la douleur de la séparation, c'est sans doute
d'abord, il faut en faire l'hypothèse, par identification imaginaire au corps ravagé, supplicié de la
mère auquel l'enfant est arraché. Si la mère tue ses enfants par une mise au monde qui est
l'équivalent d'un avortement (thème obsessionnel des derniers textes), ce pouvoir mortifère
s'inverse aussi en martyre subi : suppliciée-suppliciante, la mère est double. La Mère mi-morte
mi-vivante de Rodez dont le corps disséminé resurgira sous les traits des "filles de cœur" de sa
biographie mythique, ces filles-amantes martyrisées et immortelles, éternellement mourant et
renaissant, cette mère est présente dès les premiers textes où son visage se dissimule sous des
masques divers.
Ainsi sans doute sous les traits paradoxaux d'Ida Mortemart, entre burlesque et tragédie,
dans la pièce Victor ou les Enfants au pouvoir de Roger Vitrac, écrite à l'intention du Théâtre
Alfred Jarry et mise en scène par Artaud. Dans une lettre adressée à l'actrice pour la convaincre
de jouer le rôle de cette Mortemart où il entend peut-être "morte mère", il écrit ceci : "Ida
Mortemart se devait d'apparaître comme un fantôme [...]. Son état de fantôme, de femme
spirituellement crucifiée, lui procure la lucidité des voyantes" (II, 44). C'est une vision semblable
de femme martyre qu'il avait proposée peu de temps auparavant à Germaine Dulac pour le film
qu'elle réalisait d'après son scénario, La Coquille et le Clergyman : "J'ai aussi une autre idée que
je voudrais vous communiquer. C'est celle d'une nouvelle tête de femme éternellement
douloureuse, lamentable, dont on ne verrait presque jamais les yeux: un regard navrant [...].
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