Un coin de table où il s'est représenté lui-même, tenant sa pipe à pleine main, d'un geste qui lui était familier, avec Valade, un bouquet de violettes à la boutonnière, et Mérat, fumant sa pipe, lui aussi , gravement.
La Chine est un milieu aussi hostile à l'art qu'aux étrangers. Un voyageur candide s'arrêtant pour faire le croquis d'une place forte à la frontière allemande n'est pas exposé à plus d'avanies que le dessinateur qui s'avise de prendre des notes dans les rues de Canton.
J'en ai fait l'expérience. Il n'est invective méprisante ou grotesque dont on n'assaille là-bas, comme naguère encore nos propres paysans, les « tireux d'plans» — tous « jeteux d'sorts». Proposez à un Chinois de lui faire son portrait: il se cachera de suite, et vainement, pour obtenir qu'il pose, tenterez vous de le séduire : le plus misérable d'entre eux résistera aux offres les plus brillantes. Livrer son image à un tiers, c'est — dans leur étroite superstition — attirer sur soi tous les dangers imaginables.
Généralement, dans l'emploi du temps il n'est guère réservé plus de deux heures au dessin par semaine, mais il faut compter que, dès les premiers jours, l'étude des caractères de l'écriture, aux combinaisons de formes si variées, traces au pinceau à main levée, exerce l'oeil et assouplit la main de l'élève mieux que ne saurait le faire la copie prématurée d'un plâtre, exercice qui trop souvent chez les enfants de nos écoles, Trop jeunes et insuffisamment préparés, produit l'hébétude et le découragement. Mais si nous sommes venus au Japon, c'est pour voir ce qui s'y fait, et non pour nous critiquer nous-mêmes.
Des science, aucune ; nulles fioritures ; rien d'inutile. Chaque coup porte, comme chez les maîtres japonais, où tout est accent, jusque dans les plus petit trait, et concourt à l'effet d'ensemble.
Au point de vue intellectuel, Boston, surnommé « l'Athènes d'Amérique», a toujours occupé le premier rang.
C'est de là qu'est parti, en 1870, l'irrésistible courant grâce auquel le pays tout entier s'occupe aujourd'hui avec tant d'ardeur de développer la connaissance du dessin.
Parmi les hommes éminents qui travaillèrent avec un dévouement sans bornes à la réalisation de cette pensée, il en est trois dont les noms se distinguent entre tous.
A ce propos, je dirai qu'obéissant à un scrupule, qui semblera sans doute exagéré, il ne laissa jamais rien voir de ses travaux à ses élèves, voulant ainsi ne pas les exposer à la tentation d'imiter sa manière; il peignit cependant jusqu'à la fin de ses jours, on peut dire : secrètement. Je n'ai vu qu'après sa mort quelques-unes de ses œuvres chez un de ses parents qui en avait hérité.
Au Japon, très hospitalier, l'art est partout, comme mêlé à l'air que l'on respire. Aussi les Japonais, sont-ils passés maîtres dans la science de vivre et de peindre la vie — la leur bien entendu, qui n'est pas plus celle des Chinois qu'elle n'est la nôtre.