Je cours dans un jardin et je me cogne contre une grille. Mon visage heurte un loquet, le sang jaillit, je hurle. Enormément. On accourt, et ma mère dit : "Tiens-toi. Dans notre famille, on ne pleure pas."
Ce qu'elle me transmettait là était complexe. D'abord, la notion d'une collectivité à laquelle j'appartenais - notre famille, qui respectait des règles. Envers laquelle j'avais des obligations : en être digne, digne de mon père. Ensuite, l'indécence des larmes, plaintes et gémissements.
Elle était pourtant l'indulgence, la douceur, la tendresse, ma mère, mais... on se tient. Et, le cas échéant, on en crève, il faut bien le dire. C'était quasiment japonais, cette façon d'interdire l'exubérance de la douleur.