Nous nous étions doutés qu'il serait difficile d'habiller entièrement un cadavre, linge de dessous compris ; nous nous étions rendu compte de la situation lorsque nous avions pris les photos, et conclu que, bien que difficile, c'était possible. Mais nous avions oublié les chaussures !
Pour apprécier la difficulté à laquelle nous nous sommes heurtés, il vous faudrait essayer de mettre une paire de chaussures en maintenant votre cheville et votre pied absolument rigides, ce dernier restant à angle droit de la jambe. La chose est pratiquement impossible !
C'était un sale coup. Nous savions que congeler puis réchauffer un corps, et ensuite le congeler de nouveau est un moyen sûr de hâter le processus de décomposition [...] Une solution nous vint brusquement à l'esprit. Nous avons pris un radiateur électrique et décongelé seulement les pieds et les chevilles ; puis , très vite bien qu'avec précaution, nous avons habillé complétement le corps et finalement l'avons replacé dans la chambre froide, en lui demandant sincèrement pardon en nous-mêmes de ce que nous faisions.
Dans le cimetière de la ville espagnole de Huelva repose un sujet britannique. Quand il mourut, seul, dans le brouillard humide de l'Angleterre, à la fin de l'automne 1942, il était loin de penser qu'l dormirait pour toujours sous le soleil ensoleillé de l'Espagne, après des funérailles célébrées avec tous les honneurs militaires, ni que, après sa mort, il rendrait aux Alliés des services qui épargneraient des centaines de vies anglaises et américaines. De son vivant, il avait fait peu pour son pays, mais, mort, il a fait plus que beaucoup n'en font pendant une longue vie de dévouement.
Tandis que nous préparions le document que nous appelions "la lettre capitale", nous devions réfléchir à "l'homme"qui devait l'emporter. Manifestement la première question que se poserait nos adversaires à Berlin serait: "comment cette lettre a-t-elle pu parvenir à Huelva.