Françoise de Torrenté

Se toucher à peine
est comme boire
sans se désaltérer

Te penser
est être assoiffé

Lire dans les pierres
c'est trouver son chemin
perdre la mémoire
des heures
Pas celle des hommes

Lire dans les pierres
c'est reconnaître
ici d'ailleurs
demain de maintenant
le vrai du faux

Lire dans les pierres
n'est pas lire dans l'eau
L'une coule claire
et va de haut
en bas légère
L'autre se terre
et de sa place
happe au passage le temps

Ainsi griffent les sorcières
- d'une patte de chatte -
Sauvages
elles stigmatisent les pierres
On peut y lire :
Dieu naquit d'un coup
de dent

Elles délacent de leurs mains habiles
les noeuds des corps
les plus noueux
Et la crinière de leurs cheveux
flamboie du sang
de vos misères

Quand elles s'élèvent de la terre
l'ombelle de leur balai
lave
l'exacte trouée
de vos yeux.

Et si je m'allongeais
contre ce corps
à verrouiller l'amphore
et châtrer ses étais

Si je m'étendais sur son enclume
à larmer toutes les ombres
de sources adultères

Si je me déposais
dans sa vive lumière
à démembrer les ordres
et fourrailler les couches du toucher

Si je me coulais
sur son seuil
en armure
à dégainer les croix
et fendre l'étendard
de pierres à lancer

Qui parlerait encore d'errance de douter
Qui parlerait de feuilles à calquer de secrètes lectures
Qui parlerait de n'être sous l'été qu'une forêt de cendre qui suppure

Je ne marcherai
jamais
dans l'ombre du calvaire

Rassure-toi

Nous serons deux cyprès solaires
luisant
à fleur de colline sacrée