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Critiques de Fabrice Delphi (4)
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L'Araignée rouge

Toujours à la recherche d’une littérature étrange et oubliée, j’ai profité d’une réédition unique de L’Araignée rouge pour découvrir l’un des plus curieux romans de l’époque décadente.



Nous sommes aux frontières du fantastique, emportés tout entier dans le délire frénétique d’un fou drogué à l’éther. Le roman fit un petit scandale à sa sortie, et l’on comprend vite pourquoi.

L’histoire s’ouvre sur le témoignage inquiétant de l’auteur qui nous parle d’un personnage singulier rencontré dix ans plus tôt, Andhré Mordann. Ce dernier lui a fait parvenir un journal avant d’être arrêté par la police couvert de sang et serré contre des pierres tombales. Ainsi commence une plongée sombre et délirante dans les jours d’Andhré. Le jeune homme n’est pas fou, mais la vie le fait souffrir. Eternel inadapté, il ne se fait pas à l’hypocrisie familiale, déteste la campagne, trouve la contemplation vaine, l’idée du couple bourgeois l’ennuie et « le fantôme de son enfance » le poursuit. On voudrait le marier à une fille de bonne famille dont l’âme trop lisse ne l’attire pas. Lui, au contraire, cherche des personnes aussi brisées que lui. Si elles ne le sont pas, il tourmente leur sensibilité pour leur léguer un peu de sa souffrance. Ses satisfactions sont cruelles. Andhré incarne, sans compromis, la figure d’un être en rupture avec la société. Il est cynique, car il sait son mal incurable. Intelligent et cultivé, il préfère les bouges à son milieu. La salubrité du Paris populaire lui est une sorte de consolation. La misère ne ment pas. Elle le laisse s’avilir tout entier, et s’émerveiller dans l’horreur.



Mais, la mélancolie seule n’explique pas l’attitude d’Andhré. Elle n’est que le point de départ de son malheur. Son impossibilité à donner un sens à son existence a fait de lui un éthéromane. En bon observateur, Delphi esquisse le portrait d’un drogué qui ne pouvait ressentir la vie autrement qu’en s’empoisonnant l’âme.



Des dizaines d’araignées rouges courent le long des pages. Le plus souvent, il s’agit de mains nerveuses et agitées, parfois cerclées de bagues, qui, sous le regard du narrateur, se détachent des corps, semblent exister indépendamment de celui-ci. Elles sortent aussi des fleurs, rouges, leurs pattes s’éployant comme des pétales. Au fil des jours, la tension monte. Le personnage glisse vers un point de non retour complètement désespéré. Gogol fait pâle figure à côté de ce journal d’un fou qui impose un fantastique dérangeant, martèle l’esprit et nous rend presque suffocant.

Impossible de lâcher le livre avant la fin. L’auteur nous piège dans un vortex infernal, en arrivant presque à nous faire ressentir les effets de l’éther à coup de symboles sanglants, et de créatures rampantes qui, irrésistiblement, conduisent à la mort, aux passions assassines.



Tous les clichés du fantastique fin du siècle répondent présents. Delphi les enchaîne avec un style excessivement tactile et visuel. La lecture est brillamment indigeste et l’auteur ne s’en cache pas en annonçant, dans une lettre à Jean Lorrain (qui était éthéromane), un « récit noir, noir, noir… ».

L’Araignée rouge est une épreuve mentale. On en sort comme d’un mauvais rêve, à bout de souffle, étourdi, l’esprit en feu et balloté. Delphi signe un livre d’une rare violence, et sans doute l’un des premiers textes psychédéliques. Les effets de l’éther sont palpables, et, je dirais même qu’il n’est plus besoin d’en consommer pour goûter ses désordres cauchemardesques. Une expérience littéraire des plus troublantes.




Lien : http://unityeiden.fr.nf/lara..
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L'anneau de verre

Fabrice Delphi est un journaliste écrivain décrié à son époque pour ses moeurs (il était homosexuel) ce qui lui valu de mourir dans l'oubli et dans un dénuement total.



L'auteur s'est très peu essayé au genre policier, mais ses quelques tentatives font des lectures plutôt agréables comme nous l'avait déjà démontré le titre « L'Ombre Rousse ».



Marcel Privat n'est pas un privé, mais le disciple et l'élève d'un chimiste de génie qui décède (le génie, pas l'élève) brutalement d'une rupture d'anévrisme alors que sa santé était bonne.



