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Les frères Karamazov tome 2 sur 2
EAN : 9782742737048
700 pages
Actes Sud (01/03/2002)
4.56/5   236 notes
Résumé :
Il y a le père, Fiodor Pavlovich, riche, malhonnête et débauché, et ses trois fils légitimes : Mitia, impulsif, orgueilleux, sauvage ; Yvan, intellectuel, raffiné, intransigeant ; Aliocha, sincère, pieux, naïf. Et puis il y a le fils illégitime, Smerdiakov, libertin cynique vivant en serviteur chez son père. L'un d'eux sera parricide.
Roman complet et flamboyant, Les Frères Karamazov rassemble une intrigue policière, plusieurs histoires d'amour, des exposés t... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Avant d'aborder la critique intrinsèque, je précise que c'est un ouvrage que j'ai lu par l'intermédiaire des éditions Babel, et que la traduction qui y est proposée - une oeuvre d'André Markowicz - serait plus proche du style originel de son auteur que les traductions françaises dudit auteur habituellement proposées, ne lisant pas le russe, je ne saurai confirmer on infirmer l'information, mais, lisant le français, je saurai vous conseiller cette traduction, car elle demande certes d'être apprivoisée, surtout après l'avoir lu dans ses transpositions plus "classiques", mais une fois ceci fait, l'on ne regrette pas l'effort accompli. L'expression y est plus directe, moins raffinée, et c'est une donnée qui joue dans un style et dans une capacité à s'imprégner de l'oeuvre, selon ce qu'on en attend.


A l'heure de chroniquer un tel livre, mes doigts tremblent face au clavier. Comment leur simple mouvement, dicté par mon intellect, pourrait correctement rendre compte de l'impression que cet ouvrage m'a procuré ? C'est là je pense quelque chose d'impossible.
Je ne chercherai pas, dans cette critique, à vous résumer la narration, il s'agit là je pense de quelque chose qui a déjà été fait et ne nécessite pas d'approfondissement dans la mesure où celui-ci ne saurait qu'être une bille en plus dans un sac qui en est déjà rempli, la pauvre ne pourra que rouler en dehors et tomber dans l'oubli. Je vais donc me contenter de vous livrer les sentiments qui étaient les miens à l'achèvement de cette lecture, et, par extension, les sentiments qui sont les miens lorsque j'évoque Dostoïevski.



Après Crime et châtiment et Les démons, Les frères Karamazov était le troisième "gros ouvrage" de Dostoïesvki que j'abordais - j'entends par cette appellation une oeuvre relativement longue et considérée majoritairement comme un chef-d'oeuvre. Ayant adoré ses deux gros livres précédents qui sont passés dans mes mains, je savais, en entamant celui-ci, que je m'exposais à une claque, qu'après celles qu'il m'avait déjà infligées, je "tendais l'autre joue", mais je ne croyais pas si bien dire...


