Au plus fort de l’été quand la chaleur de plus en plus oppressante faisait blanchir le ciel et trembloter les paysages, les journées s’étiraient, interminables.
Il fallait pourtant tenir jusqu’au soir dans cette fournaise en se déplaçant le moins possible, en recherchant l’ombre d’un arbre, d’un auvent, d’un hangar. Les arabes, eux, s’obstinaient à porter stoïquement été comme hiver leur burnous en laine, à la capuche rabattue sur les yeux. Dans les maisons on s’affairait dans la pénombre. Les carrelages avaient été lavés à grande eau et les persiennes fermées.
A partir de 19 heures l’arroseuse municipale tentait bien d’abaisser la température en douchant l’asphalte. Mais l’eau avait surtout pour effet de dégager un brouillard sur le sol chauffé à blanc et le bien- être était éphémère.
Tout le village attendait la promesse de la fraîcheur en surveillant le soleil dans sa descente, il le voyait décliner lentement puis rosir tout un peuple de petits nuages effilochés.
Enfin le crépuscule était là ! Et pendant ce court moment de lumière incertaine chacun se hâtait de rentrer chez soi.
Les enfants arabes regagnaient en courant leur quartier, un peu plus loin derrière notre villa, les chèvres étaient reconduites dans leur enclos juste à côté de la maison du chevrier, les ânes passaient sous nos fenêtres en trottinant chargés à bloc de fagots. Lentement la rue principale se vidait, les cafés chassaient leurs derniers clients et les commerçants baissaient leur rideau.
Alors brusquement la journée basculait dans la nuit.
Partout les persiennes étaient ouvertes pour tenter de ménager des courants d’air. Depuis la véranda où il nous arrivait de dîner abrités par le rideau des bougainvilliers, les sons nous parvenaient avec une incroyable netteté.
Vint ensuite le casse-tête de la dénomination d’une commune crée de toutes pièces.
On aurait pu conserver le nom arabe du lieu ou d’un saint homme, un marabout, comme cela s’était fait par exemple pour Sidi Bel Abbès.
On aurait pu aussi choisir un nom célèbre de notre patrimoine français : il y avait déjà Bossuet, Palissy, plus tard il y aura Berthelot, Parmentier, Descartes. Choix inattendu, touchant et plutôt comique pour ces trous perdus recevant une population cosmopolite à l’instruction très limitée. Mais la plupart du temps on baptisait les centres avec des noms de généraux ou de hauts fonctionnaires qui s’étaient illustrés sous le Premier Empire ou depuis la conquête du pays. Ce fut le cas pour notre village.
Finalement, le 24 avril 1875, on opta par décret pour Mercier Lacombe, un ancien administrateur civil d’Algérie ami et voisin en Dordogne du Maréchal Bugeaud.
Sfisef ou Zefsouf : un lieu parmi tant d’autres dans cette vaste plaine algérienne au sud d’Oran. Pendant des siècles elle avait été le domaine de la grande tribu nomade des Beni Amer qui se déplaçait sur un territoire en triangle entre Oran, Tlemcen et Mascara. Au total plusieurs centaines de tentes et troupeaux représentant des dizaines de milliers d’individus. Cette tribu très ancienne avait eu sa période de gloire au Moyen Age, récoltant honneurs et richesses grâce au rôle de guerriers qu’elle jouait auprès des rois de Tlemcen qui régnaient alors sur le Maghreb central.