Je le savais. Quand Tatie Milie a appelé trois fois ce soir pour que je vienne la seconder sur je ne sais quelle opération délicate du cycle de la vie de ses asperges, ça sentait les embrouilles à plein nez. Vu de loin, ça a pourtant l'air de s'activer dans le jardin. Sauf que ma grand-tante fabuliste ne doit pas avoir besoin de mes bras, puisqu'elle a déjà ameuté la moitié du quartier. Une présentation en bonne et due forme aux nouveaux voisins, voilà donc le projet de Tatie Milie, qui se précipite à ma rencontre.
Mon père est innocent, je le sais. Pas que parce que c’est mon père et que je n’ai plus que lui, mais parce que je le ressens, viscéralement.
La vérité c'est que j'aurai toujours aimé pouvoir lui parler. De ça, de tout. Parler vite et fort pour ne rien dire. Avaler chaque syllabe. Les martyriser, pour râler, ronchonner. Les bouffer, pour marmonner, marmotter. Pour bredouiller des excuses, énoncer des grandes vérités, insulter des grandes gueules plutôt que de toujours fermer la sienne.
"J'ai lu je ne sais où qu'il suffisait d'un seul commentaire pour perdre foi en l'humanité. Mais aucun risque pour moi, c'est chose faite depuis longtemps."
« Mon père est innocent, je le sais. Pas que parce que c’est mon père et que je n’ai plus que lui, mais parce que je le ressens, viscéralement. »