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Critiques de Frédéric Chopin (1)
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Lettres de Chopin et de George Sand

Voici un petit livre découvert par hasard dans une braderie tout récemment. Il s'agit de lettres écrites entre 1836 et 1839 par plusieurs personnes autour de la liaison de Frédéric Chopin et de George Sand. Il ne s'agit pas d'une correspondance entre les deux amants, mais d'une correspondance de chacun d'eux avec leurs confidents respectifs.

Lorsqu'ils font connaissance, ils sont déjà tous deux célèbres depuis plusieurs années. Ils sont jeunes. Chopin n'a que vingt-six ans. Quant à George Sand, elle a trente-deux ans. Mais, me direz-vous c'est très jeune aussi. À cette époque, ce n'était pas ce que la société pensait quant à l'âge d'une femme. Cruel regard ! Rappelez-vous, La femme de trente ans, De Balzac. Cela dit, George Sand, en 1836, a déjà une vie sentimentale et familiale bien accomplie.

L'impression que produisit Chopin sur George Sand est purement un coup de foudre. La réciproque ne fut pas tout à fait à l'identique. Écoutez plutôt ce qu'écrivait Chopin à sa famille à Varsovie, à propos de sa première impression de George Sand lorsqu'il fit sa connaissance : « J'ai fait la connaissance d'une grande célébrité : Madame Dudevant, connue sous le nom de George Sand ; mais son visage ne m'est pas sympathique et ne m'a pas plu du tout. Il y a même en elle quelque chose qui m'éloigne... »

Je ne sais pas si vous êtes comme moi, j'adore lire les correspondances de gens de lettres, c'est toujours riche, espiègle, qu'elles portent sur l'amitié comme celle entre René Char et Albert Camus, ou bien d'amour, comme celle du même Albert Camus avec Maria Casarès, ou bien Victor Hugo et Juliette Drouet. Celle de Flaubert est un monument de grâce et d'espièglerie. Nous entrons souvent dans une sorte de connivence intime. Lorsque certaines correspondances s'étendent sur plusieurs années, le lecteur que nous sommes est pris dans une sorte d'empathie, puis brusquement de tristesse, celui de savoir que le destin réserve parfois des choses insolites ou cruelles un peu plus loin aux protagonistes, alors que nous découvrons l'insouciance ou la légèreté de leurs lettres. Je pense ainsi à la riche correspondance entre Albert Camus et Maria Casarès et cette dernière lettre où ils se donnaient rendez-vous à Paris. Un accident de voiture contre un platane en décida autrement...

Ici je me suis follement amusé. Tout n'est que grâce, amour, légèreté, même si Chopin est un être terriblement angoissé et souffreteux.

Autour des deux héros, ont gravité à cette époque bien des personnages, certains célèbres aussi : Eugène Delacroix, Franz Liszt, amis communs aux deux futurs amants, excusez du peu, et aussi Sainte-Beuve... Ces correspondances nous font connaître aussi des personnages de second plan, intéressants à plus d'un titre. Cet ouvrage les fait plus graviter par leurs mots, leurs lettres, autour de cette amour naissant, puis triomphant.

L'ouvrage débute un peu avant ce voyage à Majorque, aux Baléares, qui scella réellement le début de leur amour, bien que le début de cette liaison remonte au mois de juin 1838. À la fin de l'année 1838, George Sand et ses deux enfants, Solange et Maurice, partent pour Majorque et Frédéric Chopin les rejoint au cours de leur trajet à Perpignan.

Les deux héros narrent chacun à son confident les débuts de leurs amours, puis les péripéties du célèbre voyage, nous révélant le fond de leur coeur chacun à sa manière.

L'ouvrage et les échanges épistolaires des deux héros avec leurs confidents font la part belle à ce séjour qui dura jusqu'en janvier 1839. D'autres personnages échangent sur cet amour, parfois avec ironie, il faut voir la jalousie de Marie d'Agoult, maîtresse de Frantz Liszt, à l'égard de George Sand.

L'une des premières lettres de cette correspondance est celle adressée par George Sand à Albert Grzymala, son confident et ami commun de Chopin. Cette lettre de plusieurs pages est un bijou de grâce. Elle y fait un peu l'état des lieux de son coeur et de son âme, parlant de son sentiment de fidélité, disant qu'elle est une femme marquée par la constance, avouant cependant mal se connaître, se sentant faible à certains endroits, disant : « il n'est pas dans ma nature de gouverner mon être par la raison quand l'amour s'en empare ». Voilà qui est dit avec beaucoup d'élégance comme une annonce presque prémonitoire d'un coeur déjà prêt à chavirer...

Nous découvrons à travers ces lettres l'arrivée cocasse à Palma, où le confort attendu n'est pas au rendez-vous.

De Majorque, ils écrivent à leurs amis et c'est jubilatoire de lire l'impatience de George Sand lorsqu'elle écrit à sa confidente la comtesse Marliani, s'impatientant au bout de quelques jours de ne pas avoir reçu de réponse en retour, réécrivant à l'interlocutrice pour dire son impatience, évoquant peut-être que les lettres aient pu s'égarer en si long chemin. Il est vrai qu'il était hasardeux de penser qu'une lettre pouvait mettre sept jours pour aller de Palma à Paris. Que dirions-nous aujourd'hui à l'heure des courriels, des sms ? J'adore pour cela aussi me pencher sur l'impatience de cette époque...

Tandis que Chopin attend désespérément un piano qui doit lui être livré depuis Marseille, George Sand expédie à son éditeur parisien un manuscrit qu'elle vient d'achever ; durant plusieurs jours elle est angoissée, n'ayant pas de nouvelles en retour, s'inquiétant que le manuscrit se soit perdu en chemin. Vous imaginez à quoi tenait à cette époque la production des oeuvres.

Chopin finit par recevoir son piano, sans doute transporté en bateau à vapeur au milieu des cochons. Il achève les Préludes et les expédie aussitôt à Paris à son ami Julien Fontana.

Amusant aussi de voir comment George Sand évoque son amour de Chopin, s'inquiétant sans arrêt pour son côté maladif, se penchant sur cet amour, le considérant presque comme un enfant.

Ces lettres sont aussi l'occasion de découvrir le côté sombre de nos héros. George Sand n'a de cesse de traiter les Majorquins de peuple arriéré. Il faut dire que dès le départ, George Sand et Chopin se sont démarqués de la population locale, se sont mis en butte avec eux, en refusant d'assister aux offices religieux. Les Espagnols ne sont pas en reste non plus. Ils en prennent pour leur grade. Dans le même temps, nous voyons l'antisémitisme de Chopin dépeindre sur sa maîtresse. L'arrivée à Marseille est pour George Sand l'occasion de pester contre ces gens qui la reconnaissent, veulent sans arrêt l'approcher. Elle en est férocement irritée. C'était dur déjà d'être une star en 1839 ! C'est cela aussi l'envers cruel des correspondances, sans concessions, qui peut brusquement nous agacer, faire tomber de leur piédestal des êtres que nous admirons profondément. Pour autant, ces lettres font la part belle à George Sand, l'occasion pour elle d'affirmer son caractère entier et insoumis.

Les correspondances sont une manière aussi de saisir l'air du temps, le contexte historique, la passion et la fragilité des êtres, qu'ils soient grands ou petits, célèbres ou inconnus. Mais que ces lettres sont sublimement écrites !

Et que tout ceci me donne une farouche envie de renouer avec cette écrivaine qui a bercé ma scolarité !
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