— On pourrait parler de destins nus, n’est-ce pas, Henry ?
— Il n’y a pas de destins « nus » : il y a des destins, toutes les vies sont des destins. Le destin de chacun effleure le destin de tous. Nous ne sommes pas obligés de considérer cela comme une découverte tar dive. On peut en faire une religion et bien d’autres choses, et c’est peut-être nécessaire.
— « Peut-être » est ton mot favori, Templeman ?
— L’un de mes mots favoris, dit-il alors. Et naturellement je pourrais parler de jeunes gens qui ne connaissent eux aussi la politique, c’est-à-dire ce jeu que nous jouons tous et qui nous concerne tous, que comme une maladie, une gêne, quelque chose de comparable au cancer, aux difficultés de respiration ou aux choses de ce genre. Mais je pourrais certainement aussi parler de bien des gens qui ont pensé et qui pensent que la politique joue un rôle extrêmement important. À peu près le rôle que la vie et son sous-produit, la mort, jouent pour le globe terrestre.
Écartez le soleil, 1951.