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Citation de Tannen


- Messieurs les jurés, si nous le condamnons, il se dira « Ces hommes n’ont rien fait pour mon destin, pour mon éducation, mon instruction, pour me rendre meilleur, pour faire de moi un homme. Ces hommes ne m’ont pas donné à boire ou à manger, ils ne sont pas venus me voir, nu, dans ma cellule, et ce sont les mêmes hommes qui m’ont envoyé au bagne. Je suis quitte, maintenant, je ne leur dois rien, et je ne dois rien à personne, pour les siècles des siècles. Ils sont méchants, moi aussi, je serai méchant. Ils sont cruels, moi aussi, je serai cruel. » Voilà ce qu’il dira, messieurs les jurés ! Et, je le jure : par votre accusation, vous ne ferez que le soulager, vous soulagerez sa conscience, il maudira le sang qu’il a versé, au lieu de le regretter. En même temps, vous perdrez en lui l’homme encore possible, car il restera méchant et aveugle pour toute sa vie. Or, voulez-vous que votre châtiment soit effrayant, terrible, qu’il soit le châtiment le plus affreux qu’on puisse seulement imaginer, mais de façon à le sauver, et ranimer son âme pour toujours ? S’il en est ainsi, écrasez-le par votre miséricorde ! Vous verrez, vous entendrez son âme frissonner, s’épouvanter : « Moi, puis-je supporter votre grâce, est-ce pour moi, tant d’amour, en suis-je digne ? », voilà ce qu’il s’exclamera ! Oh, je connais, je connais ce coeur, ce coeur sauvage, mais noble, messieurs les jurés. Il s’inclinera devant votre exploit, il a soif d’un grand acte d’amour, il s’enflammera et ressuscitera à jamais. Il est des âmes qui accusent le monde entier de leurs limitations. Mais écrasez cette âme par la miséricorde, montrez-lui de l’amour, et elle maudira son acte, elle qui a tant de penchants pour le bien. Son âme s’élargira et verra comme Dieu est miséricordieux, et comme les hommes sont beaux et justes. Il sera épouvanté, il sera écrasé par le remords et le devoir innombrable qui, dorénavant, devra lui incomber. Et il ne dira pas à ce moment : « Je suis quitte », non, il dira : « Je suis coupable devant tous les hommes et, de tous les hommes, je suis le plus indigne. » Pleurant des larmes de remords et, plein d’un brûlant, d’un douloureux attendrissement, il s’exclamera : « Les hommes sont meilleurs que moi, car ils ont voulu me sauver, et non me perdre ! » Oh, il vous est si facile de l’accomplir, cet acte de miséricorde, car, en l’absence de toute preuve qui ressemble de près ou de loin à une vérité, il vous sera trop difficile de prononcer : « Oui, il est coupable. » Mieux vaut relâcher dix coupables que de punir un innocent - entendez-vous, entendez-vous cette voix majestueuse du siècle passé de notre glorieuse histoire ? Est-ce à moi, dans mon insignifiance, de vous rappeler que le tribunal russe n’est pas seulement le châtiment, mais aussi le salut de l’homme qui se perd ! Qu’il soit, pour les autres nations, la lettre et le châtiment, chez nous, c’est l’esprit et le sens, le salut, la résurrection de ceux qui sont perdus. (…) Vous avez entre les mains le destin de mon client, vous avez entre les mains le destin de notre justice russe. Vous saurez la sauver, vous saurez la défendre, vous prouverez qu’il existe des gens pour veiller sur elle, qu’elle est entre de bonnes mains !
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