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Citation de Charybde2


Encore le même plan. Sauf qu’on attaque de jour. Comment est le ciel ? Y a-t-il du soleil ? Je ne me souviens pas. L’uniforme a l’odeur monotone des choses unisexes. L’herbe humide est du même vert-de-gris que les parois des chiottes publiques. Pendant ces quelques minutes qui précèdent l’assaut règne un silence total. Même les bruits de la nature s’éteignent. Ou alors les sens ne les perçoivent plus, occupés qu’ils sont par une seule et unique chose : rester vivant. Tout mon corps est comme une main moite de sueur crispée jusqu’à la crampe. Tir au lance-roquettes, puis succession de rafales entrecoupées de Allah akbar. Nous enfonçons leur ligne avec une facilité inespérée. Faisons irruption dans leurs tranchées désertées. Les veines me sortent de la tête. Les balles explosives font un crépitement de pop-corn. Redžo Begić est à ma droite, à genoux. De la paille dépasse de dessous une couverture militaire. Nous fouillons les sacs des soldats. Le propriétaire de celui que j’ai entre les mains s’appelle Duško Banjac. Son nom est écrit au crayon à papier sur une feuille arrachée d’un carnet de comptabilité. On fourre dans nos poches les boîtes de munitions en carton. Maintenant, du sang épais coule de la bouche de Redžo. Il gargouille ; son visage prend la couleur de la craie. Je pense d’abord qu’il a pris une balle en pleine bouche. On le tire de la tranchée pour le traîner une dizaine de mètres plus bas, dans l’abri. Quelques secondes plus tard, il est mort. On n’a même pas eu le temps de panser sa blessure. La balle lui est entrée dans la poitrine par le haut. Son cœur a éclaté. On le recouvre d’une toile de tente. (« Pour l’éternité »)
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