"En vérité, en vérité, je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il demeure seul ; mais, s'il meurt, il porte beaucoup de fruits." Évangile selon saint Jean, XII, 24.
Voilà ce qui constitue la première page de l'ouvrage, et voilà l'optique par laquelle il s'agit de l'aborder pour l'apprécier le plus possible, car, à la lumière de cette maxime, chacun des évènements principaux qui composent l'oeuvre s'éclaire et se justifie. Chaque mort fera surgir en tous les protagonistes concernés le meilleur de leur être s'ils sont bons, le pire s'ils sont mauvais - pardonnez ces considérations très manichéennes, mais je n'ai pas trouvé expression plus précise.
D'abord, la mise en contexte de l'histoire, comme toujours dans ce genre d'ouvrage, elle fait dans la longueur, mais c'en est une que je n'ai pas ressentie comme telle, même si l'on a bien l'impression que la trame n'est pas encore réellement lancée, l'ennui n'est pas présent. C'est une précision que j'estime importante parce que cette "introduction" en quelque sorte est bien souvent la raison de l'abandon de la lecture pour certains, bien que je n'en ai jamais fait les frais. Et puis l'histoire se lance, on en avait les préludes, on ressentait le talent, mais c'est là que sa révélation s'amplifie. Dostoïevski nous tient en haleine sans arrêt, je n'aime pas beaucoup l'appellation de "roman policier" que je considère péjorative - peut-être à tort - et limitée aux ouvrages disposés très intelligemment dans les presses de gare, pour qu'ils partent le plus vite possible. Mais force m'est de constater que s'ils ont pour caractéristique de nous pousser à connaître la suite le plus rapidement possible, Les frères Karamazov peut être - modérément - considéré ainsi. Cela étant, qu'est-ce que la trame narrative, face au génie psychologique de Dostoïevski ? Bien peu de chose à mon sens.
En effet, chacun de ces personnages prend vie sous nos yeux, chacun est tout aussi réaliste que le premier quidam que vous croiserez dans la rue, chacun a ses contradictions, chacun a sa vision de l'existence, chacun possède son idiosyncrasie propre - je me permets d'emprunter ce terme à Nietzsche, bien qu'il soit maintenant universel, puisque cela me permet de préciser que ce dernier a déclaré que s'il n'a jamais appris quoi que ce soit de qui que ce soit en psychologie, c'est à Dostoïevski qu'il le devait. Oui, cet auteur est certainement LE maître de la psychologie romanesque, c'est proprement hallucinant de constater l'incroyable réalité de ces personnages. Après les miettes que constituent la trame narrative face à la psychologie, je n'oserai parler des miettes que constitue la psychologie face à la philosophie, mais il me semble que, si ladite psychologie est si présente, c'est à des fins philosophiques, et ces fins sont présentes avant la fin de l'ouvrage - vous excuserez la boutade !
Beaucoup de dialogues, philosophiques donc - est-il besoin de préciser que l'incroyable dimension psychologique les matérialise et les transcende, les faisant quitter le terrain du roman pour une fausse réalité, d'une façon phénoménale ? -, et face à toutes ces considérations existentielles, il devient ardu voir impossible de déceler quelles sont celles de celui qui les met dans la bouche de ses personnages. Toujours de la même manière, tous sont si réels qu'aucun ne peut être discrédité, nous n'avons pas à faire à un Platon qui met en scène des oppositions dialectiques en défendant son point de vue par l'intermédiaire d'un redoutable rhétoricien face à un adversaire vaincu d'avance, tous ont de bonnes raisons de défendre ce en quoi ils croient, et aucun ne semble réellement avoir tort.



Chemin faisant, la fin approche, et je constate que ce livre m'a procuré des émotions comme aucun autre ne m'en a procuré, la lecture est pour moi une passion depuis quelques années maintenant, mais jamais encore je n'avais autant ressenti ce qu'avait à m'offrir cette dernière sur le plan des émotions. Je ne sais plus quoi rajouter et il y aurait encore tant à rajouter, Dostoïevski est pour moi plus que jamais l'un des plus grands écrivains de tous les temps - j'aimerais dire le plus grand, mais dans mon euphorie post-lecture, réfréner cette envie me semble nécessaire -, que dire d'autre sinon qu'il faut le lire pour avoir ne serait-ce qu'une petite idée du génie qui fait l'homme ? le lire en ayant bien en tête la dimension psychologique qu'il donne à ses romans, afin de l'apprécier pleinement. le lire en ayant bien en tête que si beaucoup d'auteurs possèdent une "oeuvre principale", Dostoïevski, lui, n'en a pas, non point parce qu'il n'a jamais accouché de chef-d'oeuvre, mais parce que chacune de ses créations en est un. le lire en ayant bien en tête que c'est un monument que nous avons entre les mains, pas un monument délaissé et inintéressant, non, un monument qui, après être passé dans la matérialité de notre corps, s'infusera dans la complexité de notre esprit, et qu'il n'en ressortira probablement jamais, parce qu'il est impensable d'extirper un éléphant d'une souris.
Le lire, tout simplement.
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Ça y est !

Maintenant, je fais partie des personnes ayant lu cette oeuvre majeure de la littérature universelle et je dois m'en féliciter.

Récit des plus imposants, en matière de volumes et de rebondissements, le génie* des frères Karamazov (1880) fait autour de 12 livres en 2 tomes (respectivement de 540 et 674 pages) ne me ménageait pas et je devais à chaque fois reprendre mon souffle littéraire de lecteur alors qu'il ne semblait en aucun moment en manquer.

C'est vrai qu'en terme d'émotions, l'histoire n'est pas des plus séduisantes, mais rien que réussir le pari de lire un ouvrage alambiqué, difficile à dénouer, notamment quand tous les sujets n'accrochent pas au même degré d'intensité, fait triompher une lecture jusqu'au-boutiste de qualité d'une autre légère et accessible.

