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Citation de blueman38


’Homme tourne le coin de la rue et retrouve le paradis
Les gens qui ne travaillent pas ne s’ennuie jamais. Les gens qui travaillent s’ennuient quand ils ne travaillent pas. C’est une grande loi de la nature, on n’y peut rien, c’est comme ça.
Et c’est très moral, en plus.
L’Homme des premiers âges ne s’ennuyait pas, car il ne travaillait pas. C’est sa femme qui travaillait. Mais elle ne s’ennuyait pas non plus, car elle n’arrêtait jamais. Ils étaient donc très heureux tous les deux, c’étaient deux sourires perpétuels, sauf qu’il fallait souvent changer de femme.
Le jour où l’homme des premiers âges voulut avoir sa cadillac comme tout le monde, il tâta le travail du bout du doigt, juste pour voir, et crac, c’était fait. Corps et biens. Le travail, c’est comme ça. Faut pas jouer avec.
Le travail ne peut pas durer tout le temps, ce serait inhumain. Il faut bien que le patron se repose. Et comme pendant ce temps-là il ne veut pas laisser les ouvriers tout seuls dans son usine pour qu’ils la lui fauchent, il les met dehors jusqu’au lendemain. Ça s’appelle les loisirs. Les loisirs, c’est quand on donne des coups de pied dans les cailloux en crachant par terre.
L’Homme commença à s’ennuyer tellement pendant les loisirs qu’il fut prêt à faire n’importe quoi pour échapper à cette épouvantable torture, sauf réparer la porte de la salle de bain.
L’ennuie est la mère de l’invention et la tante de la collection de timbres. Je sais, Victor Hugo l’a dit avant moi, mais on ne le répètera jamais assez.

Pour ne plus s’ennuyer tout seul, l’Homme inventa de s’ennuyer ensemble. Il eut des copains. C’était bien la première fois. Depuis la nuit des temps, l’Homme avait toujours été un loup-garou pour l’Homme. Jamais deux Hommes ne s’étaient approchés l’un de l’autre à moins de deux mètres pour autre chose que se faire du mal avec des objets étudiés pour ça. Eh bien, maintenant, le soir, après le travail, l’Homme se mit à rencontrer d’autres Hommes, et il n’eut pas envie de les tuer. Ce que le travail fait de nous, c’est pas croyable… Il les appelait ses copains.
L’Homme et ses copains se tenaient debout, bien groupés, dans une attitude tout à fait particulière que vous trouverez fidèlement reproduite sur la figure 1. Il restaient très longtemps comme ça. Leurs yeux étaient vides, leur lèvre inférieure pendait un peu. De temps en temps, l’un ou l’autre ouvrait la bouche, mais rien n’en sortait. Toutes les demi-heure environ, ils changeaient de pied. De bras aussi, conséquemment.
Ils seraient restés comme ça jusqu’au matin si leur femmes n’étaient venues les chercher avec des paroles blessantes où il était question de triste feignant, de soupe qui refroidit et d’exemple pour le gosse, et alors, bon, ils rentraient à la maison en tapant sur le femme.
Ils sentaient qu’il leur manquait quelque chose, qu’il leur manquait des tas de choses. Mais quoi ?
Ce qui leur manquait, moi je vais vous le dire. Parce que si nous attendons qu’ils trouvent tout seuls, nous en avons pour cinq mille ans.
Ils leur manquait cinq choses :
1. Un comptoir pour mettre sous leur bras.
2. Un verre pour mettre sur le comptoir.
3. Un mégot pour mettre à leur lèvre, l’inférieure, celle qui pendait un peu.
4. Des bretelles
5. Un sujet de conversation.

Tout ça, ils ont fini par l’avoir. Petit à petit. Mais pas dans l’ordre, ç’aurait été trop beau. Il y eut une période où ils avaient des bretelles mais pas de comptoir. Une autre où ils avaient un comptoir, un mégot, mais pas de bretelles (la mode était aux toges qui tiennent sans bretelles, cette année-là).
Le sujet de conversation, ils l’eurent tout à fait en dernier, parce que naturellement c’est plus difficile. Vous comprenez, il faut déjà savoir causer, et d’une. Après, il faut avoir de la conversation. Troisièmement, la conversation c’est pas tout, encore faut-il avoir un sujet de.
Les sujets de conversation susceptibles d’exister dans l’univers à trois dimensions du modèle courant sont au nombre de quatre, pas un de plus. Les mathématiciens les plus instruits sont tous d’accord sur ce point.
Liste complète des sujets possibles de conversation :
A. Les filles.
B. Le sport.
C. La politique.
D. La fois où on s’est tellement soûlé la gueule.
Et c’est tout.
A cause de la pluie, ils mirent un toit au-dessus d’eux. A cause de leurs femmes, ils mirent des murs sous le toit. Ça devenait très intime. Ils appelèrent ce lieu une maison de la culture. En abrégé :
BISTROT.
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