Marcel Privat ne se prive pas pour émettre des doutes quant à la mort naturelle de son bienfaiteur et il a pour preuve que l'anneau de verre que ce dernier portait sans cesse a disparu.



La police ne voulant rien savoir, Marcel Privat va à tout prix chercher qui est le meurtrier et, pour cela, il va s'improviser policier privé.



Trève de jeux de mots, d'assonances et autres bilevesées de la sorte, « L'anneau de verre » nous montre que Fabrice Delphi maniait bien la plume et était un bon conteur. Bien évidemment, le format 32 pages (le titre a été édité, à l'origine, dans la collection fasciculaire « Aventures Policières » des éditions Rouff en 1937) impose des restrictions tant au niveau du style que de l'intrigue puisque le texte dépasse à peine les 13 000 mots, mais l'on sent que Fabrice Delphi était à l'aise avec cette contrainte (il écrivait beaucoup de scènettes et autres textes courts) et on se doute qu'il devait s'avérer encore meilleur sur un format plus long, malheureusement, je n'ai pas connaissance qu'un seul de ses romans de taille classique oeuvra dans le genre policier.



On peut rajouter que le personnage de Marcel Privat est plutôt sympathique dans son respect envers le maître et sa volonté de trouver un coupable à la mort de ce dernier là où les autorités ne pointent que la fatalité du doigt.



Au final, un court roman policier agréable à lire et qui laisse pour regret que son auteur ne se soit pas plus souvent penché sur ce genre spécifique.
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L'Araignée rouge

Delphi Fabrice est un auteur assez méconnu et quasi pas réédité. Cette Araignée rouge est une merveille de la littérature décadente. Le texte est dédié à Jean Lorrain, pas étonnant d'y retrouver certaines des obsessions de notre "enfilanthrope" préféré. Pour résumer très brièvement ce texte délirant, il s'agit du portrait d'Andhré Mordanne, un mélancolique névrosé qui promène ses obsessions du Paris populaire à la campagne sans pouvoir s'en défaire. Obsédé par le Fantôme qui le poursuit partout sous la forme d'une araignée rouge qui se manifeste à tous moments de sa vie, dans les mains de ses amis ou celles des filles de joie qu'il croise sur sa route maudite. L'éther et la morphine ne font qu'accentuer ses délires jusqu'au drame final. En bref une plongée dans la folie maniant à merveille toutes les obsessions fin de siècle, spleen, identité sexuelle, drogues, névroses, fantastique...
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L'ombre rousse

Fabrice Delphi est un auteur de la littérature populaire que je n’avais pas, jusque là, abordé, pour la simple et bonne raison que je ne m’étais encore jamais penché sur un de ses textes.



C’est chose faite désormais avec « L’Ombre Rousse », un titre initialement édité dans cultissime collection « Mon Roman Policier », 1re série, de la non moins culte maison d’édition Ferenczi.



Fabrice Delphi ou DELPHI-FABRICE, de son vrai nom Gaston Henri Adhémar Risselin, est né le 10 octobre 1887 et mort le 26 mars 1937 (L’Abbé Bethléem évoque, lui, un décès en début avril 1937).



Critique d’art, décrié pour son homosexualité, il se lance dans l’écriture et obtient un certain succès avec son roman « L’araignée rouge », puis devient rédacteur pour le journal « Gil Blas » et au « Supplément de la Lanterne ».



Il passera sa vie à écrire des saynètes tirées des romans de la Comtesse de Monségur, des pièces de théâtre, des romans, des monologues, pour, au final, vivre et mourir dans un complet dénuement.



Oublié des siens, pairs et proches, à l’époque, il le demeure des lecteurs d’aujourd’hui, enfin, jusqu’à ce jour.

La collection « Mon Roman Policier » dont est issu ce titre, bien que culte et regroupant des titres écrits par les plus grands auteurs de la littérature populaire de l’époque et illustré par l’excellent Gil Baer, n’en contient pas moins, pour autant, des textes dispensables pour beaucoup.



Dispensables à plusieurs titres.



Tout d’abord le format 32 pages laisse peu de latitude aux auteurs pour mettre en place des intrigues et des personnages. Du fait, on se retrouve bien souvent avec des romans plaçant le suspens et l’enquête au second plan pour leurs préférer de l’action et de l’aventure, des scènes plus rythmées et nécessitant moins d’ampleur pour demeurer efficaces et agréables à lire.