Ici, Fiodor Dostoïevski (1821-1881) maître du suspense et du roman policier fait de sa dernière oeuvre son oeuvre (philosophique) la plus aboutie de tous les temps. A l'image de tous les russes, et probablement d'états d'âme et de l'évolution psychologique de l'auteur lui-même, il met de l'avant des personnages à caractères opposés, rivaux mais qui cohabitent.

Chaque figure est la porte-parole, le porte-fardeau d'une classe sociale, défenseure d'une idée. Aucun des personnages n'est gratuitement ou vainement inventé, même ceux de second plan. Tous sont la voix des courants de penséesexprimés dans la Russie de Dostoïevski – ces protagonistes qu'il se permet de désigner tantôt par leurs noms, tantôt et sans préavis par leurs diminutifs, mettant à la sellette le lecteur non aguerri à la culture russe.


…il s'intéressait assez vivement à l'affaire Karamazov, mais dans un sens purement général : en tant que phénomène classé, envisagé comme la résultante de notre régime social, comme une caractéristique de la mentalité russe, etc. p 504, tome 2

La fratrie Karamazov est accablée par le sort d'être les fils d'un vil vieillard, qui se permet toutes les débauches en clamant « périsse le monde pourvu que je me retrouve bien, moi seul ». Un individu ignoble dont on n'attend que le meurtre, un parricide qui qui n'advient qu'au 8ème livre, sans même s'en émouvoir.

Dimitri, l'aîné, est un lieutenant à la retraite. Abandonné par les deux parents, il est élevé par le domestique. Décrit comme un personnage téméraire, têtu, impatient et noceur, mais intérieurement noble et honnête. Au moment où se déroule le procès, il recueille contre lui tous les témoignages négatifs par ses relations déplorables avec les autres.

Ivan, est le personnage mystérieux du roman. Il est décrit comme l'homme intelligent, érudit, révolté, chez qui alternent les périodes de foi profonde avec le scepticisme. On le reconnait dans la formulation « S'il n'y a pas de Dieu, tout est permis », en soutenant les convictions athées et les appels au nihilisme moral. Entouré d'énigme, son âme est torturée au point d'imaginer un discours avec le Christ (Le Grand Inquisiteur, Tome 1), et dialoguer avec le Diable (Tome 2).

Alioucha, est un adolescent différent de la jeunesse avide de désordre de son époque. Pieux et modeste, ce fils cadet, a un grand coeur si réconciliant, que presque tous les personnages le retrouvent pour se confier. Disciple d'un grand starets, capable de sentir la souffrance des autres, de répondre à leur confiance, de les aimer inconditionnellement, il est là pour servir.

Probablement pour servir un thème qui lui est cher, celui de l'enfant trouvé, Dostoïevski crée le personnage épileptique, foncièrement triste et ingrat de Smerdiakov, fils illégitime de Fiodor Karamazov, dont la présence est nécessaire pour compléter le puzzle panoramique, humain et social de l'époque.

Reconnu comme le peintre des misérables, notamment des enfants (très présents ici) qui sontl'image de l'humanité souffrante et le symbole de la nécessité de changements dans la structure sociale, l'autour tisse la toile des moeurs de son époque autour de ces 4+1 portraits, où pratiquement et au final, personne n'est à blâmer ; avant de clore son travail sur un beau discours d'espoir.





*Un génie auquel je ne pense pas survivre une prochaine fois, que Les Possédés ne seront (malheureusement) pas lus!

