Julie lit un roman érotique qui lui apprend des choses qu'elle ignorait :
" Mon œil au contraire recherchait dans les scènes les détails avec avidité, je croyais naguère n'ignorer qu'une seule chose, et je voyais avec surprise que chaque ligne était pour moi un trait de lumière. Je me sentis bientôt consumée par les plus vifs désirs, chacun de ces tableaux remplissait mon âme d'un feu dévorant ; que n'aurais-je pas donné pour être l'une de ces héroïnes ! Mais au défaut de la réalité, mon imagination me créait d'autres plaisirs, plus variés, pus fréquents, et non moins vifs peut-être. Dans les bras d'un amant, je n'aurais joui qu'une fois, avec mon livre je jouissais mille.
Comment décrire un nombre infini de petits événements qui n’ont d’intérêt que pour ceux qu’ils concernent, et qui cesseraient même d’en avoir sans l’attrait du mystère qui sait rendre tout agréable ? Peindrai-je, d’une plume hardie, des plaisirs que désire la femme la plus délicate, mais dont le tableau fait rougir celle qui se pique le moins de vertu ? Non sans doute ; on doit toujours respecter la décence ; la volupté même, en se parant de son voile, en devient plus enivrante. Quoique d’une morale peu sévère, je n’ai jamais cessé de rendre hommage à cette vertu ; et, lorsque je m’oubliais moi-même, je n’oubliais pas la pudeur. Je vois déjà mon Armand m’accuser de n’avoir été modeste que par un raffinement de coquetterie. Quand vous auriez deviné juste, qu’en résulterait-il ? Croyez-moi, mon ami ; c’est une grande folie que de vouloir pénétrer dans les replis du cœur humain, pour connaître les motifs qui le font agir ; contentons-nous des résultats, et surtout, lorsqu’ils sont bons, profitons-en sans nous embarrasser du reste.
« La mère en défendra la lecture à sa fille. »
Avertissement sur la page de garde.