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Citation de migdal


La perspective qu'Arsène Lupin fût le produit de l'imagination d'un écrivain était inadmissible. Je ne voulais entrer à aucun prix dans ce qui aurait pu me sortir de cette fiction. Le dernier des ouvrages, pourtant, trahit cruellement mon pacte de complicité imaginaire.

L'Ile aux trente cercueils me ramena, malgré moi, dans un enfer dont je voulais sortir. En sixième, dans mon institution pour jeunes filles catholiques, j'étais restée un après-midi à la maison pour lire, prétextant un rhume, enfermée dans ma chambre en écoutant une réédition du 33 tours du Sergent Pepper des Beatles sur un pick-up rouge que ma mère m'avait acheté au Bon Marché. Dès les premières pages, je compris que ce dernier livre était d'une autre nature. Une séquence dantesque de meurtres et de trahisons progressait inexorablement sur l'île bretonne de Sarek selon un ordre tout aussi inéluctable que tragique. Une chambre redoutable, dont le sol
basculait selon des mécanismes complexes et souterrains, mettait a mort ses occupants après les avoir soumis aux pires cruautés. Plus rien ne correspondait à la logique morale constamment démentie par de noirs calculs. Les personnages dont on attendait la grande retenue se comportaient dans les faits de manière monstrueuse.

Une scène ultime m'achevait : deux enfants, demi-frères révélés brusquement l'un à l'autre lors de ce coup de théâtre insulaire, dotés d'une gémellité physique quasi parfaite, se battaient à mort sous les yeux de leurs mères dans un combat organisé par leur père mythomane et pervers, le Comte Vorski. L'un des enfants, François, courageux et vertueux, était l'opposé de son demi-frère, Raynold, haineux et de surcroît entraîné à tuer. Pétrifîée par cette scène, je ne pouvais plus seulement toucher des doigts
toucher des doigts les pages d'un tel livre qui n'était de fait plus un livre mais un objet toxique qui vivrait dorénavant son sort indépendamment du mien. Même l'arrivée de Don Luis Perenna, un nouvel avatar de Lupin, ne suffit pas à compenser le trouble suscité par cette séquence macabre. C'était la fin de ma passion pour Arsène Lupin, gentleman cambrioleur. Maurice Leblanc avait poussé le bouchon de cristal trop loin.
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