Plus les deux vieillissaient ensemble, plus ils comprenaient que leurs vies n’avaient rien en commun et qu’ils ne pourraient jamais se réconcilier. Leur relation serait toujours antagoniste, une relation entre un grand pouvoir et une petite colonie, entre un vainqueur et un vaincu. Ils n’avaient qu’à vivre autant que possible sous les auspices de leur rencontre, causée par la guerre, par la chute du communisme, par cinquante années d’erreurs, de disette et d’humiliations. Chacun devait se résigner à sa portion de malheur. Ni le dominé ni le dominant ne pouvaient être heureux. Chacun tirait une faible revanche des tourments de l’autre, mais se réveillait chaque matin encore plus seul et plus misérable.