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Citation de Lmargantin


En octobre 1914, Kafka prend une semaine de congé pour avancer dans la rédaction du Procès commencée deux mois plus tôt. Il s’échappe même de l’appartement familial à Prague pour aller travailler au calme dans celui de sa sœur Elli, Nerudagasse 48. Prolongeant d’une semaine son congé, c’est cependant deux autres textes qu’il va écrire : le dernier chapitre d’Amérique, « Le grand théâtre d’Oklahoma », et À la Colonie pénitentiaire.
Les mois suivants, il hésite à publier ce dernier texte. Il en fait une lecture publique à Munich le 10 novembre 1916, lecture à laquelle assiste Rainer Maria Rilke. Selon plusieurs journaux, le récit aurait été mal accueilli par le public, il est même question de trois dames qui seraient tombées dans les pommes ! (histoire qui semble avoir été inventée par un journaliste). Par la suite, Kafka continue à douter de la valeur de ce texte. Son éditeur Kurt Wolff désire le publier, et ce n’est que trois ans plus tard qu’À la Colonie pénitentiaire paraîtra, tiré à mille exemplaires.
Les hésitations de Kafka semblent liées au caractère à la fois « douloureux » et « honteux » de ce récit, selon le mot peinlich qu’il emploie dans une lettre à son éditeur. La torture est ici l’œuvre d’une machine rendant la cruauté humaine totalement impersonnelle, effaçant même la conscience de toute culpabilité chez le tortionnaire. Kafka avait lu des articles de journal et des récits contemporains évoquant différentes colonies pénitentiaires tenues par des puissances européennes : il s’agissait bien d’inscrire de force une Loi supérieure dans la chair des détenus.
J’ai tenté de rendre la froideur de la langue kafkaïenne épousant celle de « l’appareil particulier » évoqué dès les premières lignes. L’écriture de ce récit est menée par l’inscription de la Loi sur la peau du condamné. Le lecteur doit passer lui aussi dans la machine du texte, mais il n’est pas sûr qu’il puisse aller jusqu’au bout. C’est peut-être la cruauté de sa propre écriture qui fit souffrir Kafka lui-même à la relecture, en même temps qu’il fut sans doute gêné par le caractère comique de certaines scènes où l’on sent la prégnance du théâtre yiddish, souvent évoqué dans son Journal.
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