Dzidza a tout perdu un jour de juillet 1995. Ses deux fils et son mari. Aucun des trois n’est rentré à la maison. Dzidza, comme toutes les femmes de Srebrenica, ne se faisait guère d’illusions à l’aune des découvertes des charniers. Ils régurgitaient par dizaines, par centaines, par milliers des corps enchevêtrés, amalgamés, anonymes. Des hommes, adultes ou adolescents, tous exécutés froidement dans la chaleur de juillet, quelques semaines avant les accords de Dayton qui signaient la fin du terrible conflit d’ex-Yougoslavie. […] Dix ans plus tard, Dzidza a reconstruit sa maison à Srebrenica. Son quotidien a peu changé. Elle s’attend toujours à voir débarquer ses fils à l’heure du déjeuner. Elle garde sur elle, toujours, en dérisoire relique, une bille retrouvée dans les décombres de sa maison incendiée, propriété d’Azmir ou d’Almir.
Les photographies poignantes qui composent le présent ouvrage soulèvent plus de questions qu’elles n’apportent de réponses. Pourquoi, en cette ère de progrès, sommes-nous encore les témoins de tant de brutalité ? Pourquoi, dans un monde d’abondance, la misère frappe-t-elle autant de personnes ? Et comment appréhender toute la force de l’esprit humain ? Car sur le visage de ces femmes et dans les légendes qui accompagnent les photos, nous découvrons leurs épreuves et lisons leurs souffrances, mais aussi leur volonté d’aller de l’avant. Qu’il s’agisse de femmes attendant que leurs enfants reçoivent des soins médicaux en Palestine ou de femmes priant auprès d’un monument érigé à la mémoire de proches disparus en Bosnie-Herzégovine, toutes semblent nous dire : « Nous n’abandonnerons pas, alors ne nous abandonnez pas !