Lien : http://myworldtoyou.com/wp/l..
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Retour de lecture sur un classique: "Les frères Karamazov", roman de Dostoïevski, écrit en 1880. Celui-ci est une telle référence qu'après un premier abandon il y a 15 ans, l'exercice se devait d'être retenté. C'est l'histoire d'un père, affreux et débauché, qui est assassiné en pleine nuit. le fils aîné, qui a le même caractère que le père, et des relations conflictuelles avec lui, est le suspect idéal. Sur la base de cette histoire policière, Dostoïevski nous dresse un portrait d'une complexité et subtilité rare, de 3 frères qui ont des personnalités totalement différentes: le débauché, le socialiste et le saint. La lecture de ce roman n'a pas été très facile et pas toujours agréable, mais finalement l'expérience est très positive et je comprends maintenant pourquoi ce livre est une telle référence. Il aborde tout simplement tout, et de manière magistrale: livre historique, policier, psychanalytique, philosophique, religieux, de procès...et j'en passe. C'est d'une puissance impressionnante. C'est également un des romans que j'ai lu qui aborde de la manière la plus complète et précise les différents aspects de la condition humaine. le panel des personnages de ce roman est très large, avec des personnalités très marquées et profondes, toujours admirablement détaillées même quand il s'agit de personnages secondaires. Plus difficile à lire que du Tolstoï pour moi, on y capte un aspect différent de l'âme russe, bien plus complexe, mais également plus noir et plus brutal. Je suis content de l'avoir lu, j'ai un peu souffert, mais j'en retiens de très belles et puissantes choses.
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Peut-être le plus important roman que j'ai lu parmi tous ceux que j'ai lu bien sûr, mais aussi parmi ceux qui me restent à lire : car je ne peux imaginer qu'on puisse concevoir une oeuvre plus magistrale. Au XVIII siècle Kant disait que la philosophie pouvait se résumer à poser 3 questions : que puis-je connaître ? Que dois-je faire ? Que m'est-il permis d'espérer ? Ces trois questions revenant finalement à se demander : qu'est-ce que l'homme. Trois questions, donc, qui cachent un mystère... Dostoïevski y répond avec l'histoire de ces 3 frères, précisément aux prises avec ces trois interrogations de l'existence (les plus fondamentales) ; et répond à l'énigme cachée.
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Peut-être le plus important roman que j'ai lu parmi tous ceux que j'ai lus, bien sûr, mais aussi parmi ceux qu'il me reste à lire : car je ne peux imaginer qu'on puisse concevoir une oeuvre plus magistrale. Au XVIII siècle Kant disait que la philosophie pouvait se résumer à poser 3 questions : que puis-je connaître ? Que dois-je faire ? Que m'est-il permis d'espérer ? Ces trois questions revenant finalement à se demander : qu'est-ce que l'homme. Trois questions, donc, qui cachent un mystère... Dostoïevski y répond avec l'histoire de ces 3 frères, précisément aux prises avec ces trois interrogations de l'existence (les plus fondamentales) ; et répond à l'énigme cachée.
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Citations et extraits (29) Voir plus Ajouter une citation
Il était une fois une commère, mais méchante méchante, et elle est morte. Elle n'a pas laissé la moindre vertu à sa mort. Les diables, donc, ils la prennent et la jettent dans un lac de flammes. Et son ange gardien, lui, il reste là, il se demande : qu'est-ce que je pourrais me rappeler comme vertu qu'elle aurait eue, pour le dire au bon Dieu ? Ça lui revient, et il Lui dit, au bon Dieu : Un jour, il dit, elle est allée arracher un petit oignon dans son potager et elle l'a donné à une mendiante. Et Dieu lui répond : Prends-le, Il lui dit, ce petit oignon, tends-le dans le lac, qu'elle s'accroche à lui et qu'elle essaie de se hisser, et si tu arrives à la sortir du lac, alors, qu'elle entre au paradis, mais si l'oignon casse, alors qu'elle reste, la commère, là où elle est. L'ange accourt vers la commère, il lui tend, cet oignon : tiens, il lui dit, commère, accroche-toi, je te tire de là. Et le voilà qui commence à tirer, lentement, et il l'a déjà presque tirée tout entière, mais, les autres pécheurs, dans le lac, quand ils l'ont vue, qu'elle est en train de se faire hisser dehors, ils se mettent tous à s'accrocher à elle, pour qu'on les hisse dehors, eux aussi, avec elle. Et la commère, elle était méchante, mais méchante, elle commence à agiter les jambes : « C'est moi qu'on tire, pas vous, il est à moi, le petit oignon, il est pas à vous ». Et elle n'avait pas dit ça que le petit oignon, il a cassé. Elle est retombée, la commère, dans le lac, et elle y brûle encore. Et l'ange, il a pleuré, et il est reparti (Troisième partie, Livre septième : ALIOCHA, Chapitre III : « Le petit oignon », p. 55).