Ensuite, parce que la collection est à l’image de la littérature populaire de son époque qui hésite encore entre cette action mise en avant et le suspens promis par le genre contenu dans son titre « Policier ».



Le style de ces années 1920 est plus proche, dans la surannation, de celui de la première décennie de ce siècle naissant que celui, ne serait-ce, que de la décennie suivante, annonciateur par bien des points à un esprit « Faubourien » et annonciateur de la plume argotique dont Frédérice Dar se fera le chantre après la Seconde Guerre et qui sera initiée, par exemple, par des auteurs moins reconnus comme Gustave Gailhard avec son court roman « Un cadavre sur une route ».



Pour autant, cette même collection regorge pourtant de bons textes, qu’ils soient ou non ancrés dans ce style compassé, la preuve en est avec les titres réédités dans la collection « Les Cadennes » chez OXYMORON Éditions et, notamment, le titre en question aujourd’hui.



Car Fabrice Delphi nous conte là une histoire narrée à la première personne à propos d’un fait divers qui ce serait déroulé dans les années 1910.



Si l’ensemble est donc daté à quelques années près, le style lui, l’est beaucoup moins, et si ce n’est quelques détails qui rappellent l’époque dans laquelle ce situe cette histoire, le reste se lit avec un grand plaisir et sans ce sentiment d’avoir affaire à texte aux charmes d’antan.



Certes, on ne vantera pas la modernité du texte, loin de là, mais on le lit sans même, d’ailleurs, se soucier de l’époque à laquelle il est censé se dérouler, ni même à celle à laquelle il a été écrit.



La force du récit réside d’ailleurs dans cette sensation, ou non sensation. On lit l’ensemble, avant tout, comme une bonne et courte histoire et non comme un récit d’antan même si on peut rapprocher le style et l’ambiance à, par exemple, le roman « L’épouvante » de Maurice Level.



Bien évidemment, ce sentiment naît avant tout, de la narration à la première personne, mais pas que.



Car, Fabrice Delphi nous met dans la peau de son héros, un jeune dramaturge qui, discutant d’un fait divers avec son ami médecin, se rend compte, grâce à ce dernier, qu’il connaît la victime. Par association, il se souvient de l’homme qui lui a présenté la jeune femme et est fort surpris que ce souvenir coïncide avec l’apparition de ce dernier. La fatigue qui se lit sur le visage de l’arrivant, les gants qu’il porte aux mains, son ébranlement à l’évocation du destin tragique de la chanteuse, sa fuite, enfin, font naître dans l’esprit de l’écrivain des soupçons à son égard.



Et cela n’est rien face à la volonté farouche du bonhomme de vouloir faire de lui son confident, en l’abordant lors d’un spectacle puis en lui envoyant une lettre.



Le dramaturge se retrouve alors écartelé entre plusieurs positions. Celle de ne rien vouloir savoir, celle d’entendre la confession, ou de la lire, pour savoir si ses doutes sont fondés et celle d’en parler à la justice. C’est la seconde puis la troisième solution qu’il choisira, regrettant, devant la réception du juge d’instruction, d’avoir fait cette démarche.



Il le regrettera d’autant plus que le même juge d’instruction va le faire arrêter pour complicité dans la tentative de meurtre. L’écrivain aura beau clamer son innocence, rien n’y fera...



Le texte, bien que concis, réserve son lot de plaisir de lecture, à l’évocation du crime, lors des tergiversations du héros, puis dans sa chute et... je vous en laisse la surprise.



L’ensemble est plutôt rondement mené et, surtout, moins daté et dans l’esprit et les sujets de son époque que bien d’autres titres de la fameuse collection.



Ne serait-ce que pour cela, ce titre de Fabrice Delphi devient indispensable pour qui s’intéresse à la littérature populaire de l’époque.



Mais, en plus de se révéler un témoin original de cette production, « L’Ombre Rousse » est, avant tout, un bon petit texte qui se dévore avec plaisir, et, rien que pour cela, mérite d’être lu même par les lecteurs ne se souciant pas de cette littérature particulière.



Au final, une découverte de la production de Fabrice Delphi très intéressante, et qui donne envie d’en découvrir plus même si l’auteur n’était pas spécialisé dans le genre « Policier ».
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