Son père lui a appris que dans le nord de la Gaule, les paysans ont d’autres usages. Dans ces régions de plaine où les champs sont très grands, ils utilisent une étrange moissonneuse. Elle est composée d’une grande caisse montée sur roues et ouvert sur le devant. Au bas de la partie ouverte, on fixe de nombreuses lames de fer très effilées. La moissonneuse poussée par un âne ou un cheval avance ainsi dans le champ de blé. Les épis coupés par les lames tombent dans la caisse et sont tassés par un paysan muni d’un grand râteau.
Au petit jour, Visumara s’est levée la première. Elle rajuste les plis de sa tunique et serre sa ceinture de couleurs vives. Ses bracelets tintent à chacun de ses mouvements. Elle rallume le feu qui a couvé toute la nuit. Il n’en reste que quelques braises rougeoyantes auxquelles elle rajoute des brindilles bien sèches. Litavic, debout à côté d’elle, lui tend des petites bûches. Devant les flammes qui crépitent à nouveau, tous deux mangent quelques noix et un peu de pain.
Un homme vêtu d’un lourd tablier de cuir tape sur une lame d’épée rougie au feu. Les étincelles jaillissent de toutes parts. Mais le fer de la lame n’est pas encore débarrassé de toutes ses impuretés. Le forgeron le met de nouveau à chauffer dans le foyer, avant de le frapper encore. Il doit renouveler l’opération de multiples fois afin d’obtenir une arme redoutable. Devant l’atelier, ses aides fixent un cerclage de fer sur une roue de chariot. Au contact du fer chauffé à blanc, le bois s’enflamme légèrement ; les deux hommes arrosent immédiatement la roue, une épaisse fumée blanche s’en dégage, faisant tousser et reculer Brismuca.
Brismuca a repris son chemin vers la cité. Elle croise des chariots, des cavaliers, des paysans vêtus de leurs braies et de leurs manteaux à capuchon. Tous se rendent à Avaricum pour vendre ou échanger les produits de la terre, les fruits de leurs récoltes. Les paysans achètent en ville tout ce qu’ils ne peuvent fabriquer eux-mêmes : des poteries, des tissus de couleur, des bijoux, des socs de charrue, des seaux cerclés de fer et aussi du sel qui vient des marais salants de l’Atlantique. Les plus riches peuvent même acheter des esclaves, d’anciens prisonniers de guerre, sur lesquels ils ont droit de vie ou de mort.
Le grain est conservé par chaque famille dans des silos aménagés dans le sol ou dans des greniers sur pilotis. Ils sont soigneusement fermés afin que les grains ne soient pas gâtés par les rongeurs ou les insectes.
Litavic a raconté à Brismuca qu’autrefois, pour moudre le grain, on utilisait des moyens très simples. Une grosse pierre plate, légèrement creusée en son centre, servait de table. On y étalait le grain, qui était broyé avec un galet rond. La farine était recueillie sur une natte ou un morceau de tissu. Depuis, le système s’est amélioré, les Gaulois utilisent des meules rotatives.
Il faudra aussi que je t'apprenne à cuire la viande à l'étouffée : tu creuses un trou dans le sol que tu tapisses de galets rougis par le feu. Ensuite tu y déposes du petit gibier, des perdrix de neige par exemple, que tu recouvres d'une autre couche de galets tout aussi brûlants. Lorsqu'ils refroidissent, tu les remplaces. La viande cuit ainsi doucement et prend un goût particulier. C'est très bon.
Apparut alors le roi, montant un des plus beaux chevaux du monde. J'ai cru voir un jeune dieu. Sa cuirasse de lame d'argent, couverte d'une riche broderie, répandait une auréole quasi-divine. Derrière lui, ducs, princes, comtes et marquis formaient une escorte magnifique. J'ai fermé les yeux devant tant d'éclat.