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Partout, de nos jours, l'esprit humain commence ridiculement à perdre de vue que la véritable garantie de l'individu consiste, non dans son effort personnel isolé, mais dans la solidarité.
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La pièce d'entrée était meublée d'un billard avec un arrangement des plus bienséants, c'est à dire avec, même aux murs, des représentations de courses d'obstacles anglaises dans des cadres noirs, ce qui, comme chacun sait, est la décoration indispensable de toute salle de billard de célibataire.
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- Messieurs les jurés, si nous le condamnons, il se dira « Ces hommes n’ont rien fait pour mon destin, pour mon éducation, mon instruction, pour me rendre meilleur, pour faire de moi un homme. Ces hommes ne m’ont pas donné à boire ou à manger, ils ne sont pas venus me voir, nu, dans ma cellule, et ce sont les mêmes hommes qui m’ont envoyé au bagne. Je suis quitte, maintenant, je ne leur dois rien, et je ne dois rien à personne, pour les siècles des siècles. Ils sont méchants, moi aussi, je serai méchant. Ils sont cruels, moi aussi, je serai cruel. » Voilà ce qu’il dira, messieurs les jurés ! Et, je le jure : par votre accusation, vous ne ferez que le soulager, vous soulagerez sa conscience, il maudira le sang qu’il a versé, au lieu de le regretter. En même temps, vous perdrez en lui l’homme encore possible, car il restera méchant et aveugle pour toute sa vie. Or, voulez-vous que votre châtiment soit effrayant, terrible, qu’il soit le châtiment le plus affreux qu’on puisse seulement imaginer, mais de façon à le sauver, et ranimer son âme pour toujours ? S’il en est ainsi, écrasez-le par votre miséricorde ! Vous verrez, vous entendrez son âme frissonner, s’épouvanter : « Moi, puis-je supporter votre grâce, est-ce pour moi, tant d’amour, en suis-je digne ? », voilà ce qu’il s’exclamera ! Oh, je connais, je connais ce coeur, ce coeur sauvage, mais noble, messieurs les jurés. Il s’inclinera devant votre exploit, il a soif d’un grand acte d’amour, il s’enflammera et ressuscitera à jamais. Il est des âmes qui accusent le monde entier de leurs limitations. Mais écrasez cette âme par la miséricorde, montrez-lui de l’amour, et elle maudira son acte, elle qui a tant de penchants pour le bien. Son âme s’élargira et verra comme Dieu est miséricordieux, et comme les hommes sont beaux et justes. Il sera épouvanté, il sera écrasé par le remords et le devoir innombrable qui, dorénavant, devra lui incomber. Et il ne dira pas à ce moment : « Je suis quitte », non, il dira : « Je suis coupable devant tous les hommes et, de tous les hommes, je suis le plus indigne. » Pleurant des larmes de remords et, plein d’un brûlant, d’un douloureux attendrissement, il s’exclamera : « Les hommes sont meilleurs que moi, car ils ont voulu me sauver, et non me perdre ! » Oh, il vous est si facile de l’accomplir, cet acte de miséricorde, car, en l’absence de toute preuve qui ressemble de près ou de loin à une vérité, il vous sera trop difficile de prononcer : « Oui, il est coupable. » Mieux vaut relâcher dix coupables que de punir un innocent - entendez-vous, entendez-vous cette voix majestueuse du siècle passé de notre glorieuse histoire ? Est-ce à moi, dans mon insignifiance, de vous rappeler que le tribunal russe n’est pas seulement le châtiment, mais aussi le salut de l’homme qui se perd ! Qu’il soit, pour les autres nations, la lettre et le châtiment, chez nous, c’est l’esprit et le sens, le salut, la résurrection de ceux qui sont perdus. (…) Vous avez entre les mains le destin de mon client, vous avez entre les mains le destin de notre justice russe. Vous saurez la sauver, vous saurez la défendre, vous prouverez qu’il existe des gens pour veiller sur elle, qu’elle est entre de bonnes mains !
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La conscience, c'est déjà du remords, et, ce remords, le suicidé a très bien pu ne pas l'éprouver, il pouvait n'éprouver que du désespoir. Le désespoir et le remords - ce sont deux choses toutes différentes. Le désespoir peut être méchant et entêté, et le suicidé, attentant à ses jours, au moment même où il le faisait, pouvait doublement haïr tous ceux dont, toute sa vie, il avait été jaloux.
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Quel est le plus impressionnant des romans russes ? Un roman-fleuve, une dinguerie sublime qui met en scène quatre frères qui sont surtout quatre fils, autour d'un père détesté et détestable ?
« Les frères Karamazov » , de Dostoïevski, c'est à lire en poche chez Actes Sud Babel.
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