Oui, elle ignore que derrière chaque prêtre non mobilisé, les Allemands croient voir un résistant, appelant femmes et enfants à tirer sur les soldats et qu'en ce premier mois de guerre, les batailles se livrent aussi contre les civils. Elle ignore qu'à quelques kilomètres de là, le curé de Villers-la-Montagne a été arrêté alors qu'il visitait une personne souffrante, qu'il a été emprisonné dans son église deux jours sans boire ni manger et qu'enfin il a été fusillé dans un champ devant tous ses paroissiens réunis et surveillés par les soldats.
Plus que jamais, les habitants se sentent prisonniers . Consignés au village, ils n'ont pas le droit d'en sortir. L e couvre-feu a été avancé à 9 heures du soir, heure allemande. Des patrouilles de jour débusquent les récalcitrants au travail obligatoire, ceux qui ne se présentent pas à l'appel. Une voisine a fait trois jours de cachot et payé trente marks d'amende pour avoir refusé de travailler, une autre "à la boîte" pour avoir manqué une demi-journée, deux mères de famille aussi , exténuées par la chaleur, pour "avoir flâ de né". Delphine, 15 ans, est condamnée à six semaines de cachot pour avoir fait passer les paroles d'une chanson patriotique à un prisonnier civil. Pour les Allemands, c'est une rébellion. Pour les Français, de la désobéissance.