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Citation de frejean


L'origine des esclaves et leur transport vers les colonies
Les marchands utilisaient toutes sortes de stratagèmes pour faire paraître leurs esclaves plus jeunes, plus gras et mieux portants. Quelques jours avant la vente, pour mieux tromper les acheteurs, on leur enduisait la peau d’huile de palmier et on les faisait manger et boire à volonté. Cependant, les acheteurs blancs avaient plus d’un tour dans leur sac. Ils dépouillaient les Noirs de tout ce qui leur tenait lieu de vêtement et les inspectaient dans les moindres détails, y compris dans les parties les plus intimes de leur anatomie. Ils leur faisaient ouvrir la bouche, tirer la langue, courir, sauter… Maman se souvenait même avoir vu un Blanc lécher le menton de quelques hommes : il tâchait ainsi de s’assurer, grâce au goût de la sueur, qu’ils n’étaient pas malades et que le poil de leur menton n’indiquait pas un âge plus avancé que l’apparence le laissait croire.
Grâce à ces précautions, étaient impitoyablement écartés les vieux Nègres à peau ridée et testicules pendants, les Nègres efflanqués aux yeux égarés. Quant à ma mère, elle fut du premier coup d’œil cataloguée « pièce d’Inde », c’est-à-dire évaluée au plus haut prix que pouvait atteindre une esclave : elle avait toutes ses dents, elle ne boitait pas et au surplus passait pour être jolie. Sa grossesse, dont on s’aperçut à ce moment-là, contribua encore à augmenter son prix. A titre de comparaison, avec l’argent que le capitaine avait dépensé pour l’avoir, il aurait pu acheter à Bourbon une douzaine de fusils ou de pièces de toile bleue.
Le voyage qui sembla durer une éternité fut très pénible autant pour l’équipage que pour la cargaison de bétail humain. Chaque esclave devait se contenter d’un espace calculé au plus juste de quarante centimètres en largeur et quatre-vingt-trois en hauteur. Les hommes, enchaînés deux par deux, subissaient des contraintes humiliantes et parfois fatales. Quand un désespéré se jetait à l’eau – ce qui arrivait surtout au début du voyage, beaucoup ne supportant pas de quitter à jamais les côtes africaines –, il entraînait son compagnon dans la mort. Les femmes et les enfants étaient libres durant la journée, mais la nuit, eux aussi souffraient de l’entassement.
L’entrepont, où les esclaves enchaînés étaient réduits à faire leurs besoins sur place, dégageait une odeur insoutenable d’excréments et de vomissures. Dans la journée, quand le temps le permettait, on rassemblait les captifs sur le pont. Les matelots en profitaient pour les nettoyer à l’eau de mer, pour désinfecter l’entrepont au vinaigre et y brûler de la poudre. Pour lutter contre l’ankylose des nuits, on les occupait à des exercices physiques et à des travaux manuels. Les jours de beau temps, le tillac se transformait en village d’artisans : on enfilait des perles, on tressait des cordes, on fabriquait des paniers. Quelquefois, sur le pont devenu salle de bal, on dansait au son d’un orchestre improvisé par des matelots musiciens. Ce n’était pas de bon cœur : ceux qui refusaient de gambiller étaient fouettés.
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