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Citation de Partemps


C’est aussi ce que dit Artaud, d’une autre façon : le moindre détail, au cinéma est comme
grossi, auréolé d’un étrange halo de vie (son aura, peut-être, là encore) :
« … toute image, la plus sèche, la plus banale, arrive transposée sur l’écran. Le plus
petit détail, l’objet le plus insignifiant prennent un sens et une vie qui leur
appartiennent en propre. Et ce, en dehors de la valeur de signification des images ellesmêmes, en dehors de la pensée qu’elles traduisent, du symbole qu’elles constituent.
Par le fait qu’il isole les objets, il leur donne une vie à part qui tend de plus en plus à
devenir indépendante et à se détacher du sens ordinaire de ces objets. Un feuillage, une
bouteille, une main, etc…, vivent d’une vie quasi animale, et qui ne demande qu’à être
utilisée5 ».
Deuxième idée, tout aussi fondamentale, pour l’un et l’autre : le cinéma a à voir avec
le rêve et donc avec l’inconscient. Dans cette mesure, il va bien au-delà d’une transfiguration
artistique du réel : il touche, dit Benjamin à l’inconscient, et pas seulement à celui du
spectateur (ce qui serait somme toute banal), mais à l’inconscient même du monde et du réel,
si une telle chose existe … Ainsi évoque-t-il ces « aventureux voyages » que nous faisons
dans un autre réel que nous ouvre l’image cinématographique : « grâce au gros plan, c’est
l’espace qui s’élargit ; grâce au ralenti, c’est le mouvement qui prend de nouvelles

4 « Réponse à une enquête » (enquête lancée par René Clair sur le cinéma, publiée dans Théâtre et Comoedia
illustré en mars 1923), Quarto p. 41-42.
5 « Sorcellerie et cinéma » (1927), Quarto p. 257.
3
dimensions. ». Ainsi le ralenti nous découvre-t-il des formes jusque là inconnues et quasi
surnaturelles. Et Benjamin conclut :
« Il est bien clair […] que la nature qui parle à la caméra n’est pas la même que celle
qui parle aux yeux. Elle est autre surtout parce que, à l’espace où domine la conscience
de l’homme, elle substitue un espace où règne l’inconscient. […] C’est dans ce
domaine que pénètre la caméra, avec ses moyens auxiliaires, ses plongées et ses
remontées, ses coupures et ses isolements, ses ralentissements et ses accélérations du
mouvement, ses agrandissements et ses réductions. Pour la première fois, elle nous
ouvre l’accès à l’inconscient visuel, comme la psychanalyse nous ouvre l’accès à
l’inconscient pulsionnel » (III, 305-306 ; je souligne).
L’exactitude de la technique pouvant donner accès à une « valeur magique » qu’aucune
peinture ne pourrait avoir à nos yeux, c’était déjà l’idée que développait la « Petite histoire de
la photographie ». Le spectateur, soulignait Benjamin, peut retrouver parfois dans telle ou
telle photo d’une insondable tristesse (le regard perdu du jeune Kafka, l’œil lointain de cette
mère de famille rêvant à la mort), « la petite étincelle de hasard, d’ici et de maintenant, grâce
à laquelle le réel a pour ainsi dire brûlé un trou dans l’image6
. »
Pour Artaud aussi, comme pour tous les surréalistes de l’époque, le cinéma touche à
l’inconscient. On l’a souvent noté : la naissance du cinéma (1895) précède de peu la
publication de l’Interprétation des rêves de Freud (1899). On sait l’importance du recours à
l’image pour les surréalistes (images poétiques, mentales, oniriques, picturales,
photographiques, cinématographiques). Il suffit de rappeler l’irruption de la photographie
dans Nadja de Breton ou les articles que Bataille donne à la revue Documents. Autour de
Breton et Breton lui-même, nombreux sont ceux qui se mettent à écrire des scénarios et,
parfois, à les tourner : Soupault, Desnos, Man Ray, Dali, Buñuel, Bataille, Artaud. Tous sont
tentés par l’image en mouvement car ils pensent pouvoir détourner le cours du cinéma
commercial au profit de préoccupations d’avant-garde. « L’Etoile de mer » de Man Ray date
de 1928 ; « Le Chien andalou » de Buðuel de 1929. On connaît par ailleurs la carrière d’acteur
de cinéma du jeune Antonin Artaud, depuis « Fait divers » de Claude Autant-Lara en 1924
jusqu’à sa « Koenigsmark » de Maurice Tourneur en 1931, en passant par le « Napoléon »
d’Abel Gance 1927, « la passion de Jeanne d’Arc » de Carl Dreyer7 en 1928 et « l’Opéra de
quat’sous » de Pabst en 1931
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