LE CANADIEN EN FRANCE
AIR : « Du Dieu des bonnes gens »
Salut ô vous, bords chéris de nos pères,
Votre doux nom, règne encore parmi nous.
Abandonnés, jadis, en nos misères,
Dans notre coeur s’est calmé le courroux.
Et pour la France, un chant sacré s’élève ;
Qu’il brille pur le ciel de nos aïeux.
Au nouveau monde un jour pour nous se lève ;
Il sera glorieux.
Des pleurs d’exil ont du sang des barbares,
Purifié nos fertiles sillons ;
Sur des débris les lugubres fanfares,
Ne portent plus l’effroi dans les vallons.
La liberté, la paix et l’abondance,
Ont aux amours remis un luth joyeux.
Au nouveau monde un jour pour nous commence ;
Il sera glorieux.
On n’y voit point des grands dans leurs tourelles ;
De nos pasteurs éblouir les fiertés.
À la vertu comme à l’honneur fidèles
Ils se riraient de ces divinités.
Au même rang le destin nous fait naître ;
Seul le mérite est un titre des cieux.
Au nouveau monde un jour vient de paraître ;
Il sera glorieux.
* Voir en annexe la partition musicale.
Pour nos aïeux la coupe fut amère,
Jamais l’exil eut-il de doux plaisir ?
Ils avaient pris la Seine pour leur mère ;
Puis la quittant ils vont ailleurs mourir.
Cherchant un ciel qui daigne leur sourire,
Le sort, enfin, s’apaise à leurs neveux,
Au nouveau monde un jour commence à luire ;
Il sera glorieux.
Ô vous, Français, vous eûtes bien des peines,
Depuis qu’un sort jaloux nous sépara.
Jusqu’à nos bords, des chutes de vos chaînes,
Le bruit confus longtemps se prolongea.
Après ces temps de douleur et d’alarmes ;
Un doux soleil, pour vous luit dans les cieux.
Du nouveau monde il a reçu ses charmes ;
Il sera glorieux.
Libres, enfin, preux aînés de l’Europe,
Dans le forum accueillez vos cadets.
Le germe saint, partout se développe,
La liberté descend sur leurs guérets.
De chants proscrits les peuples sur la lyre,
Vont adoucir le destin malheureux.
Dans le vieux monde un jour commence à luire ;
Il sera glorieux.
Dans cet espoir, Français chantons, encore ;
À nos aïeux ces luths étaient communs.
Doux souvenirs exaucez notre aurore ;
La liberté dissipe nos chagrins.
Vois ce beau jour, où murmure Zéphyr,
Canadien, Français, noms chers aux cieux.
Puisse longtemps le bonheur nous sourire,
Sous un ciel glorieux.
L'introduction du gouvernement représentatif forme l'une des époques les plus remarquables de notre histoire. La constitution de 91, toile qu'elle allait être mise en pratique, était loin d'être équitable, parfaite ; mais lu portion de liberté qu'elle introduisait suffisait pour donner l'essor à l'expression fidèle et énergique des besoins et des sentiments populaires. . L'opinion longtemps comprimée se sentit soulagée en voyant enfin une voie toute restreinte qu'elle fut ouverte devant elle pour se faire connaître et se faire apprécier au-delà des mers.
L'histoire est devenue, depuis un demi siècle, une science analytique rigoureuse ; non seulement les faits, mais leurs causes, veulent être indiqués avec discernement et précision, afin qu'on puisse juger des uns par les autres. La critique sévère rejette tout ce qui ne porte pas en soi le cachet de la vérité. Ce qui se présente sans avoir été accepté par elle, discuté et approuvé au tribunal de la saine raison, est traité de fable et relégué dans le monde des créations imaginaires.
Le Canada n'avait pas été actuellement en guerre avec les Anglais depuis le traité de St-Germain-en-Laye en 1632. A cette époque reculée, où les colonies de l'Amérique septentrionale naissaient à peine, les combattait» étaient tons des Européens, qui se disputaient des lambeaux du continent dû au génie de Colomb. Aucun d'eux n'avait pris les armes pour détendre le solde sa vraie patrie ; la terre qu'ils foulaient était encore à leurs yeux une terre étrangère.
Nous avons dit que la France, à la nouvelle de la prise du Lys et de l'Alcide, avait rappelé son ambassadeur de Londres et déclaré la guerre à la Grande-Bretagne. Cette démarche, comme on le verra plus tard, ne fut prise néanmoins qu'après un délai de presqu'une année. L'indolent Louis XV ne pouvait se décider à prendre sérieusement les armes.