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Citation de Alzie


Alzie
12 novembre 2021
Dans le mémorable "Longtemps, je me suis couché de bonne heure", la première phrase de Proust, tout, définitivement, n'est-il pas déjà avancé ? Les dés de La Recherche y sont jetés ; et les proustiens n'en finiront pas de déceler, à plaisir, tout ce qu'elle engage. Comme un parasol ou un dais qu'on ouvre, et sous lequel on restera à couvert, ce "longtemps" fait d'emblée prévaloir, sans attendre et posément, l'ordre souverain de la durée. Face à l'extension de quoi, la qualité du je qui pointe et lui répond est celle d'un sujet singulier, mais débordant déjà par là de son exiguïté : fragilement anecdotique, mais inscrivant en vis-à-vis la forme creuse, disponible, où tout viendra se recueillir et se mouler. Surtout débuter par le coucher, c'est prendre déjà le contre-pied, mettre en route une conversion qui n'en finira pas : c'est commencer de faire apparaître sous l'expérience diurne, journalière, dissipée tôt oubliée, la dimension intérieure, autrement dit nocturne, où, dans le silence et le refus d'agitation, les avènements et les sentiments pourront enfin dégager un son clair, en se décantant ; où les impressions égrenées à la suite n'en finiront plus de percer souterrainement des tunnels entre elles, à travers le "Temps", pour sortir de leur dispersion et se rejoindre - en quoi l'oeuvre entière trouvera sa révélation. Aussi, après le coup de gong du "longtemps", l'octosyllabe qui suit commande une pause qui le fait résonner - suspens-silence ; mais le cadre est déjà posé, la trame est prête.

Chapitre IV - La première phrase, p. 42
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