Qu’est-ce qu’un déporté, qu’est-ce qu’un survivant au moment du retour ? Un être plus tout à fait humain, pas encore animal. Parce que là où il est passé, le déporté n’a pu rester l’individu qu’il était, ni devenir le complet animal qu’on voulait faire de lui. Ce qu’il a vu, vécu, supporté, ressenti, est difficile à décrire. Je l’ai déjà dit, il faudrait inventer un vocabulaire inédit, forger des expressions qui n’ont pas d’équivalents chez les vivants. Aucun mot d’Homme n’arrive à réellement décrire ces situations ; le camp, c’est un autre continent de la souffrance. Contrainte de composer avec le langage dont j’ai hérité en partage à ma naissance - car on peut travailler les mots jusqu’à l’épuisement, jamais on ne pourra aller au-delà d’eux
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